Raton-Liseur - Lectures de 2013

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Raton-Liseur - Lectures de 2013

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1raton-liseur
Jan. 10, 2013, 12:07 pm

Une nouvelle année qui commence, et l’inauguration d’une nouvelle liste de lecture, même si je suis un peu en retard dans mes notes de lecture sur ma liste de lecture de 2012 que je compléterai dans les jours ou les semaines à venir.

Je pense que, tous comme dans les derniers mois de 2012 pendant lesquels je n’ai pas été très assidue dans l’écriture de mes notes de lecture, mon rythme de lecture ralentira au cours de l’année qui s’annonce, et certaines de mes notes risquent de se faire plus concises. Je suis curieuse de voir si, du fait de ce nouveau rythme, mes choix de lecture changeront aussi. A surveiller au cours de cette année donc…

Encore moins de prévision ou de programmation sur mes lectures cette année, donc. Je continuerai à me laisser porter par mes envies du moment.
J’espère tout de même pouvoir relever les deux défis de lecture que je me suis lancés, que ce soit celui sur les récits de voyages (j’en suis à 3 lectures sur 10, à finir avant la fin de l’année 2013) ou celui sur les nouvelles et novellas (moins ambitieuse, j’en suis à 5 lectures sur 12, à finir avant le 11 décembre 2013).
Au-delà de ces engagements, tout reste ouvert et j’espère que cette année sera à nouveau l’occasion de joyeux vagabondages livresques pour chacun d’entre nous, et de belles découvertes que nous pourront partager sur BiblioChose !

2raton-liseur
Jan. 10, 2013, 12:10 pm

1. L’Incal - Alexandro Jodorowsky (Scénario) & Mœbius (Dessins)
Fidèle à une sorte de petite tradition personnelle, j’ai profité de cette période de fêtes de fin d’année pour lire quelques bandes dessinées, en commençant par cette relecture du célèbre Incal.
Je me souviens avoir lu cette bande-dessinée pour la première fois il y a plus de 15 ans, prêtée par l’oncle à qui je suis encore aujourd’hui reconnaissante de m’avoir fait découvrir que la BD ne se limite pas aux gags de Boule et Bill ou aux aventures un peu manichéennes (mais que j’apprécie aussi !) de Tintin !
Je ne pourrais me lancer dans une explication de texte de l’Incal, qui a un peu tendance à partir dans tous les sens, et qui s’appuie sur des principes d’alchimie et de tarot (je crois la quatrième de couverture sur parole sur ce point, incapable que je suis ne serait-ce que de repérer de telles allusions). Si ce livre a marqué un tournant dans l’histoire de la bande-dessinée, il me parait maintenant un peu daté car très empreint de ce caractère onirique et syncrétique qui a marqué les années de sa création.
Un mot sur l’histoire tout de même, bien que ce soit un exercice périlleux que de tenter d’en faire un résumé. John Difool, minable détective privé de classe “R”, se retrouve sans le vouloir dépositaire d’un objet étrange qui attire les convoitises de tous les assoiffés de pouvoir de la galaxie. Après moult péripéties, ce sont 7 vaillants parfois bien improbables qui se retrouvent unis dans la protection de l’incal. Au-delà de sa forme parfaite qui allie les contraires, qu’est-ce que l’incal ? Une source de sagesse ? Une divinité ? Chaque lecteur pourra apprécier à sa façon et faire ses propres interprétations…
Pour ma part, j’ai retrouvé avec plaisir ces personnages qui m’ont accompagné pendant quelques heures. Si je ne suis pas certaine de comprendre le message de Jodorowsky et de Mœbius (me demandant même, sacrilège, si, au fond, il y a réellement un message à trouver…), on est dans un univers loufoque, marqué par une imagination débordante, et il n’en faut pas plus pour passer une bonne après-midi, surtout lorsque l’on aime les héros qui ne sont pas tous gentils tous bons, car ce n’est pas un euphémisme que de dire que John Difool est un héros malgré lui et qu’il préfèrerait une petite planète-plage avec une homéo-pute que de devoir, encore et encore, sauver le monde et la galaxie !

3raton-liseur
Jan. 10, 2013, 1:07 pm

2. Les saisons de la solitude - Joseph Boyden
Il m’est un peu difficile de rédiger une note de lecture sur ce livre car j’en reconnais les qualités, la maîtrise de l’écriture et de la narration, mais je dois avouer que je suis restée en-dehors de l’histoire. Je m’attendais ‘a un roman sur l’identité des peuples indiens du Grand Nord canadien ou sur l’identité tout court, je n’ai trouvé que l’errance des personnages qui, pourtant bien décrite, ne m’a pas touchée ni emportée.
Je ne sais pas quelle était l’idée de l’auteur, son fil direct, lorsqu’il a écrit ce roman, et je dois avouer que, malgré quelques belles descriptions de paysages, ce livre m’a déçue, et qui plus est, je suis déçue d’être déçue. Pour nuancer mon propos, je finirai en notant que je compte tout de même lire Le chemin des âmes, dont le sujet me paraît plus prometteur. Preuve que cet auteur ne m’a pas laissée aussi indifférente que je le dis…

4raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:37 pm

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5raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:38 pm

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6raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:38 pm

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7raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:39 pm

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8raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:39 pm

3. Caboto - Jorge Zentner (Scénario) & Lorenzo Mattotti (Dessins)
Caboto, c’est l’alliance d’une histoire vraie mais énigmatique et d’un trait de crayon sans pareil, celui de Lorenzo Mattotti, dont les grandes caravelles semblent posées sur l’eau, et dont le dessin suggère l’indicible plus que le visible. Un train de crayon, ou plutôt un mélange de techniques picturales peu usitées en bande dessinée, que j’avais découvert par hasard dans une bibliothèque lors de mes années étudiantes, et que je retrouve avec plaisir aujourd’hui.
Caboto est une figure qui, bien qu’importante dans cette période où un nouveau continent apparaît sur les cartes du monde, est si peu connue qu’on ne sait pas même comment s’écrit son nom… Piloto Mayor du royaume d’Espagne, il a notamment commandé une expédition du Rio de la Plata. Entre attrait de l’exploration et convoitise des richesses de l’Eldorado, cette bande dessinée ne cherche pas à lever le voile sur le personnage, presqu’au contraire, il en cultive le mystère et interroge le lecteur sur les récits historiques trop lisses.
Un récit à l’encontre de la démarche habituelle des biographies ou des récits historiques, puisqu’il expose les contradictions, les inconnues irréductibles et les mystères d’une existence certes singulière, sans jamais chercher à expliquer, à proposer des interprétations. On ressort de cette lecture avec des ombres et des lumières dans les yeux, au sens propre comme au sens figuré, en s’interrogeant sur le sens d’une vie, et sur le sens que l’on veut donner à l’histoire, qu’elle ait un petit ou un grand « h ». Un livre qui fait vagabonder l’esprit, d’abord au fil des dessins qui n’ont de lisses que l’apparence et ensuite bien au-delà, vers des « terra incognita » qui, si elles ont disparu de nos mappemondes sont encore présentes dans l’esprit vagabonds de nombreux rêveurs papivores.

9raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:40 pm

4. L’Amour devant la mer en cage - Timothée Rey
Livre lu en marge du défi de lecture « Je lis des nouvelles et des novellas ». Voir note de lecture ici.

10raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:41 pm

5. Dr. Jekyll & Mr. Hyde - Lorenzo Mattotti (Scénario & Dessins) & Jerry Kramsky (Scénario)
Les ressorts du duel entre le lisse Dr. Jekyll et le démoniaque Mr. Hyde sont connus de tous, mais bien peu ont lu l’œuvre de Stevenson. Je fais partie de ceux qui connaissent ce classique sans l’avoir jamais ouvert. Mais je ne suis laissée dire que cette adaptation de Lorenzo Mattotti et Jerry Kramsky est extrêmement fidèle au roman de Stevenson.
Cette bande dessinée n’est certainement pas à lire pour « passer un bon moment ». En rendant visible les turpitudes de Mr. Hyde, qui vont bien plus loin que je ne pensais, jusqu’au sadisme sexuel le plus cru. Les dessins de Mattotti qui semblent prendre le style et les décors des années folles, aux couleurs crues et aux traits simples et pas tout à fait harmonieux, ne fait qu’amplifier le malaise créé par l’histoire de Stevenson, empêchant le lecteur de se cacher derrière les mots.
Je ne reviendrai pas sur le fond de l’histoire et sa morale, une note de lecture sur une adaptation en bande dessinée d’un roman ne me paraissant pas la tribune adéquate pour cela. Je dirais juste que le personnage de Mr. Hyde m’a paru encore plus noir que ce que j’avais imaginé, et que j’aurais peut-être été intéressée par explorer plus les inconvénients de la dissociation de personnalité pour le côté « gentil » (qui n’existe pas directement ici, puisque le Dr. Jekyll semble demeurer celui qu’il était avant, lisse et policé, ce qui n’est pas synonyme de gentillesse ou de bonté…). Mais dans ce roman court, c’est avant tout la bataille du moi, du surmoi et du ça avant l’heure et, j’ai beau ne pas être convaincue par les rudiments de théories freudiennes que je connais, cette exploration de ce dont tout chacun serait capable sans l’épais carcan d’éducation et de contrôle personnel ou social fait froid dans le dos.

Pour revenir à cette adaptation, je ne dirais pas que la lecture en fut agréable, mais je ne pense pas que ce soit le but. Ce fut un choc par contre, et une étrange sensation de vouloir détourner les yeux de cette noirceur étalée en couleurs vives et de rester rivée aux pages qui se tournent les unes après les autres, fascinée de voir que l’on peut toujours descendre plus bas dans les tréfonds de l’âme humaine. Le trait de Mattotti s’adapte à l’histoire qui nous est comptée, ne fait qu’un avec le propos pour en renforcer le message dans toute sa force et toute sa crudité. Une bande dessinée pour ceux qui ont le cœur bien accroché, pour ceux qui n’ont pas froid aux yeux et qui sont prêts à regarder dans les yeux le Mr Hyde qu’ils portent en eux.

11raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:42 pm

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12raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:43 pm

6. Le Sel de la mer - Edouard Peisson
Erreur d’appréciation, répéta Latouche cédant pour une fois à la forte émotion qu’il éprouvait. Je ne dis pas faute. Et nous, terriens, nous en commettons des dizaines dans notre vie… et de plus graves. Mais ce qu’il y a de grand et de tragique dans votre métier de marin, c’est que vous ne pouvez pas vous tromper. (p. 322, Chapitre 7, Tome 2, “Le sel de la mer”).
Un autre de ces livres que je lis en fronçant les sourcils, signe chez moi d’une forte concentration. Un livre que j’ai lu en m’accrochant à chaque mot, à chaque phrase comme à une ligne de vie sur le pont de ce livre incessamment balayé par les embruns salés d’un océan Atlantique déchaîné.
Je croyais ouvrir un livre d’aventure léger, et je me suis trouvée embarquée dans une étude psychologique passionnante. Dans ce volume qui rassemble les trois tomes de cette histoire (Capitaines de la route de New York ; Le sel de la mer et enfin Dieu te juge !), il n’est question que de naufrages. Je crois pouvoir dire sans déflorer l’histoire que le même naufrage est conté trois fois, dans un ressassement implacable de l’évènement.
Par une tempête sur la route de l’Europe au Nouveau Monde, au début de notre siècle (est-ce la même année que le Titanic a vu le jour et a aussi disparu ? c’est bien possible), un paquebot chargé d’immigrants fait naufrage dans la tempête, faisant deux cent morts après avoir tenté de sauver un autre navire en perdition. Ici, ce ne sont pas les exploits héroïques qui font tourner les pages, s’ils sont mentionnés, ils sont à peine évoqués, ce n’est pas de savoir qui survivra et qui perdra la vie qui font retenir son souffle. On sait tout cela dès les premières pages.
Ce qui est important, c’est de comprendre l’enchaînement des évènements, les raisons des prises de décision, comprendre si le drame aurait pu être évité et, aussi, la culpabilité de cet homme qui s’était retrouvé de façon inattendue à la tête de ce bateau quelques jours plus tôt et qui doit maintenant endosser la responsabilité d’un naufrage et de deux cent morts.

Je ne connaissais pas Edouard Peisson avant d’ouvrir ce livre, et c’est une très heureuse découverte que ce livre de mer atypique. Certes, de nombreux termes techniques sont employés, ce qui plaira aux adeptes du genre, mais l’enjeu psychologique du livre le rend intéressant bien au-delà de ce petit cercle restreint. Il y est question d’honneur, de responsabilité, de remord, de rédemption peut-être aussi, dans le style précis que l’on trouve souvent dans les romans de marine. En un mot, un superbe moment de lecture, plein de débats moraux et d’embruns salés.

13raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:43 pm

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14raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:44 pm

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15raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:44 pm

7. En vol - Alan Tennant
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Récits de voyages ». Voir note de lecture ici.

Le lien automatique vers En vol ne semble fonctionner que sous son titre en anglais. Le voici donc : On the Wing - To the edge of the Earth with the Peregrine Falcon.

16raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:45 pm

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17raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:46 pm

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18raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:46 pm

8. L’Œuvre au Noir - Marguerite Yourcenar
A vingt ans, il s’était cru libéré des routines ou des préjugés qui paralysent nos actes et mettent à l’entendement des œillères, mais sa vie s’était passée ensuite à acquérir sou par sou cette liberté dont il avait cru d’emblée posséder la somme. On n’est pas libre tant qu’on désire, qu’on veut, qu’on craint, peut-être tant qu’on vit. (p. 223, Chapitre 2, “L’abîme”, Deuxième partie, “La vie immobile”).
J’ai lu les Mémoires d´Hadrien il y a longtemps, lecture obligée de mes années d’étude, moment où les considérations d’un homme observant sa mort arriver et réfléchissant sur sa vie étaient aussi éloignées que possible de mes préoccupations, et Marguerite Yourcenar est tombée dans un coin pendant visité de ma mémoire. Mais il faut croire que son livre m’avait marquée tout de même puisque, de façon fortuite, j’ai voulu la lire à nouveau et essayer de me faire une opinion plus construite.
L’Œuvre au Noir décrit la vie d’un homme né à Bruges dans un Moyen-Age finissant tiraillé entre ceux qui prêchent de nouveaux dogmes et ceux qui s’arc-boutent sur les anciennes croyances. Préfigurant les grandes figures de la Renaissance qui commence tout juste à poindre, Zénon veut penser et chercher librement, mais doit louvoyer avec les grandes forces politiques et religieuses de son temps pour pouvoir sauvegarder le seul espace où il peut être libre, c’est-à-dire en lui-même.
C’est un homme exigeant que Zénon, mais aussi un homme seul. Son savoir ne peut guère être partagé et ses livres finissent en autodafé. Il est pendant longtemps sur les routes, pour apprendre certes, mais aussi parce qu’il finit toujours par fuir lorsque ses activités attirent sur lui le regard, l’opprobre et la disgrâce. Une vie et un savoir qui mourra avec lui, passage de comète aussitôt vu et aussitôt oublié, ce portrait que Yourcenar a commencé dans sa jeunesse, remettant le travail cent fois sur l’ouvrage avant de finalement le publier en 1968 est emprunté d’un grand fatalisme un peu triste qui rend une vie belle pour l’exigence pourtant non dénuée d’inutilité qui l’anime.

La galerie de portraits que peint Marguerite Yourcenar dans ce roman historique savant montre toute la palette des penseurs, de leurs motifs profonds à leurs dissimulations en passant par leur folie. Les institutions de la foi n’en ressortent pas grandies, et il semble que Marguerite Yourcenar, si elle plaide certes pour la tolérance et la liberté de pensée, semble nous enjoindre à prendre notre propre chemin pour explorer les chemins de la foi et de la philosophie et pour nous créer notre propre vision du monde plutôt que de suivre les dogmes.
Cette réflexion passionnante et désabusée est servie par une écriture maîtrisée, classique, qui peut parfois paraître froide et distanciée, mais qui sert à merveille le propos.
Avec un titre énigmatique et un peu trompeur puisqu’il est question de recherche pour comprendre le monde et non de l’alchimie folklorique de la pierre philosophale, c’est une lecture que je pourrais qualifier de relativement difficile, car si les phrases coulent, le lecteur doit rester concentré pour comprendre le propos et les idées évoquées. En définitive, c’est une lecture que j’ai appréciée, qui me donne envie de relire les Mémoires d´Hadrien et de continuer à explorer l’œuvre de cette auteure.

19raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:47 pm

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20raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:58 pm

9. Le feu - Journal d’une escouade - Henri Barbusse
S’il fallait résumer ce livre en un seul mot, ce serait « boue ». C’est en effet la principale impression que j’en garde, celle d’une boue détrempée, collante, s’insinuant de partout, souillant tout.
Publié en 1916 après avoir fait l’objet d’une publication sous forme de feuilleton dans le journal L'Œuvre, Le feu est présenté comme un roman (ce qui le qualifie pour le Goncourt, qu’il remportera), mais je le qualifierais plutôt de récit, d’une part parce qu’il est basé sur les souvenirs personnel de l’auteur, engagé volontaire peu après le début de la guerre et d’autre part parce qu’il n’y a pas vraiment de progression d’une intrigue, ce livre étant plus une succession de tableaux de la vie dans les tranchées.

Après ces considérations générales, il est difficile de passer aux impressions de lecture. Un peu comme l’on peut se demander si le Goncourt a été attribué à cet ouvrage pour ses qualités littéraires ou par bienséance alors que la bataille de Verdun en est à ses derniers jours, le nécessaire devoir de mémoire, alors que tous les Poilus ont quitté ce monde depuis bien longtemps, contraint ma pensée et engonce mes phrases. Cela est d’autant plus vrai que ce livre, que d’aucuns considèrent comme un des meilleurs témoignages des tranchées, est écrit par un homme qui fut pacifiste avant et après la guerre, et qui pourtant, malgré son âge, malgré sa santé chancelante, s’engage volontairement, et ce dans un des corps les plus exposés, celui de l’infanterie, qui le mènera à plusieurs reprises en première ligne.

Pour prendre un détour qui facilitera peut-être mon écriture, je dirais que ce livre se divise en deux parties. La première, qui fait les deux-tiers du livre, est une série de tableaux, dans lesquels Henri Barbusse décrit le quotidien des poilus, mélangeant une narration et d’abondantes descriptions dans un style travaillé, poli, un peu trop esthétisant à mon goût pour illustrer son propos et des dialogues entre soldats des tranchées dans le style argotique propre à chacun de ses compagnons, un style argotique qui a vieilli et qui rend la lecture un peu ardue pour la lectrice encore jeune que je suis. Pour cette raison, je dois avouer que je suis restée en dehors de cette première partie, spectatrice plutôt distante d’un drame qui se passe là-bas, au loin, pas tout à fait réel, comme sur une toile de cinéma en noir et blanc. J’ai aussi été étonnée pendant tout ce temps de ne finalement jamais voir la guerre. Il est question des repas, des attentes interminables, des jours de repos et des permissions, certes il y a quelques morts, mais la guerre, les obus et les horreurs auxquelles je m’attendais n’étaient pas là et, même si les conditions de vie sont difficiles, inhumaines par bien des aspects, elles semblaient quand même supportables.
Est-ce un remords de l’écrivain qui, arrivé près de la fin de son livre, s’aperçoit qu’il n’a pas dit l’essentiel, qu’il a joué à l’autruche avec le sujet qu’il prétend véritablement aborder ? Toujours est-il qu’à partir du vingtième chapitre, intitulé “Le feu” (comme si le propos essentiel du livre s’y concentrait), Henri Barbusse se rattrape et assène au lecteur toute l’horreur qu’il avait refoulée jusqu’à présent. Encore une fois, ce n’est pas vraiment l’assaut qui est le pire, mais ces visions de morts défigurés, ces hommes dignes et courageux dans leur vie à qui les postures que leur donne la mort enlèvent leur dignité et leur grandeur. Cette soudaine verve noire m’a surprise et, encore une fois, m’a mise à distance.
Et que dire du dernier chapitre, “L’aube”, où le narrateur prend pour la première fois la parole, en un discours exalté et prophétique où, pour la première fois, Barbusse, qui avait su jusque-là montrer toutes les facettes des pensées et sentiments des poilus face à cette guerre et à leur situation, prend directement la parole et appelle à l’union des peuples, comme une vision de la révolution qui éclatera quelques mois plus tard en Russie.

En définitive, c’est un livre dans lequel je n’ai pas su rentrer, un livre par lequel je n’ai pas su me laisser toucher. Il semble que, lors de sa publication, il ait été bien accueilli dans les tranchées et ait fait l’objet de plusieurs controverses à l’arrière (certes, il n’est pas tendre avec les planqués et les civils aux réactions déplacées, mais il est aussi réaliste quant à l’héroïsme supposé de ceux partant au combat). Je ne peux donc que m’incliner et apprécier, sinon sa valeur littéraire, du moins sa valeur de témoignage. Un livre à lire donc, je pense, pour la mémoire, pour savoir que l’horreur des guerres d’aujourd’hui n’a rien à envier à celles d’hier, à lire pour sa valeur historique, à lire parce que même ceux qui l’ont vécu n’ont pas toujours su raconté. Mais d’autres livres sur le même sujet m’ont beaucoup plus émue et marquée. A l’ouest rien de nouveau de Erich Maria Remarque, lu certes lorsque j’étais adolescente, demeure pour moi l’aune a laquelle je mesure les romans de guerre pacifistes.

21raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 1:58 pm

10. Au creux des sillons - Joseph Raîche
Livre lu en marge du défi de lecture « Je lis des nouvelles et des novellas ». Voir note de lecture ici.

22raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:04 pm

11. Han d’Islande - Victor Hugo
Voilà plusieurs journées, Ethel, que je passe dans le silence, sans que votre voix essaie de m’arracher à la sombre méditation de mon passe. Vous êtes auprès de moi plus triste que moi ; et cependant vous n’avez pas, comme votre père, le fardeau de toute une vie de néant et de vide qui pèse sur votre âme. L’affliction entoure votre jeunesse, mais ne peut pénétrer jusqu’à votre cœur. Les nuages du matin se dissipent promptement. Vous êtes à cette époque de l’existence où l’on se choisit dans ses rêves un avenir indépendant du présent, quel qu’il soit. Qu’avez-vous donc, ma fille ? (p. 196, Chapitre 40).
Roman de jeunesse de Victor Hugo, écrit en 1821, Han d’Islande m’a plus fait pensé à un livre de Dumas, roman d’aventure sans prétention (j’ai une dent irrémédiable contre Dumas, je dois l’avouer, non pour un manque de qualité littéraire mais, je crois, parce que j’ai lu assez tôt Les trois Mousquetaires, à un âge où pour moi les livres se finissaient toujours bien, et je me suis sentie flouée par une fin plus noire que ce que je pouvais imaginer. Au moins vingt ans après cette lecture, je ne lui ai toujours pas pardonné, et n’ai jamais rouvert un livre de lui…), qu’au Victor Hugo tourmenté des grands romans qu’on lui connaît.
J’ai donc apprécié cette lecture plus pour son côté divertissant que pour ce que j’aime d’habitude dans les œuvres de Hugo. Situé en Norvège (malgré le titre) à la toute fin du XVIIème siècle, le roman est l’histoire des conspirations et des machinations que l’attrait du pouvoir et des privilèges fait échafauder, avec la figure improbable mais tellement nécessaire au roman de cape et d’épée du preux chevalier que rien ne peut détourner des nobles sentiments et de l’honneur, bien aidé en cela par les soupirs extasiés d’une jeune ingénue qui attend patiemment sa libération. Et puis, parce qu’un gentil n’existe pas en soi mais grâce au méchant qui lui donne la réplique, Han d’Islande est là pour incarner la barbarie à l’état le plus brut.
Certes ce résumé est quelque peu ironique, mais il me paraît souligner ce que j’ai apprécié dans cette lecture et éviter tout malentendu pour d’éventuels lecteurs à venir. Ce fut un moment divertissant, où les péripéties sont parfois prévisibles quelques chapitres à l’avance, mais où l’on peut se laisser surprendre, une histoire agréable à lire et qui montre que, si le génie de Victor Hugo ne s’est pas créé en un jour, ses écrits moins célèbres sont aussi intéressants à lire, bien qu’à d’autres titres.

Deux aspects que j’aimerais souligner, avant de conclure cette note de lecture. D’abord, l’ironie de Victor Hugo, très pince-sans-rire, est déjà très présente dans ce texte. Dans le roman, certes, mais surtout peut-être dans les préfaces, notamment celles à la première et la seconde éditions (la préface plus tardive se prenant un peu trop au sérieux cette fois). J’avais vu ce trait du style d’Hugo dans différents livres que j’ai lu de lui récemment, et j’ai été étonnée de voir que ce roman de jeunesse présente déjà de telles caractéristiques.
Ensuite, je suis étonnée, dans ce livre somme toute assez léger, de l’importance donnée aux sentences de mort. Il y a plusieurs scènes où intervient le bourreau, dont certaines décrivant par le détail (comme sait si bien le faire Victor Hugo) des exécutions capitales, comme l’on dit pudiquement. Parfois, ces scènes n’apportent rien à l’intrigue, mais Victor Hugo devait tenir à ces évocations lugubres. Je ne dirais pas que l’on retrouve là les prémisses de ce que sera un des plus grands combats politiques de Hugo car il me semble qu’il est plus question de fascination que de positionnement politique ou philosophique. C’est peut-être dans cette fascination cependant que s’enracinera plus tard le combat, mais même s’il est question de sens moral (chevaleresque serait peut-être plus approprié bien qu’un peu anachronique peut-être), Han d’Islande n’est pas encore un écrit politique. Victor Hugo trempera sa plume dans l’amertume des inégalités et dans l’écœurement de la morale bien-pensante plus tard et nous donnera alors des romans bien plus incisifs. Ce n’est pas ce qu’il faut espérer en ouvrant ce roman, le premier publié par Victor Hugo, mais ce n’est pas non plus une raison pour bouder son plaisir. Son style est déjà affirmé, et il n’est pas toujours désagréable que les preux et les vertueux blancs comme neige triomphent des fourbes et des vilains.

23raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:04 pm

12. L’oubli que nous serons - Héctor Abad 9 Mai 2013
Par certaines de ces lettres que je conserve encore, et par le souvenir des centaines et des centaines de conversations que j’eux avec lui, j’ai pu me rendre compte qu’on ne naît pas bon, loin de là, mais que si quelqu’un tolère et dirige notre mesquinerie innée, il est possible de mener sa barque dans des voies non néfastes, voire de lui faire changer de sens. On ne vous apprend pas à vous venger (car nous naissons avec des sentiments vindicatifs), mais on vous apprend à ne pas vous venger. On ne vous apprend pas à être bon, mais on vous apprend à ne pas être méchant. (p. 147, Chapitre 17, Partie 4, “Voyages en Orient”).
Il est toujours difficile de donner son avis pour le récit d’une tragédie personnelle. Pourtant, je dois avouer que j’ai été déçue par cette lecture. Probablement en partie du fait de ce que j’avais imaginé, à tort, sur ce livre. Je pensais en effet qu’il s’agissait d’un témoignage sur l’assassinat d’un anonyme, victime de la Colombie sanglante des années 80. En réalité, Hector Abad évolue dans les cercles privilégiés de la société colombienne, héritier d’une tradition familiale de nantis, et son père est une personnalité en vue de Medellín, d’abord par ses combats pour la mise en place d’une politique de santé publique dans sa ville et dans le pays, puis comme défenseur des droits de l’homme alors que ceux-ci étaient bafoués quotidiennement dans le pays. Dans ce cadre, moi qui pensais découvrir la vie d’un homme simple, peut-être d’un héros anonyme, je découvre l’hommage d’un fils à un père à l’action éminemment politique, et ma position en tant que lectrice me parait alors bien plus inconfortable.
Le fils justifie les actions du père, même celles qui peuvent paraître les plus étranges, mais je n’ai pas les éléments pour comprendre et me positionner par rapport à la vie publique de cet homme. De ce point de vue, le témoignage perd de sa force. Certes, la captation du pouvoir par la violence et l’assassinat est condamnable, que la personne soit anonyme ou candidat à la mairie de Medellin ; certes, même au plus profond des territoires des cartels de la drogue, aucune zone ne devrait être marquée par l’impunité. Mais je n’avais pas besoin de ce livre pour le savoir, et je dois bien avouer que je n’ai pas pu toucher du doigt la particularité de cette situation.
A côté de ce plaidoyer qui ne m’a pas convaincue, je n’ai pas été sensible à la relation entre le père et son fils. Le fils écrivain se décrit lâche, faible de caractère, et j’espère pour lui qu’il force le trait, alors que son père apparait comme le père idéal, mais vue la personnalité de son fils, son éducation ne semble pas avoir réussi.

En définitive, entre un propos politique qui ne m’apprend rien et sur lequel je ne peux porter de regard critique et une relation père-fils qui me semble caricaturale, le tout servi par un style que j’ai trouvé plat pour ne pas dire inexistant, je suis passée complètement à côté de ce livre, dont j’espérais pourtant beaucoup.
Un coup d’épée dans l’eau, donc, et je retournerai à d’autres écrits pour mieux comprendre la situation inextricable dans laquelle s’est trouvée la Colombie il y a quelques décennies, et dont les échos douloureux se font toujours sentir aujourd’hui.

24raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:05 pm

13. Doña Bárbara - Rómulo Gallegos
Le llano rend fou et la folie de l’homme sur cette terre vaste et libre c’est d’être toujours llanero. Cette folie, ce fut dans la juste guerre la charge irrésistible dans les herbes en feu, à Mucuritas, et le bond héroïque de Queseras del Médio. Au travail, c’est le dressage et la battue qui ne sont point des travaux mais des témérités. Au repos, c’est la plaine dans la malice de l’anecdote, dans la ruse du conte, dans la mélancolie sensuelle de la chanson. Dans le paresseux abandon : la terres immense devant soi et ne pas marcher ; l’horizon ouvert tout entier et ne rien chercher. Dans l’amitié : d’abord la méfiance et ensuite la franchise absolue. Dans la haine : l’attaque impétueuse. Dans l’amour : « d’abord mon cheval ». La plaine toujours !
Terre ouverte et vaste, bonne pour l’effort et bonne pour l’exploit, tout en horizons comme l’espoir, tout en chemins comme la volonté.
(p. 77, Chapitre 8, “Le dressage”, Première partie).
Rómulo Gallegos est peu connu en France, bien qu’il soit considéré comme l’un des plus grand écrivains vénézuéliens du XXème siècle. Doña Bárbara est le premier livre que je lis de lui, et est aussi considéré comme son chef-d’œuvre. La protagoniste éponyme, mélange d’indienne sensuelle et de blanc âpre au gain, règne en maîtresse absolue sur son bout de terre, se jouant comme elle l’entend du cadastre et de la justice. Cacique locale comme il y en a tant dans les grandes plaines du pays au début de cet autre siècle. Arrive Santos Luzardo, éduqué en ville, qui se définit comme le redresseur de torts et le garant du progrès civilisateur.
Le livre est le combat âpre de ces deux personnages qui, plus qu’un homme et une femme, sont des archétypes de deux visions de la société, amenant à lire ce livre non comme un roman mais comme une parabole. Le dénouement est à la fois une déclaration d’amour d’un auteur à son pays et l’espoir d’un homme politiquement engagé pour l’avenir d’une société dure et injuste qu’il ne peut s’empêcher d’aimer.
Et le personnage principal ne sera d’ailleurs ni Doña Bárbara ni son adversaire, mais bien ce llano qui envoûte l’homme et qui, malgré les passions qui se déchaînent sur ses herbages, demeure l’inchangé vaste horizon qui attire l’homme et fait tourner sa raison, comme en témoigne la dernière phrase du livre : « O plaine vénézuélienne ! Propice à l’effort comme elle l’a été à l’exploit, terre aux horizons illimités où une race bonne aime, souffre et espère !... » (p. 333, Chapitre 15, “Toute en horizons, toute en chemins…”, Troisième partie).

25raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:05 pm

14. Ethan Frome - Edith Wharton
Livre lu en marge du défi de lecture « Je lis des nouvelles et des novellas ». Voir note de lecture ici.

26raton-liseur
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27raton-liseur
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28raton-liseur
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30raton-liseur
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33raton-liseur
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34raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:13 pm

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35raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:13 pm

15. La cloche d’Islande - Halldór Laxness
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

36raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:14 pm

16. Boule de suif - Guy de Maupassant
Livre lu en marge du défi de lecture « Je lis des nouvelles et des novellas ». Voir note de lecture ici.

37raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:14 pm

17. Le clan du sorgho - Mo Yan
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

38raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:14 pm

18. Le navire de l'homme triste et autres contes marins - Irène Frain
Livre lu en marge du défi de lecture « Je lis des nouvelles et des novellas ». Voir note de lecture ici.

39raton-liseur
Bearbeitet: Jun. 28, 2013, 2:15 pm

19. La Musique des Kerguelen - Olivier Bass
Il ne se passa rien de spécial pendant mon quart de l’après-midi. Aucun navire croisé, aucune terre en vue : le calme et l’ennui de la navigation au long cours. Pourtant il m’avait semblé être heureux. Heureux de cet ennui, justement. Heureux de n’être rien au milieu de cet univers d’eau, où l’homme n’avait pas sa place et où je me tenais pourtant, seul, à la passerelle d’un bateau qui filait quatorze nœuds en direction de terres plus désolées encore que cette mer. (p. 22, Chapitre 2).
J’ai découvert ce livre au détour d’une page internet et, attirée par le titre énigmatique et la critique élogieuse, je me suis laissée tenter et l’ai commandé auprès d’un petit libraire sans en savoir plus. Un peu surprise par la finesse du livre et sans connaître beaucoup de l’histoire, je me suis lancée dans la lecture de ce premier roman.
Mi-figue mi-raisin, c’est l’expression qui me vient à l’esprit maintenant que j’ai l’ai refermé. Mi-figue mi-raisin pour l’histoire d’abord, qui touche à tout mais sans jamais vraiment creuser des idées qui pourtant pourraient être intéressantes. Qui trop embrasse mal étreint, dirais-je si je peux me permettre une autre expression toute faite. De même, pour le style, assez plat, mais avec de belles descriptions et aussi de grandes maladresses (peut-être corrigées dans la seconde édition qui vient de paraître, mais que je n’ai pas lue).
Et finalement, mi-figue mi-raisin, c’est mon avis aussi. Une lecture en demi-teinte, relativement agréable, mais qui m’a laissée sur ma faim de part les nombreux sujets seulement évoqués et tout juste survolés. J’aurais aimé mieux comprendre ces hommes, leurs actions et leurs décisions. J’aurais aimé passer un peu plus de temps en leur compagnie…
Finalement, je ne sais trop comment finir cette note de lecture. Un livre qui vaut un petit détour, mais qu’il faut aborder peut-être plus comme une longue nouvelle, de ces livres qui sont comme des tranches de vie et qui ne donnent pas toutes les réponses. Un livre de froid et de mer creusée, de grande nostalgie et qui regarde en face nos actions parfois bien étriquées au regard de nos nobles sentiments.

Post Scriptum : Un livre à lire avec une musique de Chostakovitch en fond, un compositeur que je ne connaissais que de nom, et dont j’ai découvert grâce à ce livre les concertos sombres et tourmentés.

40raton-liseur
Jul. 16, 2013, 8:59 pm

20. Huis clos - Jean-Paul Sartre
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

41raton-liseur
Jul. 16, 2013, 9:00 pm

21. Les Mouches - Jean-Paul Sartre
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

42raton-liseur
Bearbeitet: Jul. 16, 2013, 9:11 pm

22. Magellan - Stefan Zweig
D’autres explorateurs pourront faire encore des découvertes de détail, qui complèteront l’image qu’on a du monde, mais sa forme fondamentale a été donnée par Magellan. (p. 274, Chapitre 13, “Les morts ont toujours tort”).
C’est alors que l’avion atterrissait à Panama que je lisais les dernières lignes de ce livre, dans ce pays qui a rendu définitivement obsolète (sauf dans l’imaginaire des navigateurs, je tiens à le préciser car Zweig l’oublie et ce n’est pas un point de détail) la fameuse découverte de Magellan, ce détroit qui porte son nom et qui aujourd’hui « n’est plus qu’une notion historique et géographique » (p. 285, Chapitre 13, “Les morts ont toujours tort”). Zweig aurait peut-être aimé l’ironie de la chose, lui qui insiste beaucoup, dans sa biographie de Magellan sur l’aspect tragique de sa vie, tragique au sens grec du terme, au sens de la destinée implacable qui pèse sur un destin individuel. Selon Zweig, Magellan est en effet l’homme d’une idée qui jamais ne pourra savourer aucune de ses victoires, toujours obscurcies par un évènement qui ternit toute velléité de triomphalisme.
Zweig, qui a alternativement eu recours à la fiction et à la biographie pour comprendre les ressorts de l’homme ou d’une œuvre, veut ici, avec la figure de Magellan, comprendre ce qui pousse un homme au long des jours et des mois sur des mers inconnues, toujours plus loin et sans savoir où il arrivera. Il en fait ainsi la quintessence, l’incarnation même, de l’explorateur, et n’hésite pas à voir une filiation entre Colomb et Magellan, affirmant à plusieurs reprises que « le rêve de Christophe Colomb qui voulait atteindre l’Inde par l’ouest est réalisé par Magellan. » (p. 234, Chapitre 11, “La mort avant le triomphe final (7 avril 1521-27 avril 1521)”). Un parallèle historique qui me plaît, même s’il va à l’encontre de ma volonté de croire que Colomb a trompé son monde et savait exactement où il allait, une hypothèse qui m’a toujours séduite mais qui me paraît de moins en moins vraisemblable, et que j’abandonne petit à petit bien qu’à regret.

Je le dis d’emblée, je n’ai pas vraiment apprécié ce livre de Zweig. Il a ce défaut que je reproche souvent aux biographies de manquer d’unité. Pour caricaturer, c’est « Cet homme est comme ça et comme ça, et c’est ce qui explique ses actions et réactions, ah, sauf celle-là, qui est cruciale ». Chaque pas est expliqué, mais sans donner une vision d’ensemble, une vision cohérente du personnage de Magellan. C’est d’ailleurs intéressant de voir que je n’ai trouvé l’écriture prenante qu’après la mort de Magellan, lorsque Zweig décrit en quelques pages enlevées le retour vers l’Europe. C’est quand il se libère du carcan de la biographie de son personnage et d’un besoin d’expliquer qu’il ne satisfait pas tout à fait que la plume de Zweig s’envole et communique la passion que l’on peut attendre du récit d’un tel épisode de notre histoire.
Il faut que je sois juste tout de même, cette lecture n’est certainement pas dénuée d’intérêt et, je ne pensais pas que ce qui est évoqué en une ligne dans nos livres d’histoire renfermait un tel roman. Je savais bien que, ironie de l’histoire, Magellan ne finirait pas ce qu’il avait commencé, que le premier homme à véritablement faire le tour du monde s’appelait Henrique, était disons basané et qu’on ne lui connait pas de nom de famille, mais je ne connaissais pas l’épisode de la mutinerie ni de la désertion, ni tout le tragique qui entoure la destinée de Magellan. C’est un livre qui m’a donné envie d’en savoir plus, et c’est finalement une bonne introduction à la relation de voyage de Pigafetta qui est sur mes étagères depuis plusieurs années mais dont le volume et l’écriture que j’imagine vieillie m’ont toujours un peu intimidée. Un livre de vulgarisation, mais que je ne conseillerais qu’aux inconditionnels de Zweig (dont je ne suis pas) ou aux explorateurs en chambre et aux marins de papier (dont je suis !).

43Louve_de_mer
Jul. 17, 2013, 2:31 am

Et aux véritables marins ? Le conseillerais-tu ?

44raton-liseur
Jul. 22, 2013, 3:35 pm

#43 - Dur, dur… Les marins sont-ils des lecteurs comme les autres ? :)
Il n’est pas particulièrement question de la mer ici, donc je ne pense pas qu’il y ait de quoi justifier une affinité particulière des marins pour ce livre, mais un marin inconditionnel de Zweig ou un marin d’eau et de papier pourrait aimer !
Désolée, c’est une réponse en forme de pirouette, mais la mieux que je puisse faire !

45raton-liseur
Jul. 24, 2013, 2:24 pm

23. Six personnages en quête d’auteur - Luigi Pirandello
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

46raton-liseur
Jul. 24, 2013, 2:27 pm

24. Les Sept pendus - Leonid Andreiev
Demain, quand le soleil se lèvera, ce visage intelligent et fin sera déformé par une grimace qui n’aura plus rien d’humain ; le cerveau sera inondé d’un sang épais ; les yeux vitrifiés sortiront des orbites. Mais aujourd´hui, Moussia dort tranquille et sourit dans son immortalité. (p. 40-41, Chapitre 7, “Il n’y a pas de mort”).
Je m’attendais à une version russe du Dernier jour d’un condamné, mais Leonid Andreiev semble plus utiliser le prétexte des derniers jours de cinq hommes et deux femmes réunis par les circonstances (même si cinq d’entre eux ont en commun un attentat manqué) pour explorer les différentes attitudes de l’homme par rapport à la vie et, ça n’en est que le miroir, par rapport à la mort.
Certes, le fait de connaître l’heure de sa mort avec une certitude absolue, et le fait de ne pouvoir en être maître change la donne, mais je ne suis pas certaine qu’Andreiev se positionne contre la peine de mort, contre la pendaison. Au contraire, si certains des futurs pendus sont submergés par la peur, jusqu’à la folie, beaucoup semblent arriver, grâce (sic) à cette mort annoncée et donc à cette agonie pleinement vécue, à une acuité dans la réflexion et dans les sens, qui leur permet de mieux savourer la vie, et finalement de se réaliser pleinement.
La thèse sous-jacente m’a donc plutôt dérangée et a un tant soit peu gâché ma lecture, tout comme ce style trop poétique qui en dit soit trop soit pas assez sur l’état d’esprit de ses personnages et sur leur évolution. J’aurais donc pu passer mon chemin, malgré quelques jolis passages, trop rares pour rattraper le tout.

47raton-liseur
Bearbeitet: Sept. 12, 2013, 5:14 pm

25. Le Signe rouge des braves - Un épisode durant la guerre de Sécession - Stephen Crane
Il y avait une frénésie dans cette ruée furieuse. Les hommes, piquant droit devant de manière folle, éclataient en cris de guerre dignes d’une foule barbare ; mais hurlés de façon si étrange qu’ils éveilleraient le veule comme le stoïque. Ce qui donnait en apparence un enthousiasme qu’on ne pouvait réfréner, même par le feu et le fer. C’était le genre de délire inconscient et aveugle aux obstacles, qui finissait par rencontrer le désespoir et la mort. Le moment sublime d’une absence d’égoïsme. C’est pourquoi, peut-être, ‘adolescent se demandera, lus tard, la raison de sa présence en cet endroit. (p. 121, Chapitre 19).
Si j’avais vu le titre sous lequel ce livre est habituellement traduit en français, La conquête du courage, je ne suis pas sûre que je l’aurais lu. Ce titre montre trop l’évolution inexorable du soldat vers le parfait petit homme de troupe, désabusé certes, mais en tout point conforme à ce que l’on peut attendre de chaire à canon consentante.
La première partie du livre, parce qu’elle fait place aux sentiments d’un jeune homme qui découvre la réalité de la guerre et ne réagit pas naturellement en accord avec l’image du brave que le discours populaire ne cesse de renvoyer comme une évidence, est assez intéressant et me semble assez rare dans la littérature guerrière (mais je suis loin d’être une spécialiste du genre).
Stephen Crane n’a certes pas connu la guerre de Sécession, mais il a couvert plusieurs conflits en tant que journaliste, et ce récit se veut universel, celui de toutes les guerres et de tous les soldats. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les lieux de la bataille ne sont jamais identifiés. Des arbres, des champs, une barrière, partout et nulle part. De même, sous la plume du narrateur, on suit les états d’âme et les actions de l’adolescent, jamais nommé autrement. Seuls ses camarades l’identifient dans leurs conversations comme Henri Flemming, seuls ses camarades, ses semblables lui donnent un nom, alors que pour le lecteur confortablement assis dans son fauteuil moelleux, il ne sera que cet adolescent, ce jeune anonyme qui croit partir défendre des idées et protéger la liberté des autres.
Si la première partie est relativement intéressante, les choses se gâtent à mon avis par la suite, lorsque, apprenant ce qu’est le courage, devenant un homme, l’adolescent devient peu à peu ce qui est attendu de lui. Bien sûr, il apprend en route, l’apprentissage de la réalité de la guerre et les désillusions s’accumulent, et c’est elles et sa façon de les intégrer dans son système de pensée qui font de lui un homme, un vrai, un héros ordinaire que le livre peut glorifier en terme à peine couverts. Le livre devient alors pour moi sans grand intérêt, pareil à la majorité des livres qui glorifient la guerre et le courage du simple soldat, sans même laisser envisager autre chose. Les sentiments de l’adolescent ne sont certes pas toujours nobles, et c’est finalement un personnage assez horripilant, et ce quelque soit son état d’âme, trouvant toujours des raisons à sa conduite même lorsqu’il condamne une conduite identique chez ses camarades, mais au fond, l’honneur est sauf, et c’est là que ce livre, qui aurait pu être marquant, n’est qu’un nième livre d’apprentissage et surtout de guerre.
Ce fut donc une lecture assez poussive (probablement due à une traduction maladroite) et décevante car j’attendais, à tort probablement, autre chose de ce livre. Je préfère finalement de loin les descriptions de l’incohérence du champ de bataille de Tolstoi dans La Guerre et la paix, et je serai presque tentée de lire La Chartreuse de Parme, car quitte à lire du classique, autant le lire bien écrit.

48Louve_de_mer
Jul. 27, 2013, 1:52 pm

> 44 : Ta réponse est excellente, grâce à elle je sais que le livre ne conviendra pas pour le marin auquel je pense. :-)

49raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 1, 2013, 7:13 pm

26. Vie de Lazarille de Tormès - Anonyme
Mais comme la nécessité est une grande maîtresse et que la faim me tourmentait nuit et jour, je pensai au moyen de me conserver la vie ; et il me semble que pour trouver ces pauvres remèdes, la faim m’était une lumière : aussi bien, dit-on, qu’elle aiguise l’esprit, tandis que la satiété l’émousse, ce que j’éprouvais en moi-même. (p. 42, Chapitre 3, “Comment Lazare se mit au service d’un prêtre et ce qui lui advint étant avec ce maître”).
Je veux lire ce livre depuis que j’en ai entendu parler pour la première fois, lors de mes cours d’espagnol au collège, mais j’ai toujours remis cette lecture à plus tard, craignant la difficulté de la langue. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que c’est en réalité un tout petit opuscule que celui-ci, bien loin des romans fleuves que la France produisait à cette époque et que j’ai du étudier en cours de français, à mon corps défendant.
Cela dit, heureusement qu’il est court, car je me suis vite lassée de l’histoire et du style. J’imagine effectivement que ce livre a pu marquer un tournant dans l’histoire de la littérature et du roman, en introduisant des sujets légers et des personnages populaires. Ce livre fonde le genre que l’on appellera plus tard le roman picaresque, avec son héros qui est plutôt un anti-héros et une satire vigoureuse des mœurs à toutes les échelles de la société.
A lire donc pour son intérêt historique, pour découvrir « autre chose », une lecture légère et souriante, mais qui ne me laissera pas un grand souvenir du fait de son trait exagéré et de ses invraisemblances.

50raton-liseur
Bearbeitet: Sept. 12, 2013, 5:06 pm

27. Ianko le musicien - Henryk Sienkiewicz
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

51raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 2, 2013, 8:53 pm

28. Le Peuple de la Mer - Marc Elder
Chaque matin, en quittant son lit, Coët sortait juger le temps, selon la coutume des gens de mer. Il faisait quelques pas sur la dune basse où sèchent la salicorne et le chardon bleu, parmi un jonc court et dru qui pique les mollets.
Devant lui s’arrondissait la plage sur laquelle le jusant abandonnait des lianes en guirlandes vertes et des méduses d’opale affaissées sur leur chevelure. Des tas de goémons pour l’engrais, deux bouées galeuses, quelques centaines de casiers blanchis allaient à la file, jusqu’à la cale qui monte doucement, vers la remise du bateau de sauvetage. Puis la jetée haute et puissante avançait de cinq cents mètres dans la mer, comme un bras protecteur, devant les barques claires mouillées près à près sur leur corps mort.
Tout brillait au soleil jeune qui s’enlevait là-bas, de l’autre côté de la baie : le sable, le granit, l’océan, les balises et les tours qui marquent les rochers du large, et la terre, comme une ligne de métal à l’horizon. C’était un paysage de lumière, limpide, frais, sous un ciel blanc, insondable, balayé d’une légère brise d’est qui sentait l’iode et le sel.
Près de la cabane du gabelou, le brigadier Bernard amorçait des lignes. Les hommes descendaient du village, parcouraient la jetée à grand bruit de galoches, embarquaient dans les canots. Ils parlaient peu. On entendait surtout sonner le bois, battre l’eau, grincer les chaînes et crier les poulies à l’appareillage.
Les sloops sortaient un à un, dressant haut dans l’air lumineux leurs voiles rousses, bleues ou jaunes, cambrant leur coque grise, largement ceinturée de vert ou d’écarlate.
Et sitôt la jetée doublée, les voilures déployées au vent arrière, ils couraient vers l’horizon en emportant du soleil.
(p. 15, Chapitre 2, Partie 1, “La Barque”).
En voyant le titre de ce roman récemment mis à disposition par les éditions ÉFÉLÉ, je me suis laissée tenter sans rien savoir sur ce livre, juste parce qu’avec un tel titre, c’était une lecture à mettre de côté pour un jour où j’aurais été en manque d’air salé. Ce n’est que peu avant de commencer ma lecture que j’ai appris que j’avais entre les mains le livre qui avait obtenu le prix Goncourt en 1913, année que l’on cite en général comme l’archétype des aveuglements de ce jury littéraire, puisque le lauréat est tombé dans l’oubli alors qu’il était en lice avec des romans qui ont fait date, Du côté de chez Swann de Proust et Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier.
Je n’ai pas lu Proust et je n’ai pas un souvenir impérissable du Grand Meaulnes, et puis de toute façon je ne suis pas amatrice de Goncourt en général, donc cette polémique littéraire m’intéresse peu, mais je tiens probablement à mon snobisme à rebrousse poil, car je suis contente de dire que moi j’ai plutôt bien aimé ce livre.

Certes, c’est (ce n’est qu’) un roman de terroir, qui se passe à Noirmoutier parmi les pêcheurs de l’Herbaudière, ou plus exactement trois épisodes indépendants ayant pour cadre ce port et ses habitants. Mais je n’ai pas boudé mon plaisir. Les trois nouvelles mettent en scène des aspects différents de la vie des ports de pêche, et sont émaillés de petits éléments concrets qui donnent une couleur d’authenticité au récit. J’ai par exemple appris que les vareuses de ces pique-assiettes de Bretons venant pêcher dans les eaux au large de Noirmoutier étaient ocres (de même que leurs voiles), et que c’est à cela qu’on pouvait les identifier avant même qu’ils ne se mettent à parler leur langue incompréhensible (et les tabasser au passage pour les empêcher de venir casser les prix de vente du poisson aux conserveries locales), puisque les vareuses des Noirmoutrins étaient bleues.
J’ai aimé ces histoires, relativement classiques pour un roman de terroir, mais auxquelles Marc Elder donne un relief particulier. La première, « La Barque », parle de la rivalité, parfois jusqu’à l’absurde, entre bateaux, et est probablement la plus originale des trois nouvelles. La seconde, « La Femme » est un classique triangle amoureux, à mon avis la partie la moins intéressante du livre, car le huis-clos de l’île et du phare ne sont guère exploités (je n’ai pu m’empêcher de penser au film L’Equipier de Philippe Lioret, à tort probablement). Enfin, la troisième, « La Mer » est la description de la fascination irraisonnée pour l’océan, un classique, une partie prévisible, mais que Marc Elder écrit avec beaucoup de subtilité et, m’a-t-il semblé, de justesse. J’ai suivi le débat intérieur de P’tit Pierre comme s’il était le mien, partagée entre l’envie de monter à bord et celle de rester sur le quai.
Marc Elder sait sans contexte décrire la relation ambivalente à la mer, nourricière et faucheuse, proche et lointaine, et il a de plus une bien jolie plume pour décrire les paysages et les ciels. Alors je ne boude pas mon plaisir, ce fut une très agréable lecture, qui m’a déposé un goût d’iode sur les lèvres, alors que la distance qui me sépare de la mer d’Iroise me pèse de plus en plus, et que je ne sais quand je pourrai revoir ces vagues qui me sont chères. J’ai, au moins par la lecture, pu passer quelques jours de mes vacances sur les rivages de l’Atlantique, avec ses temps changeants et sa houle. J’étais sur ces bateaux avec ces hommes et sur la jetée dans la brume avec ces femmes, ambivalence de la mer, tout ce qu’elle offre et tout ce qu’elle prend. « Il y a trop de luttes dans la vie des marins pour qu’ils puissent se séparer jamais de la grande Ennemie, qu’ils aiment à cause de ses ruses et de ses furies même, autant que pour sa coquetterie câline, et ses romances nostalgiques. Ils vieillissent par là sur ses bords, traînent à la plage ou sur le port leurs rhumatismes noueux, parlent d’elle et la couvent des yeux, en buvant à son souffle pour achever de vivre. » (p. 118, Chapitre 1, Partie 3, “La mer”).

52raton-liseur
Sept. 30, 2013, 9:25 pm

29. La mort d’Artemio Cruz - Carlos Fuentes
C’était là, peut-être, un symbole favorable pour une famille qui avait grandi et prospéré grâce aux fruits de la terre : fixée dans la vallée de Puebla (…) depuis le début du XIXe siècle et plus forte, mais oui, que toutes les contingences absurdes d’un pays inapte à la tranquillité, passionné de convulsion. (p. 55).
Moi j’ai survécu. Regina. Comment t’appelais-tu ? Non. Toi Regina. Comment t’appelais-tu, toi, soldat sans nom ? J’ai survécu. Vous, vous êtes morts. Moi j’ai survécu. (p. 282).
Je ne sais pourquoi Monsieur Raton avait ce livre dans sa bibliothèque bien avant que nous ne nous connaissions, car ce n’est pas son genre de lecture et il ne l’a d’ailleurs jamais ouvert. Comme il était temps que je découvre cet auteur mexicain, j’ai commencé par ce livre esseulé, sans vraiment savoir à quoi m’attendre.
Artemio Cruz est une fortune récente du Mexique du début du XXème siècle. Le voilà agonisant sur son lit, entouré de sa famille, après une attaque. Un temps hors du temps qui bientôt va s’abolir, une transition qui permet aux souvenirs de remonter à la surface. Pas exactement le bilan d’une vie, seulement des moments épars, qui dessinent par touches le portrait d’un homme dont Carlos Fuentes fait une allégorie d’un Mexique à la fois troublé et en recherche de son identité propre dans ce nouveau siècle.
Le sujet était donc a priori intéressant, mais je dois avouer que je n’ai pas du tout été emballée par cette lecture, surtout du fait de son style. J’imagine que le fil désordonné des souvenirs et les répétitions se veulent le reflet de la pensée décousue du moribond, mais le style très « nouveau roman » m’a rebutée et m’a empêchée de me plonger vraiment dans cette histoire. Je vois bien comment Artemio Cruz peut représenter l’antagonisme qui existe toujours aujourd’hui entre des principes humanistes et un pouvoir qui fonctionne en vase clos, comment il incarne le pouvoir qui change de mains mais pas de forme, mais ce roman ne dit rien de plus que ce constat. Artemio Cruz n’a suscité chez moi ni empathie ni intérêt, encore moins de la compréhension des tiraillements de cette époque.
L’intérêt de lire un roman historique pour comprendre, par les moyens de la fiction un épisode historique n’est donc pas là, et peut-être que la lecture d’un livre d’histoire m’en aurait autant appris sur cette période, et la lecture n’en aurait pas été plus aride. D’ailleurs, c’est peut-être le principal intérêt de ce roman, il m’a obligée à ouvrir un livre d’histoire, pour replacer les évènements dans leur contexte, celui de la Révolution mexicaine et de la guerre civile qui s’ensuivit. Je suis toujours aussi perdue dans la chronologie des faits, avec des présidences parfois éphémères, de Madero à Carranza (si, si, celui de la plus connue des versions de la fameuse Cucaracha) en passant par Huerta, mais peut-être un tout petit peu moins qu’avant…
Un livre à réserver à ceux qui aiment la recherche stylistique et sur la forme des nouveaux romans, et qui veulent mettre un peu d’exotisme dans leur lecture donc. A noter cependant, que ce livre est l’un des premiers de Carlos Fuentes, peut-être faudra-t-il donc que je me frotte à nouveau à son œuvre, pour voir s’il a exploré d’autres styles et d’autres voies.

53raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 2, 2013, 3:10 pm

30. Le Vieil Homme et la Mer - Ernest Hemingway
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

54raton-liseur
Okt. 2, 2013, 3:11 pm

31. Les ratons laveurs dans la lune - Alain Grée
Qui aurait cru que ce moment arriverait si vite ? P’tit Raton apprend maintenant à lire, et je me replonge dans les livres de ma prime enfance pour trouver quelques idées lecture… C’est avec étonnement que j’ai trouvé ce livre dans les archives de l’association des parents d’élèves du lycée. Qui pourra me dire le périple de ce livre publié dans les années 50 pour qu’il se retrouve sur une brocante pluvieuse de ce côté de l’Atlantique…
Je ne savais pas que les ratons laveurs avaient conquis la lune, Fanfaron, Ficelle et Salsifis avaient fait mes délices d’enfant piochant plus ou moins au hasard mes lectures d’été dans la bibliothèque que ma mère et ma tante avaient à moitié oublié chez mes grands-parents alors qu’ils se prenaient pour des pirates dans Les Ratons laveurs et l’île au trésor. Malgré toutes mes recherches, je n’ai pas pu remettre la main sur ce livre la dernière fois que j’ai effeuillé cette bibliothèque maintenant reléguée au fond d’une armoire poussiéreuse, et j’étais bien triste de penser que je ne pourrais pas partager ce petit bonheur avec mon P’tit Raton et m’autoriser une fois de plus à retomber en enfance… C’est donc comme si ce livre, Les Ratons laveurs dans la lune, n’attendait que moi, pour lui offrir un coin d’étagère tout chaud et quelques lectures.
En attendant que P’tit Raton puisse se plonger dans ce livre épais (je me souviens que j’avais aimé, à l’époque, voir que je pouvais lire un livre de plusieurs centaines de pages, même si ces pages sont tellement petites que c’est un peu de la triche. Mais les premières victoires de lecteur débutant sont à ce prix…), je me suis plongée en cachette dans sa lecture, et je me suis tout simplement bien amusée.
Je savais bien que tout finirait bien, mais Alain Grée a réussi à me surprendre par les péripéties qu’il met en scène, et c’est avec un véritable plaisir, rare pour les livres faits pour des enfants aux balbutiements de la lecture, que j’ai poursuivi ma lecture. Ce livre attendra peut-être quand même un peu dans mes placards, avant de pouvoir rejoindre la bibliothèque de mon P’tit Raton, mais j’espère qu’il y prendra autant de plaisir que moi, quand je lisais ces aventures à son âge ou maintenant que je lui passe le flambeau. Et qui sait, d’ici là, peut-être aurais-je pu trouver d’autres tomes des aventures des trois Ratons Laveurs, ça serait avec plaisir !

55raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 2, 2013, 3:23 pm

32. La Noche del Pez (La Nuit du Poisson*) - Enrique Rentería
Il est temps que je me résigne à m’avouer que je ne finirai pas ce livre. Ce n’est peut-être pas lui faire justice, mais ma lecture en espagnol en est beaucoup trop laborieuse pour que je pense un jour le reprendre… Dommage car il est court, et en français j’aurais peut-être persévéré davantage. Mais je suis tout de même arrivée à la moitie du livre, et l’histoire ne décolle pas.
Pourtant, le résumé était prometteur : en plein cœur d’une tempête, un homme débarque sur une plage, avec pour tout vaisseau un cercueil. Recueilli par un homme qui vit des dessins qu’il vend au journal local et de l’alcool qu’il ingurgite dès les premières heures du jour et par sa fille encore innocente et rêveuse, le quotidien autour de lui prend des allures étranges et magiques.
J’ai vu l’étrange, avec des personnages tout droit sortis de grands classiques de l’imaginaire marin, mais je n’ai pas compris où cela allait. Et j’ai à peine vu le magique à part les poissons dorés qui apparaissent tous seuls dans l’aquarium.
Trop décousu pour moi, pas assez de mouvement dans ce que j’espérais être une belle histoire à la limite de l’enfance. Alors puisque l’histoire de ce roman a pour cadre les plages mexicaines battues par Katrina, il est probablement de bon ton que je m’avoue vaincue par cette lecture, alors que le pays contemple les dégâts d’une autre saison de tempêtes tropicales.

* A ma connaissance ce livre n’a pas été traduit en français. La traduction du titre est donc ma propre invention…

56raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 2, 2013, 8:54 pm

33. Long John Silver - Björn Larsson 2 Octobre 2013
Il serait faux – or, j’ai dit que j’allais m’en tenir à la vérité, telle qu’elle me semble se présenter, en tout cas – d’affirmer que j’aie décidé de devenir homme d’honneur, gentilhomme de fortune ou tout autre qualificatif que peuvent porter les pirates et les écumeurs de mers. Mais la seule pensée de pouvoir vivre librement, et pourtant vivre, faisait battre plus vite mon cœur.
Car j’ai compris par la suite que, s’il y a quelque chose qui donne un sens à l’existence, c’est certainement le fait de ne pas avoir à obéir à des lois, de ne pas être pieds et poings liés. Car alors peu importe l’aspect de la corde et celui qui a fait le nœud. Ce sont les liens eux-mêmes qui sont le mal. C’est avec eux qu’on finit par se ligoter soi-même ou bien par être pendu. C’est ce que je me suis toujours dit, et je suis encore en vie à l’heure qu’il est.
(p. 55-56, Chapitre 5).
Cherchant un livre reposant ou peut-être parce que la maison des Ratons passe en ce moment par une phase pirate, je me suis laissée tentée par cette autobiographie de Long John Silver. J’ai lu L’Ile au trésor de Stevenson il y a bien longtemps, puisque je me souviens en avoir tiré une fiche de lecture alors que j’étais en 5ème, mais mes souvenirs sur ce livre ne vont pas plus loin que cela. Et ce n’est pas cette autobiographie, qui mêle allègrement personnages de fiction (Jim Hawkins n’a pas existé, n’est-ce pas ?) et personnages historiques tels que Taylor, England ou Defoe (oui, celui-là dépareille un peu dans le paysage, et ce malgré son Histoire des plus fameux pyrates), qui me dispensera d’une relecture du classique de Stevenson (lui on ne peut plus absent du livre, et c’est normal puisqu’il ne vivra qu’un bon siècle plus tard), car cet épisode est à peine survolé dans ce livre.
Il faut même, pour éviter les déceptions, dissiper d’éventuelles attentes infondées. Ce récit n’est pas un roman d’aventure, c’est un homme maintenant vieux et un peu gâteux qui se retourne sur sa vie, et qui essaie non pas de se justifier, mais d’en exposer le fil direct, le principe qui l’a guidé, et qui est le point sur lequel le Long John Silver vieillissant revient sans cesse. « Non, ma vie n’a été qu’une navigation à l’estime, mais peut-être vais-je avoir le temps de parvenir à déterminer ma position avec certitude avant de m’échouer. » (p. 227, Chapitre 19).
Il est ici question avant tout de liberté, de la liberté totale de vivre comme on l’entend, même si c’est au mépris, et souvent aux dépens des autres, parfois même au prix de leur vie. Anarchiste jusqu’au bout des ongles et au-delà, Long John Silver se révèle comme un être uniquement intéressé par son existence et son indépendance, l’or et les beuveries légendaires des pirates ne sont pour lui que secondaires. Calculateur, manipulateur, sachant attendre son heure, sachant ne pas se mettre en avant afin de toujours pouvoir mieux retourner sa veste, ce n’est pas un personnage sympathique que décrit Larsson, mais je n’ai pu me résoudre à le détester, tant sa soif inextinguible de liberté le rend paradoxalement attachant (comme personnage de roman, je ne m’aventurerais pas à en dire autant pour ce qui est de la vie de tous les jours !), et ce d’autant que Larsson replace Long John Silver dans le contexte de son époque, celui du florissant commerce maritime où la vie des marins comptait moins que la cargaison ou même que l’honneur du capitaine, celui de la belle époque du commerce triangulaire, avec son cortège d’ignominies et de maladies.
Dans ce monde, les pirates étaient ces marins qui avaient préféré vivre, même avec la potence pour seul horizon plutôt que de sauter à la suite de leur capitaine lorsque leur bateau était capturé. Et il est tout à l’honneur de Larsson comme de Long John Silver de porter un regard sans complaisance sur cette époque que l’on romantise souvent bien au-delà de toute vraisemblance. Les pirates, ce n’est pas seulement la vie insouciante et le rhum qui coule à flot, c’est un monde dur, dont un nœud coulant est plus que souvent l’issue. « Non, le temps des pirates est révolu et c’est très bien ainsi, croyez-moi. Ils étaient peut-être lancés à la poursuite de la fortune, mais je peux vous dire qu’ils sont bien souvent tombés à bas de leur coursier et se sont brisé la nuque. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui vaille la peine de prendre autant de risques, si vous voulez mon avis. Et je vous le donne. Ils ont peut-être été heureux, d’une certaine façon, mais à quoi cela sert-il, maintenant ? Et c’est vrai pour tous, sans exception. Parce qu’ils avaient une règle, parmi eux, qui était que nul n’était supérieur aux autres, ni dans la vie ni dans la mort. », déclare sur le tard Long John Silver (p. 405, Chapitre 31).

Voici donc, sous couvert d’un roman léger, un livre plutôt sombre, qui veut donner une image honnête de la marine et de la piraterie du XVIIIème siècle. Il y a probablement quelques longueurs car le fil directeur de l’histoire, la volonté de liberté à tout prix, est vite exposé et trop souvent ressassé pour maintenir le souffle dans ce roman. Mais pour qui connait pas cette période et veut la visiter en compagnie d’un guide de toute première crédibilité et de grande franchise, c’est le livre qu’il faut.
Et malgré la pesanteur que peut avoir le sujet, je veux finir ces quelques lignes en me berçant de l’idée illusoire que Long John Silver, malgré son obnubilation pour sa liberté si chèrement conquise et défendue, pouvait s’appuyer au bastingage, parfois, en longeant une côte et se prendre à rêver, à seulement contempler le paysage. Peut-être dans une autre vie, dans un autre monde aurait-il pu être poète. « C’est un fait étrange – et pourtant avéré – que chaque océan a sa couleur, ses nuances différentes et particulières de bleu, de vert et de gris qui sont le fruit des courants, des vents., des tempêtes de sable, de l’inclinaison du soleil, des nuages et de la température, mélange qui donne la composition de chacune de ces mers. C’était bien pour voir cela et le découvrir que j’avais vécu. Cela ne s’oublie pas si facilement, dans une vie comme la mienne. » (p. 299, Chapitre 25).

57raton-liseur
Okt. 14, 2013, 4:20 pm

34. Une vie à coucher dehors - Sylvain Tesson
Piotr avait un chien pour n’être pas seul, un fusil pour n’avoir pas faim, une hache pour n’avoir pas froid. Ce jour-là, il caressa le premier, graissa le second, aiguisa le troisième. La vie n’est pas compliquée quand on a tiré le rideau de la forêt sur toute ambition. (p. 89, “Le lac”).
J’ai hésité avant d’acheter ce livre, me disant que l’on en faisait trop des gorges chaudes pour qu’il soit bien, mais la curiosité l’a emportée, je voulais découvrir cet écrivain voyageur, ou ce voyageur écrivain, et je voulais me laisser convaincre et emporter sur les routes.
Hélas, ce fut une déception. Ces nouvelles sont convenues et prévisibles. L’absence de suspens ou de tension ne me déplaît pas nécessairement lorsque le texte est servi par une plume personnelle. Mais là aussi, le style est convenu et prévisible. Je dois donc avouer que, malgré les paysages que l’on traverse et qui devraient couper le souffle, je me suis ennuyée, et n’ai persévéré que bercée par l’illusion que la prochaine nouvelle serait mieux.

Certains diront peut-être que je suis blasée, cynique, mais je n’ai pas aimé les sentences dont Sylvain Tesson parsème ses nouvelles, dans des phrases qui se veulent lapidaires mais qui sont des lieux communs cent fois entendus (« Dans les pays pauvres, les pauvres sont maigres, mais dans les pays riches, ils sont gros. », p. 116, “Le naufrage”) ou que l’auteur répète lui-même, comme cette formule utilisée deux fois à à peine vingt pages d’intervalles : « L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est quand ils vivent trop près. » (p. 159, “L’île”) puis « L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’éventualité qu’ils arrivent. » (p. 181, “La crique”).
Alors certes, les nouvelles “Le lac” et peut-être “Le phare” (avec une des rares formules qui m’ont arraché un sourire, « En Bretagne, même la mer fait de la crème. », p. 198) ne sont pas désagréables, mais elles ne compensent pas à elles seules les faiblesses du reste du livre, qui manque tout autant d’imagination que de style. Je retourne donc de ce pas vers tous ces autres écrivains voyageurs que nous a donné le XIXème siècle ou d’autres plus récents, pour y retrouver cette plume qui me fait voyager et voir les paysages et les gens que je ne rencontrerai jamais.

58raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 14, 2013, 4:22 pm

35. L’Espagnol - Bernard Clavel
Il aimait à l’entendre parler de la terre. D’abord, ce qu’il disait était utile, et puis il y avait le plaisir. Le vieux ne savait guère parler que de la terre, mais, au moins, il en parlait bien. Les mots lui venaient comme une eau claire qui sort d’un rocher. Parfois, il arrivait même à Pablo de l’entendre sans plus faire attention à ce qu’il disait. C’était comme une musique venue d’entre terre et nuit, d’entre ciel et vent. Pablo se laissait aller à rêver, et il se disait que c’était le jour finissant qui l’accompagnait, en lui racontant des histoires. (p. 278, Chapitre 33, Troisième partie).
Ici, la guerre était passée. Elle avait suivi sa route, dont Pablo s’était écarté. Elle avait laissé des décombres, des cadavres, des places vides. Mais elle était partie. (p. 389, Chapitre 48, Sixième partie).

Bernard Clavel, c’est pour moi l’humanisme à hauteur d’homme, l’humanisme du quotidien que j’ai découvert adolescente dans le roman Miséréré puis dans le petit opuscule Le Massacre des Innocents. J’avais envie d’un livre facile à lire, reposant, et quand je suis tombée sur ce livre dans une des rares librairies où je peux trouver des livres en français, je me suis dit, pourquoi pas. Les livres d’occasion portent bien leur nom, on tombe sur des livres auxquels on n’avait pas pensé, dont on n’a même parfois jamais entendu parler et on se dit « tiens, pourquoi pas ? », l’occasion fait le larron. Et un roman de Bernard Clavel me semblait pouvoir être ce livre facile et reposant que je cherchais, c’est-à-dire une histoire basée sur une pensée simple et exaltante, sans être naïve (voilà à gros traits mon idée des livres reposants…).

J’étais curieuse de voir ce que Bernard Clavel dirait sur le Jura, sa région d’origine. Et me voilà donc plongée par inadvertance dans la vie d’un petit village de basse montagne, alors que la Seconde Guerre Mondiale débute. Les descriptions du paysage et du travail de la terre traversent le livre, lui donnant un rythme relativement lent, voire immobile, qui se marie bien avec le sujet et cette vie qui s’égraine comme un cycle au rythme des saisons et du travail qui emplit tout entier et ne laisse pas le temps à la pensée d’errer et de torturer. Je me suis demandée, avec un petit sourire interrogateur, ce que le précédent propriétaire de ce livre, s’il était mexicain, avait bien pu penser de la description du vin jaune et de sa consommation presque religieuse, en tout cas ritualisée, et s’il avait vraiment cru que cela existait, des vins que l’on boit avec des noix et du comté, ou s’il a cru à une affabulation de l’auteur...
Alors voilà cette histoire, celle d’un Espagnol, appelé de manière presque anonyme Pablo, archétype des Espagnols ayant fui leur pays après la défaite de 1936, parce qu’il était du mauvais côté de l’idéologie. Après quelques années dans les camps en France (une réalité que je ne soupçonnais pas et que j’ai découverte récemment dans la bande dessinée L’Art de voler d’Antonio Altarriba), le voilà envoyé comme ouvrier agricole dans une ferme du Jura. Lui le citadin marqué de façon indélébile par la guerre dans son pays se met peu à peu à aimer cette terre, à la comprendre, à s’y couler. Le travail physique et la fatigue qui l’accompagne l’empêchent de penser et lui évitent de ruminer les souvenirs qui ne l’ont pas quitté depuis sa fuite et depuis la fin de la guerre. Reprend-t-il goût à la vie comme le proclame la quatrième de couverture, je n’en suis pour ma part pas sûre, mais il apprend à remplir ses jours, à les utiliser, faisant du travail agricole un anesthésiant plus qu’un pansement : « Il savait qu’il n’aimerait plus jamais. Il avait aimé Mariana. Il avait aimé l’enfant qu’elle portait dans son ventre et que la mort avait pris en même temps qu’elle. Maintenant, il n’était plus question d’aimer. Pablo vivait. Il acceptait de vivre, c’était tout. Et il vivait ici parce que le hasard l’avait fait échouer ici. Il s’y trouvait bien. Il ne souffrait ni du froid ni de la faim et la fatigue était devenue pour lui une alliée. Il le savait. Il tenait à elle comme un malade tient au médicament qui calme sa souffrance. » (p. 149, Chapitre 15, Première partie).
Mais la guerre, qui pourtant semblait passer loin de ce petit village en marge de tout, le rattrape, et se pose alors la question de reprendre les armes. Pacifisme, lassitude, lâcheté, chacun donnera le nom qu’il souhaite à l’attitude de Pablo, mais l’on sent un peu de Giono dans cet homme venu du Sud, dans son attitude face à la guerre, lui qui en a vu une en face. Et il se remémore un camarade, « un de ceux qui avaient été tués près de Madrid, au moment où beaucoup avaient vraiment compris ce qui se passait. C’était un homme d’une cinquantaine d’années qui répétait toujours : « Il n’y a qu’une vraie raison de se battre, une seule ; c’est l’espoir que la guerre qu’on fait sera la dernière. Seulement, une fois qu’on sait qu’il n’y aura pas de dernière, qu’une guerre en prépare une autre, alors là… » (p. 394-395, Chapitre 49, Sixième partie).

J’ai beaucoup aimé les deux premiers tiers du livre, là la terre est un personnage aussi important que Pablo lui-même. La fin du livre, depuis l’irruption de la guerre dans le quotidien de Pablo jusqu’à la chute finale m’a par contre semblée moins convaincante, un peu bâclée même pour tout dire, alors que c’est probablement là que Clavel veut mettre l’essentiel de son message pacifiste, et où il fait vivre à Pablo des scènes que lui-même a vécu pendant la guerre et qui ont forgé sa conviction de pacifiste.
Le livre demeure tout de même intéressant, sans être de trop haut vol, juste ce qu’il me fallait de réflexion et de simplicité. Peut-être devrais-je lire plus souvent Bernard Clavel, sans attendre de le découvrir par surprise au détour d’une pile de livres sentant la poussière chez un bouquiniste branché de la Calle Álvaro Obregón !

59raton-liseur
Okt. 21, 2013, 4:39 pm

36. A mon Frère le paysan - Elisée Reclus
Voilà, camarades travailleurs qui aimez le sillon où vous avez vu pour la première fois le mystère de la tigelle de froment perçant la dure motte de terre, voilà quelle destinée l’on vous prépare ! On vous prendra le champ et la récolte, on vous prendra vous-mêmes, on vous attachera à quelque machine de fer, fumante et stridente, et tout enveloppés de la fumée de charbon, vous aurez à balancer vos bras sur un levier dix ou douze mille fois par jour. C’est là ce qu’on appelle l’agriculture. (p. 10).
J’aime bien ces livres politiques. Tout est limpide, leur thèse est irréfutable. Pourquoi ext-ce que, quand moi je regarde le monde, les choses semblent-elles bien plus compliquées ?
Voici une courte tentative de notre géographe anarchiste nationale pour rallier les paysans à la cause communiste et pour essayer de contrecarrer l’habituelle opposition entre un prolétariat urbain revendicatif et une paysannerie pauvre mais attachée à ses traditions (un peu caricatural tout ceci, mais passons…).
Trop simple pour me convaincre, trop simpliste pour justifier la collectivisation. Mais une vision mordante de l’évolution de la paysannerie à l’agriculture qui se révèle, presque cent ans plus tard, d’une terrible acuité, ce qui peut étonner pour un texte de l’entre-deux guerres.

60raton-liseur
Bearbeitet: Okt. 21, 2013, 4:42 pm

37. Contes du Far West - O. Henry
Au Texas la conversation est rarement continue ; l’on peut intercaler un kilomètre, un repas et un assassinat entre deux discours sans que cela nuise à vôtre thèse. C’est pourquoi Webb n’avait pas à s’excuser lorsqu’il décida d’annexer un addendum aux paroles qu’il avait prononcées à quatre lieues de là. (p. 6, “Cœurs et croix”).
J’ai tenu jusqu’à la moitié du livre, six nouvelles sur les neuf que comporte mon édition, mais j’ai finalement jeté l’éponge, partagée entre ennui et agacement. Me voilà donc bien déçue, moi qui croyais découvrir un des plus grands maîtres de la nouvelle américaine.
Les histoires m’ont rarement arraché un sourire et pourtant j’aime souvent le cynisme et l’ironie, des hommes comme du sort. Mais c’est surtout le style que j’ai fini par ne plus supporter. Je suis assez hermétique à ce style faussement parlé, faussement local. Avec en plus ici des références littéraires ou des locutions latines (parfois détournées, certes), qui viennent comme un cheveu sur la soupe et sont plus horripilantes qu’autre chose.
Soit je ne suis pas le public adéquat pour apprécier ce genre de littérature, soit la traduction n’était pas de qualité, mais je penche plutôt pour la première hypothèse, et je ne pense pas que je referai une tentative avec cet écrivain que l’on compare sans vergogne à Maupassant, La Fontaine et beaucoup d’autres, ce qui donne à la fin un mélange bien insipide et qui ne ressemble plus à grand-chose.

61raton-liseur
Okt. 21, 2013, 4:43 pm

38. Un royaume sous la mer - Henri Queffélec
La demi-cordée se remonte, encore triomphale. Quantité, qualité – diversité aussi. Dire que tous ces poissons eussent pu rester ici à se dévorer les uns les autres. Un palangrier douarneniste qui se nommait le Gamineur les avait flairés comme le requin les eaux sanglantes. Il ne s’en laissait pas conter, lui, sur la pénurie des fonds marins ! Les Japonais et les Norvégiens étaient de grands pêcheurs ; les Bretons également ! (p. 82, Chapitre 4, Première partie).
Henri Queffélec, c’est l’assurance de lire un livre sur la Bretagne. Ecrivain régionaliste mais qui a su se faire connaître au-delà de ses étroites frontières, comme le montre ce roman qui a obtenu le Grand Prix du roman de l’Académie Française en 1958. C’était une bonne lecture en perspective donc, un moment simple de détente iodée espérais-je. Mais j’ai été bien déçue. J’ai trouvé une histoire sans intérêt et bien pensante, un style plat qui ne m’a pas emportée, qui ne m’a pas fait me sentir sur le pont d’un bateau ni à la criée de Douarnenez. J’ai même été étonnée par le vocabulaire, ne reconnaissant pas les noms des poissons, ni même celui du type de bateau qu’est le Gamineur, un cordier, alors que je n’ai jamais entendu parler que de palangrier. De même, j’ai été embêtée par la course au tonnage et à la négation de la baisse des ressources halieutiques, qui était pourtant déjà signalée à l’époque, mais peut-être suis-je ici un peu anachronique.
Un roman dont ni le fond ni la forme ne m’ont accrochée est pour moi un coup d’épée dans l’eau, et c’est bien le sentiment qu’il m’est resté quand j’ai eu refermé ce livre.

62raton-liseur
Nov. 20, 2013, 2:08 pm

39. Un beau matin d’été - Sur les chemins d’Espagne 1935-1936 - Laurie Lee
Livre lu en marge du défi de lecture « Récits de voyages ». Voir note de lecture ici.

63raton-liseur
Nov. 20, 2013, 2:09 pm

40. Gabriela, girofle et cannelle - Jorge Amado
Cela fait plusieurs années que je n’avais pas ouvert un livre de Jorge Amado et j’ai choisi celui-ci un peu par hasard pour renouer avec cet auteur que j’avais particulièrement apprécié dans La Terre aux fruits d’or et Les Terres du bout du monde. Quelle ne fut donc pas ma surprise de m’apercevoir que ce titre, qui m’avait surtout attirée pour ses senteurs, est en quelque sorte la suite de ces deux premiers opus. On est encore une fois à Ilhéus. Alors que les deux premiers romans avaient pour toile de fond l’implantation de la culture du cacao et l’accaparement des terres que son essor a suscité, faisant de ces livres d’incroyables diagnostics agraires (mais bien plus palpitants à lire qu’un rapport d’expert !), ce troisième volet est strictement urbain et est situé dans la période florissante de la culture du cacao, à un moment charnière de l’histoire, alors qu’Ilhéus passe de son statut de ville de Far West où toutes les lois sont celles de celui qui a la meilleure gâchette à une période de développement et de commerce prospère et cossu. Encore une fois, ce sont les luttes de pouvoir qui font la trame du livre, cette fois entre la vieille garde et la génération montante, qui a oublié ce que ses pairs ont vécu et qui veut profiter de la fortune accumulée. C’est le temps de la civilisation en marche, celle du confort dans les intérieurs, celle des cercles de danse où jeunes hommes et demoiselles peuvent flirter. C’est le temps où le commerçant prend le pas sur le producteur, dans une nouvelle répartition des tâches et de la richesse.
Jorge Amado, qui est lui-même né pas loin d’Ilhéus, dans une fazenda, livre un témoignage sur l’évolution de sa région en cette année 1925, mais n’en fait jamais un manifeste politique. Sa plume est enlevée, plein d’une verve qui coule de façon harmonieuse et qui rend la lecture extrêmement facile. L’histoire est avant tout celle d’un couple qui se forme et évolue, celui de Gabriela bien sûr (qui bien qu’elle soit l’objet du titre n’apparaît qu’à la page 100, très précisément) et de Nacib, deux habitants d’Ilhéus qui représentent bien le cosmopolitisme tant spatial que social qui caractérise la ville et qui, par leur relation montre l’évolution, bien que lente, des mœurs et des façons de vivre. Leur histoire est émaillée de nombreuses aventures secondaires avec, bien sûr en toile de fond permanente la bataille sans merci que se livrent Ramiro Bastos, le vieux producteur qui a gouverné la région pendant des décennies et Mundiho Falcao, jeune exportateur plein de projets.
Un moment de lecture très plaisant, un livre qui se lit comme on boit du petit lait, et où l’on apprend beaucoup de choses sur le Brésil et sur son évolution sans même s’en apercevoir. Ce furent de très agréables retrouvailles avec Jorge Amado, et je me promets de ne pas attendre à nouveau une dizaine d’années avant de lire un autre de ses livres.

64raton-liseur
Nov. 25, 2013, 10:52 am

41. La famille de Pascal Duarte - Camilo José Cela
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

65raton-liseur
Bearbeitet: Dez. 2, 2013, 9:11 am

42. Les mangeurs d’étoiles - Romain Gary
Pas mal, répéta le mannequin, mais pas assez tout de même. Le coucher de soleil, tantôt, à mon humble avis, c’était beaucoup plus fort. Il y avait là un talent autrement plus éclatant, messieurs, et il est absurde de vouloir rivaliser avec lui. Mais je reconnais que cet homme fait de son mieux, et que ce n’est pas mal, pas mal du tout, dans les limites du music-hall. (p. 362, Chapitre 18, Partie 2, “« Jack »”).
J’espérais, plusieurs années après la lecture des Racines du ciel retrouver le même élan, la même utopie qui m’avaient alors tant plus. Mes lectures adolescentes sont peut-être trop loin ou trop naïves, car la plume de Romain Gary m’a cette fois déçue.
D’abord le titre est trompeur puisqu’il n’y est pas question de la consommation usuelle de substances hallucinogènes, et on se demande si le rédacteur de la quatrième de couverture de l’édition Folio a lu ne serait-ce que deux pages du livre tant le résumé est sans rapport aucun avec le livre.
Passée cette déception première, il faut que j’avoue que le sujet véritable du livre, ou plutôt les sujets tant les angles de lecture sont variés, ne sont pas tous pour me déplaire. C’est une vision très cynique et grinçante du colonialisme et des relations Nord-Sud dans les années 50 ou 60, une description de la montée d’un nouveau caudillo d’une ironie mordante et sans espoir. Et puis il y a aussi cette réflexion omniprésente sur la limite de l’homme, sa réalité, sa capacité à se dépasser, incarnée par cette troupe d’artistes qui se retrouve au milieu d’un de ces sempiternels changements de régime dans un pays fantoche d’Amérique Centrale.
La description politique, où chacun en prend pour son grade, que ce soit l’Américain cynique, l’humanitaire complètement aveugle aux conséquences de ses actes ou l’Indien qui s’élève au-dessus de la masse, m’a plu pendant une cinquantaine de pages, puis est devenue lassante à force de redite. J’ai fini par m’ennuyer de la vulgarité gratuite, et de cette méchanceté tout aussi gratuite qui ne fait que se répéter sans rien apporter. Si le but était de dénoncer, la moitié du livre y suffisait, au-delà il fallait trouver autre chose.
Quant à la réflexion sur la condition humaine, je ne l’ai pas trouvée dénuée d’intérêt même si je ne saurais exposer la thèse de Romain Gary. Il en ressort une sensation non de désespoir, mais d’absence d’espoir. Y a-t-il encore des Saints auxquels se vouer ? Dépasser sa condition d’homme n’est-il toujours qu’une illusion, un truc de plus en plus perfectionné ? Mais Romain Gary a la tristesse joyeuse, le maquillage de l’amuseur cache les larmes, les rires masquent l’abime.
En définitive, voilà un livre qui n’était pas fait pour moi, dont j’ai failli abandonner la lecture une ou deux fois, mais qui me laisse le goût d’une farce qui ne se veut comique que pour cacher le tragique. Une description réaliste de notre monde, en tout cas probablement fidèle à la vision que Romain Gary en avait. Une allégorie au goût amer.

66raton-liseur
Bearbeitet: Jan. 6, 2014, 3:46 pm

43. Dans la brume - Władysław Reymont 26 Novembre 2013
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

67raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 8, 2014, 8:58 am

44. Le procès des étoiles - Florence Trystram
... les Français se battent contre les difficultés administratives, contre la rigueur du climat, contre la faiblesse des instruments, contre les aléas de la science, en même temps qu'ils s'épuisent en querelles les uns contre les autres, en disputes avec les Espagnols, en luttes avec leurs serviteurs... (p. 225, Chapitre 9, “La fin des travaux”).
En refermant ce livre, mon impression pourrait se résumer par : « tout ça pour ça… ». En effet, voilà quatre académiciens et six aides partis pour mesurer le méridien au niveau de l’Equateur, un travail harassant, un défi à la fois théorique et pratique auquel ils consacreront dix ans de leur vie et parfois bien plus, et finalement, la question scientifique qui avait justifié leur voyage (la Terre est-elle aplatie ou allongée aux pôles) est tranchée à peine un an après leur départ, grâce aux mesures effectuées dans le cadre d’une autre expédition par Maupertuis. De toutes les épreuves qui émailleront cette aventure, de toutes les inimitiés tenaces qu’elle suscitera, il restera bien peu sur le plan scientifique, sinon une contribution à ce qui n’est encore qu’une théorie de la vaccination (ou inoculation comme on dit alors), une première description du caoutchouc, ou encore une étude de l’influence des montagnes sur le champ de pesanteur terrestre. Qui connaît encore Godin, pourtant chef de l’expédition ou Bouguer qui en est le mathématicien le plus consciencieux ? Les noms de Jussieu ou de La Condamine sont plus connus, mais le premier probablement plus du fait de l’université du même nom et de ses frères bien plus illustres, et le second plus comme un aventurier que comme un scientifique.
C’est un sentiment amer que cette histoire laisse dans la bouche, celui non d’un échec, mais probablement d’un grand gâchis. Hélas, si ce « tout ça pour ça » est la sensation que laisse cet épisode de l’histoire, j’ai un peu la même impression quant à ma lecture proprement dite. En effet, j’ai trouvé que les talents de conteuse de Florence Trystram n’étaient pas à la hauteur de ce qu’auraient mérité ce livre et ces hommes. J’ai trouvé une énumération de faits, sans qu’il soit possible de voir un fil conducteur, un point de vue émerger. Cela rend la lecture un peu fastidieuse et hachée, et ne rend pas justice aux efforts, même s’ils furent en partie vains, de ces hommes qui donnèrent tant d’années de leur vie pour leur conception de la science.
Certes je ne regrette pas cette lecture, mais ce livre est à réserver aux férus d’histoire des sciences ou de récits de voyage. Ceux moins versés dans ce genre de littérature pourraient bien s’ennuyer un peu.

68raton-liseur
Bearbeitet: Mrz. 31, 2014, 12:25 pm

45. Best love Rosie - Nuala O’Faolain
J’ai découvert Nuala O’Faolain par une lecture de The Story of Chicago May, un livre dont le sujet autant que son traitement m’avaient beaucoup plus, mais la belle langue dépassant mon niveau d’anglais m’a incitée à continuer ma découverte de cette auteure en français. J’ai enfin ouvert Best love Rosie, qui était dans ma bibliothèque depuis bien longtemps, peu attirée par le résumé, mais curieuse d’enfin me frotter de nouveau à cette plume.
Et je dois dire d’emblée que j’ai beaucoup aimé ce livre. Peut-être parce qu’il vient à un moment où la vie me fait réfléchir sur les sujets qu’il aborde, peut-être parce que je me suis retrouvée dans le personnage de Rosie la vagabonde plus que je ne m’y attendais, un peu de tout cela et d’autres choses encore plus personnelles je suppose. Il est question dans ce livre du temps qui passe, de la vieillesse, de la transmission familiale, du sentiment d’appartenance, de racines. Beaucoup de thèmes qui trouvent un écho en moi, moi qui ait papillonné souvent au gré de mon travail, moi qui voit les générations avant moi vieillir et emporter une partie de notre histoire familiale, moi qui voit la génération suivante s’emparer de ce matériau pour en faire sa propre vie et sa propre histoire. Je me retrouve dans les interrogations de Rosie bien que mes choix amoureux et familiaux n’aient pas été les siens, et ce livre m’a fait partir loin à l’intérieur de moi, même si ces tâches brunes que l’on appelle avec cynisme ou poésie, c’est selon, les « fleurs de cimetière » ne fleurissent pas encore sur mes mains.

Pour arrêter cette introspection trop personnelle et revenir au livre, Nuala O´Faolain offre au lecteur le portrait de deux femmes. Rosie d’abord, la narratrice, partie très jeune d’Irlande pour vivre une vie conforme à ses rêves de féministe convaincue. A cinquante ans passés et après une vie riche de plaisirs intellectuels, une belle carrière et de nombreux amants, elle revient dans la maison de son enfance pour prendre soin de la tante qui l’a élevée. Min, la deuxième donc, est cette tante qui a aujourd’hui soixante-dix ans et qui a oublié sa propre vie pour prendre soin du mari et de l’enfant, qui s’est pliée aux traditions et y a noyé ses rêves, comme elle se noie maintenant dans la dépression et l’alcool. Les retrouvailles ne se passent pas comme Rosie les avait imaginées, et dans ce livre où la place est faite à l’introspection et aux petits instants de la vie, chaque femme évoluera à sa manière, trouvant au hasard de la vie ce qu’il lui manquait pour que cette vie soit un peu plus complète, des racines pour celle qui s’était un peu perdue en route, de l’aventure pour celle qui n’osait plus rêver.
Avec le portrait de Rosie en premier plan et celui de Min un peu plus en retrait car elle est vue à travers les yeux de Rosie justement, je ne voudrais pas oublier de mentionner toute la bande d’amis qui gravite autour de Rosie, des amis d’enfance qui eux aussi doivent accepter de se voir vieillir. Il y a bien quelques hommes aussi dans cette histoire, mais ils n’occupent jamais le centre de la scène et n’ont d’autre existence narrative que la relation qu’ils ont avec Rosie ou d’autres femmes, que dans l’archétype qu’ils illustrent, que ce soit l’amour de jeunesse, l’ancien amant ou bien l’ami de toujours. Et bien sûr, en toile de fond, une Irlande merveilleusement belle, tellement belle qu’elle semble plus le port d’attache rêvé au cours d’une vie d’errance qu’un lieu tangible.

Si c’est un livre de réflexion d’une femme qui doit trouver de nouveaux repères pour une nouvelle étape de sa vie, qui doit accepter le renoncement mais aussi trouver un nouveau souffle, j’y vois avant tout un livre plein d’un optimisme serein.
Même si certains ressorts de l’histoire m’ont semblé un peu artificiels, comme l’écriture d’un livre de développement personnel pour femmes de la cinquantaine, j’ai aimé la prose de Nuala O’Faolain, pleine de délicatesse, capable d’exprimer les non-dits d’une société peu encline è exprimer ses sentiments.
Dernier livre de l’auteur, publié après sa mort, il reste assez ouvert pour que chacun puisse imaginer la Rosie qui sera, et celle que chacun de nous devra devenir aussi. J’espère que Nuala O’Faolain avait trouvé sa propre voie, avait fait la paix avec ce temps qui passe pour en faire ce dont elle avait besoin ou rêvait à cette étape de sa vie. Un très bel exercice littéraire, une très belle lecture, et l’envie de continuer à lire à petite dose les trop rares livres de cette auteure qui dit si bien la complexité de nos vies toutes simples.

69raton-liseur
Jan. 6, 2014, 2:35 pm

Suite à la lecture de Best love Rosie de Nuala O'Faolain, je suis passée en mode "fin d'année", ce qui veut dire pour moi plutôt des BD mais aussi des livres pour enfants, et puis du retard dans la mise à jour de cette liste de lecture.
Je vais combler ce retard petit à petit, tout en me remettant à des lectures "plus sérieuses" (du moins officiellement), qui feront l'objet d'une nouvelle liste de lecture pour l'année qui commence.

En attendant, et en espérant que chacun aura passé cette période comme il le souhaitait, je souhaite une bonne année 2014 à tous les lecteurs de ce groupe de discussion, en vous souhaitant, outre tout le reste, de bons vagabondages livresques !

70raton-liseur
Jan. 6, 2014, 2:35 pm

46. L'histoire vraie de Ralfone l'Orang-outan - Fred Bernard
Ce livre fait en collaboration avec le Muséum d’Histoire Naturelle conte l’histoire vraie de Ralfone, et sa comparse Ralfina, arrivée un jour à l’aéroport de Roissy sans crier gare. L’équipe du Muséum prit soin des deux jeunes orangs-outans, dont seule Ralfone pourra être relâchée à Bornéo, trois ans plus tard.
L’album est rapide, mais évoque bien les principaux enjeux de cette aventure : comment les petites peuvent apprendre les gestes et comportements de leur espèce, comment les soigneurs tentent de conserver leurs distances pour permettre leur remise en liberté. Un très bel album, aux dessins attrayants, qui nécessite une lecture accompagnée pour expliquer les différents éléments de l’histoire, un très bon support pour engager dès le jeune âge de belles conversations sur le respect de la nature, la conservation des espèces et toute la beauté qui nous entoure.

71raton-liseur
Jan. 6, 2014, 2:36 pm

47. La Grotte des Korrigans - Christophe Boncens
Je découvre avec ce livre une nouvelle collection de l’éditeur Coop Breizh, intitulée « Ma première légende de Bretagne ». Un principe intéressant, celui d’adapter et d’illustrer pour un jeune public des légendes constitutives du folklore de la région. Cette histoire est la deuxième de la collection, qui en compte déjà plus d’une dizaine.
J’en connaissais une variante, et c’est avec plaisir que j’ai lu cette version, illustrée simplement (je n’aime guère la tête et les expressions des personnages mais il y a juste ce qu’il faut de chapeaux ronds pour donner un air traditionnel aux illustrations sans trop en faire) et avec des couleurs vives. Dans cette légende, il est question d’un brave paysan qui se laisse emporter par l’appât du gain et y perdra la possibilité de s’enrichir modérément. Heureusement, la reine des korrigans n’est pas rancunière et il ne perdra pas tout dans l’histoire. Une légende qui véhicule des valeurs communes à de nombreuses histoires pour enfants, mais qui garde ici sa spécificité bretonne, pour permettre à des enfants de connaître un petit bout du folklore breton, que ce soit pour connaître ses racines ou pour garder un souvenir de vacances dans cette jolie région !

72raton-liseur
Jan. 6, 2014, 2:39 pm

48. Petit Gruffalo - Julia Donaldson
Le Petit Gruffalo est la suite du célèbre conte Gruffalo. Le temps a passé, et le Gruffalo est maintenant un papa monstre un peu traumatisé par ses aventures passées et qui essaie de dissuader son fils d’aller dans la forêt, où rôde la Grande Méchante Souris. Mais le Petit Gruffalo ne s’en laisse pas conter et aimerait bien voir de ses propres yeux ce monstre qui fait peur même à son monstre de papa…
En une sorte de jeu de miroirs bien mené et amusant, c’est maintenant la souris qui fait l’objet de tous les fantasmes, et l’on peut s’amuser tant de l’histoire que de la construction symétrique de ce second volet (il me semble donc indispensable d’avoir lu le Gruffalo pour apprécier cette suite dans tous ses détails et clins d’œil à la première partie).
Comme le précédent, cet album parle de l’imaginaire, de comment la fiction peut rejoindre le réel, et peu importe si le Petit Gruffalo voit finalement son courage écorné, il sera allé au bout de son rêve et pourra s’endormir le cœur léger dans les bras de son tendre papa, tendre malgré ses griffes acérées et ses genoux cagneux. Une très bonne suite, qui promet de belles lectures enfantines.

73raton-liseur
Jan. 6, 2014, 2:39 pm

49. Cannelle et l’étoile d’Ouessant - Anne Duvert
Je suis d’accord, dit Cannelle. Il ne faut pas perdre espoir. Ça ne veut pas dire que ça va être facile, ni qu’on doit attendre sans rien faire. Alors on y va. (p. 72, Chapitre 6).
Troisième opus d’une série mettant en scène Cannelle et ses quatre inséparables amis (bien plus sympathiques que mes souvenirs du Club des 5…), qui se lit sans difficulté s’il l’on ne connaît pas les tomes précédents comme c’était mon cas.
Cannelle, qui habite Camaret et aime par-dessus tout les histoires de fées et de lutins, semble avoir le don de vivre dans la vraie vie les aventures qui restent en général dans les livres de contes. Cette fois, en gagnant un voyage vers Ouessant, elle trouve deux elfes sur le bateau qui l’emmène, elle et sa bande de copains, et tous les aideront à réaliser le rituel du solstice d’hiver afin de renouveler les énergies positives qui baignent notre humanité trop prompte à ne plus la voir.
Voilà donc une jolie histoire qui puise à pleines mains dans la tradition bretonne pour en donner une version contemporaine que je trouve bien réussie. Certes, il y a bien peu d’action dans ce livre malgré ses cent pages à peine dépassées, mais on a le temps de vivre (et les enfants prennent le temps de la grasse matinée même s’il ne reste qu’une journée pour résoudre l’énigme) et d’évoluer avec les personnages, dans un décor qui allie un cadre familier et des éléments d’imaginaire. Et puis l’écriture est agréable. Un vocabulaire assez riche pour apprendre de nouveaux mots, sans jamais pour autant être désuet ou pédant, bon équilibre entre un parler moderne mais respectant la syntaxe. Et les valeurs que met en exergue cette histoire, sans être jamais énoncées directement, sont celles que l’on veut tous (du moins je l’espère) transmettre à nos enfants : le respect de la différence, la force de l’amitié, l’importance de l’espérance et de la persévérance.
C’est donc une jolie découverte que ce livre, positif sans être jamais moralisateur, moderne tout en construisant sur ses racines, et qui s’adresse aux lecteurs de 10-12 ans (que ce soit l’âge de leurs artères ou de leurs rêves…), bretons ou non.

74raton-liseur
Bearbeitet: Jan. 16, 2014, 9:36 am

50. L’Amant de Patagonie - Isabelle Autissier
Je n’aurai donc jamais su choisir entre mes deux vies, ballottée par les évènements. Ma seule certitude, c’est ce pays. Il n’est plus temps de se demander pourquoi, et depuis longtemps je ne cherche plus la réponse. Comprend-on jamais les raisons d’un amour ? Il est là, indicible, inévitable. Il a été le premier coup de cœur de la jeune fille qui s’impatientait à la lisse d’un navire. Il sera, je le sais, mon dernier fragment de bonheur, au seuil du grand passage. (p. 226-227, Chapitre 21).
Depuis qu’Isabelle Autissier se fait écrivaine, elle s’aventure de plus en plus loin dans la fiction et de plus en plus loin à l’intérieur des terres. Après la biographie d’un marin célèbre, Kerguelen, le voyageur du pays de l’ombre, puis une fiction à partir d’un tragique évènement lors de la première course en solitaire autour du monde, Seule la mer s’en souviendra, son dernier roman n’a rien de maritime, mais si l’on n’est pas loin, dans le canal de Beagle et le premier village occidental qui deviendra Ushuaïa.
Je dois avouer que ni le titre ni le résumé ne m’auraient fait acheter ce livre si je n’avais pas beaucoup aimé le livre précédent d’Isabelle Autissier, Seule la mer s’en souviendra. Cela sentait trop l’histoire à l’eau de rose sur fond de pampa argentine mais je voulais espérer qu’Isabelle Autissier saurait sortir de ce piège… Et effectivement, même si je n’ai pas autant aimé que le livre précédent, c’est une lecture agréable et bien loin des clichés que l’on aurait pu craindre.
Emily est une jeune Ecossaise sans le sou qui arrive sans l’avoir véritablement planifié comme domestique (ou gouvernante si l’on veut s’imaginer encore dans la société policée de la campagne anglaise) chez un pasteur tentant de gagner à la foi le peuple Yamana. Mue par une curiosité supérieure à celle de ses coreligionnaires, elle s’attache à un Indien et décide, quelles qu’en soient les conséquences, de vivre en accord avec ses désirs et ses aspirations. Mais la vie ne sera pas la robinsonnade romantique qu’elle avait rêvée, et, elle devient vite le témoin d’un affrontement entre deux cultures entre lesquelles elle ne veut choisir.
La réflexion qu’Isabelle Autissier nous livre au travers de la pensée d’Emily est finalement assez inattendue, puisque c’est plus un constat amer et désabusé qu’une prise de position. Le choc entre les deux cultures était inévitable, l’issue et la disparition de la culture autochtone aussi, et se battre pour la préserver n’avait peut-être aucun sens. En définitive, c’est la nature qui reste et qui est importante, la culture que l’homme développe sur ces terres ne change rien à la beauté des ciels et à la force du vent. Et Emily l’orpheline se révèle avant tout habitée du désir immense de trouver un endroit où elle se sente chez elle, un foyer en quelque sorte ; elle aurait aimé que les choses se passent différemment mais n’est pas certaine que cela soit possible, alors elle prend racine, malgré tout.

Même si l’écriture est parfois un peu maladroite, elle est rattrapée par les très belles descriptions des paysages qui font la part belle aux changements de lumière et aux sautes du vent. Je n’ai pu alors m’empêcher de me souvenir que l’auteure est navigatrice et qu’elle a croisé à de nombreuses reprises dans ces parages. L’attachement d’Emily à cette terre et à ces paysages est, je m’imagine, l’expression presque brute des sentiments que la navigatrice elle-même a pu alors ressentir.
En définitive, ce livre est une agréable lecture qui, sous couvert d’une histoire simple, amène le lecteur à réfléchir à ce que fut la colonisation hier et à ce qu’elle est aujourd’hui. Le propos est toujours actuel, comme l’uniformisation des sociétés le laisse penser. Je ne sais si Emily est Isabelle Autissier, peut-être au moins en partie ; je ne sais si je suis Emily. Avec son caractère entier et un peu sauvage, on a bien envie de s’identifier à elle, mais je ne sais encore si je suis d’accord avec sa vision de ce qu’il s’est passé en Argentine et ailleurs au XIXème siècle. Un petit livre au titre fleur bleue mais qui fait encore tourner dans ma tête des questions irrésolues sur notre petit bout de terre.

75Louve_de_mer
Bearbeitet: Jan. 13, 2014, 3:51 pm

(Changement de pseudo : j'étais Cathcartes)
Je me demandais ce que la nouvelle fonctionnalité allait donner la première fois que je la verrais utilisée, eh bien, c'est génial ! Et j'aime toujours autant tes critiques de livres.

76raton-liseur
Jan. 15, 2014, 10:03 am

#75 - Oui pas mal du tout cette façon de masquer les passages qui pourraient trop en dire. Je trouve toujours très périlleux l'exercice d'argumenter une critique sans trop en dévoiler, cette nouvelle fonctionnalité me sera donc bien utile !
Et merci pour les encouragements !

77raton-liseur
Jan. 15, 2014, 10:04 am

51. Los pies vendados (Les pieds bandés) - Li Kunwu
Pero también existen algunos pies fuera de serie que no se encuentran en la provincia de Yunnan. Aquí los pies vendados de nuestras mujeres no pueden rivalizar con los mejores del país. Los pies de las mujeres de las provincias de Hunan y Sichuan son aceptables. Y los de las mujeres de Shanxi y de Tianjin son los que más fama tienen... (p. 64).*
Li Kunwu, que je ne connaissais pas avant de tomber sur cette bande dessinée est un des rares, si ce n’est le seul, Chinois à vivre de ses bandes dessinées. Plus connu pour son triptyque La vie chinoise, il décrit ici la vie de sa nourrice, Chunxia, la beauté du printemps, qui eut les pieds bandés à l’âge de six ans, sa mère espérant ainsi lui offrir un beau mariage, mais l’histoire avec une majuscule en a décidé autrement.
Il me semble que le titre est réducteur car si effectivement le bandage des pieds de la petite fille espiègle et pleine de vie qu’était Chunxia occupe une large place dans le premier tiers du livre, cette bande dessinée est avant tout une fresque des nombreuses et contradictoires mutations successives que la Chine a traversé au cours du XXème siècle. Des bouleversements successifs que l’on voit ici à travers la vie d’une femme du petit peuple, d’une femme dont le sort n’intéresse guère l’administration et son idéologie, mais qui doit apprendre à vivre dans cet monde en mutation, elle indélébilement marquée dans sa chaire comme appartenant à l’époque d’avant. On ne se débarrasse pas de ses pieds bandés comme les hommes se sont débarrassés de la natte symbole de la dynastie Qing.
Je n’apprécie guère le dessin trop brouillon de Li Kunwu, mais l’histoire, parce qu’elle est vraie et tragique dans sa banalité m’a touchée, et j’ai aimé cette lecture sans espoir, où la tendresse de l’auteur sourd dans chacune des cases où il représente sa nourrices, mais n’est que rarement ouvertement exprimée. Une bande dessinée témoignage comme on en fait beaucoup maintenant, mais qui, si elle n’est pas la meilleure du genre, a l’intérêt d’aborder un thème loin de nos préoccupations occidentales habituelles et de le faire de façon à la fois tendre et factuelle.

* Tentative de traduction: « Mais il existe aussi des pieds hors catégorie, comme on n’en trouve pas dans la province du Yunnan. Ici, les pieds bandés de nos femmes ne peuvent rivaliser avec les meilleurs du pays. Les pieds des femmes des provinces du Hunan et du Sichuan sont acceptables. Ceux des femmes du Shanxi et de Tianjin sont les plus réputés… »

78raton-liseur
Bearbeitet: Jan. 24, 2014, 9:58 am

52. Thoreau, la vida sublime (Thoreau, la vie sublime) - Maximilien Le Roy (Textes) & A. Dan (Illustrations)
– La vida sublime. ¿Qué significa eso?
– No es difícil. Basta con navegar por la vida como un pasajero curioso, no como un marinero corto de miras. Por modesta que sea una vida, honrarla abrazándola por completo. Elevándola como mejor sepamos.
(p. 57).
Je tourne autour de l’œuvre de Thoreau depuis pas mal de temps, sans oser m’y plonger. Intéressée par ce que j’en entends, mais probablement aussi effrayée par un possible effet de mode qui serait décevant. Je me suis donc dit que cette bande dessinée serait un bon moyen de me donner un petit coup de pouce pour enfin me décider. Et en effet, vue la difficulté que j’ai eue à lire cette bande dessinée, je suis maintenant convaincue qu’il faut que je lise directement Thoreau pour me faire une opinion par moi-même !
Non que cette bande dessinée ne soit pas réussie. J’ai pris plaisir à la lire, j’en ai apprécié les dessins souvent, avec ses grandes plages aux aplats de couleur uniformes qui vont à l’essentiel du paysage. Mais le parti pris de commencer cette bande dessinée en 1845, lorsque Thoreau s’installe dans la solitude sur les berges de l’étang Walden, sans rien dire de la genèse de cette décision est un peu déroutant pour qui ne connaît pas le personnage. Ensuite, la plupart des épisodes relatés dans cette bande dessinée, car il s’agit bien de moments de la vie de l’auteur, comme autant de morceaux choisis, semblent un peu sortis de leur contexte, sans qu’il soit possible de voir une cohérence d’ensemble. Pire, il faut parfois se référer à d’autres sources pour espérer comprendre certains des épisodes relatés, parfois même pour identifier l’interlocuteur de Thoreau.

En définitive, si j’ai pris un certain plaisir à cette lecture, je ne crois pas avoir appris grand chose sur Thoreau lui-même ou sur sa pensée, et il ne me reste qu’à me faire une opinion par moi-même. Je savais que Thoreau aimait la nature, je sais maintenant aussi qu’il détestait l’esclavage, qu’il n’aimait guère les religions mais n’avaient rien contre les dieux. Des connaissances comme autant d’anecdotes, rien de plus.
C’est donc un peu déçue que je referme ce livre, qui ne m’a pas apporté les bases que j’espérais pour être mieux équipée au moment d’aborder l’œuvre de Thoreau. Peut-être en attendais-je trop, surtout au vu du format bande dessinée. Je me demande même à quel public cette œuvre peut être destinée, ni aux novices comme moi, ni probablement aux connaisseurs de Thoreau qui n’y verraient qu’un survol bien rapide de sa vie et encore plus de sa pensée.

* Tentative de traduction :
« – La vie sublime, qu’est-ce que c’est ?
– Ce n’est pas difficile. Il suffit de naviguer dans la vie comme un passager curieux, et non comme un marin à la vue courte. Quelque modeste que soit une vie, la glorifier, l’embrasser dans son intégralité. L’élever du mieux que nous puissions. »

79raton-liseur
Jan. 15, 2014, 10:08 am

53. Quinze mois dans l'Antarctique - L'Expédition de la Belgica (1897-1899) - Adrien de Gerlache de Gomery
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Récits de voyages ». Voir note de lecture ici.

80raton-liseur
Jan. 15, 2014, 10:11 am

Voilà, c’est ici que s’achève ma liste de lectures de 2013. Coupure artificielle, mais qui amène à faire une pause pour regarder un peu en arrière. Comme je m’y attendais, j’ai depuis cette année moins de temps pour lire et, mécaniquement, mes lectures ont dû baisser d’un bon tiers. Cela s’est accompagné, me semble-t-il, d’une place plus importante prise par les classiques ou les « valeurs sûres », ces auteurs ou ces thèmes que j’affectionne particulièrement, comme un retour en force par exemple de la littérature latino-américaine mais aussi de la mer et des romans régionalistes. Je ne papillonne plus autant qu’avant et je me prends à lire une plus grande proportion de livres qui attendaient sur mes étagères depuis trop longtemps (d’ailleurs mes achats de livres se sont réduits dans une proportion supérieure à mes lectures je crois bien, chose que je ne croyais pas possible !). Finalement, ce sont les livres audio, une nouvelle pratique pour moi, qui sont maintenant le vecteur de mes papillonnages et de découvertes un peu aléatoires. Comme je n’écoute que des livres qui sont dans le domaine public, cela m’oriente naturellement vers plus de lectures du XIXème siècle, mais cela n’est pas pour me déplaire !
Une année de lecture qui se révèle donc à nouveau bien riche, avec des déceptions, mais aussi, et c’est ce que je veux retenir, de belles découvertes telles que L’Œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar ou Best love Rosie de Nuala O’Faolain, et surtout, surtout, le très beau Sel de la mer d’Edouard Peisson.

81raton-liseur
Jan. 15, 2014, 10:25 am

Et voici le lien vers la liste de lectures pour cette nouvelle année qui s’annonce, Lectures de 2014.

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