Marcial Di Fonzo Bo

Adapté de l'œuvre de Lars Norén, Démons est le premier film réalisé par Marcial de Fonzo Bo qui a récemment pris la direction du Centre Dramatique National de Basse-Normandie/Comédie de Caen.
Le casting a de quoi séduire puisqu'il réunit Romain Duris, Marina Foïs et Anaïs Demoustier.
Œuvre sombre sur un couple qui se déchire avec une constance et une perversité inouïes, le film plante un vaste décor bourgeois, un huit-clos étouffant à la fois brûlant et glacé.
La mise en scène, plutôt belle et maîtrisée, est indéniablement celle d'un homme de théâtre, au point que l'on se retrouve quasiment en présence de théâtre filmé. Richesse ou faiblesse, selon les points de vue, il sera à ce titre très intéressant de confronter la version cinématographique à la version théâtrale qui sera présentée à la rentrée 2015.
Les acteurs sont excellents et occupent pleinement l'espace qui leur est offert. Partition vénéneuse et toxique pour Romain Duris et Marina Foïs qui forment un couple démoniaque et destructeur; partition de l'insignifiance, du stéréotype et de la candeur pour Anaïs Demoustier tandis que celle du comédien Stefan Kornaske est plus contrastée.
Le rôle d'Anaïs Demoustier, sorte de "quiche" authentiquement gentille et seul personnage capable d'aimer, est peut-être le plus difficile à interpréter aux côtés de comédiens dont l'épaisseur et la crédibilité sont sûrement plus aisés à acquérir à travers les personnages pervers et mystérieux qu'ils incarnent. Et la comédienne s'en sort remarquablement bien avec ses longs pulls sans forme, face à une Marina Foïs en femme fatale, vêtue de dentelle noire transparente.
Le couple infernal s'ingéniera à faire exploser l'autre -enkysté dans une routine familiale composée de jeunes enfants et une vie dénuée de sensations fortes- en le faisant craquer sous sa mâchoire cynique, en siphonnant leurs faibles capacités de résistance face au désordre et au narcissisme absolus.
Les références à la mère (morte) et à la psychanalyse émaillent le film avec froideur et intelligence, parfois avec humour (le film n'en manque heureusement pas, permettant au spectateur d'échapper un peu à la tension forte qui règne d'un bout à l'autre).
Le désir, la frustration et l'impuissance sexuels sous-tendent pour ainsi dire l'intégralité des rencontres et des dialogues. Les personnages se vengent des relations sexuelles qu'ils n'arrivent pas à avoir ensemble et certainement tout autant de l'amour qu'ils n'arrivent pas à ressentir l'un pour l'autre.
Le réalisateur parle du film comme d'une variation de l'amour absolu. C'est pourtant bien davantage de haine de soi et d'incapacité à vivre sa vie qu'il est question.… (mehr)