Raton-Liseur - Lectures audio de 2014

ForumLectures des francophones

Melde dich bei LibraryThing an, um Nachrichten zu schreiben.

Raton-Liseur - Lectures audio de 2014

Dieses Thema ruht momentan. Die letzte Nachricht liegt mehr als 90 Tage zurück. Du kannst es wieder aufgreifen, indem du eine neue Antwort schreibst.

1raton-liseur
Bearbeitet: Jan. 28, 2014, 4:40 pm

1. Légendes rustiques - George Sand ; lecture de Ar Men
Là où règne la paix, la guerre, la peste ou le désespoir ont passé, terribles, à une époque quelconque de l’histoire des hommes. Le blé qui pousse a le pied dans la chair humaine dont la poussière a engraissé nos sillons. Tout est ruine, sang et débris sous nos pas, et le monde fantastique qui enflamme ou stupéfie la cervelle du paysan est une histoire des temps passés. (…) Le paysan est donc, si l’on peut ainsi dire, le seul historien qui nous reste des temps anté-historiques. Honneur et profit intellectuel à qui se consacrerait à la recherche de ces traditions merveilleuses de chaque hameau qui, rassemblées ou groupées, comparées entre elles et minutieusement disséquées, jetteraient peut-être de grandes lueurs sur la nuit profonde des âges primitifs.
(Avant-propos).

J’aime les œuvres champêtres de George Sand, et espérais trouver sous sa plume quelques légendes du Berry qu’elle affectionne tant. Hélas, ce n’est pas ce qu’est ce livre. Ecrit en parallèle d’un travail de collecte de récits conduit par son fils (de là à dire que cette œuvre n’est qu’un acte de népotisme, il y a un fossé, que j’ose franchir), ce petit opuscule contient effectivement quelques contes, trop vite esquissés et, surtout, noyés dans un fatras de considérations folkloristes qui manquent d’ordre ou de cohérence et auxquels je n’ai pas trouvé d’intérêt.
Ce livre est certes un témoignage de l’engouement des intellectuels de l’époque pour les contes populaires et pour les traditions qui se perdent (un discours qui a la vie dure, les traditions sont toujours en train de se perdre), mais d’autres œuvres de George Sand le disent bien mieux, et il me semble qu’à moins d’être un inconditionnel de la bonne dame de Nohant, on peut passer son chemin sans crainte, et préférer des romans champêtres qui sont à raison plus connus, comme bien sûr l’incontournable La Mare au Diable.

2raton-liseur
Jan. 29, 2014, 9:30 am

2. Micromégas - Voltaire ; lecture de René Depasse
Micromégas est un des premiers contes philosophiques écrits par Voltaire, un de ces petits contes incisifs qui constituent un de ses principaux legs littéraires. De sa plume trempée dans l’ironie et la causticité, Voltaire livre son propos de manière efficace et sans fioriture. Micromégas, oxymore à lui tout seul, est le conte du relativisme, de la tolérance et du respect.
La vanité des hommes est mise à mal dans ce conte, où ils sont les insectes sous le microscope du géant de Sirius Micromégas, et son compagnon saturnien. L’un est le scientifique ouvert, personnification du philosophe des Lumières, l’autre est le scientifique plein de préjugés, mais qui se laisse convaincre par les preuves et les discours argumentés, incarnant en quelque sorte la foi en la possibilité du progrès et la possibilité de sortir de l’obscurantisme.
Le propos est asséné avec force et clarté mais la brièveté du conte permet de ne pas se lasser. Les idées de ce conte ne sont plus subversives aujourd’hui où l’on se croit tous éclairés et tolérants (j’ai bien dit « croit »), mais ce conte reste un petit moment de lecture agréable et qui donne le sourire.

3raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 16, 2014, 4:21 pm

3. Une tranche de bifteck - Jack London ; traduction de Louis Postif, lecture d’Alain Degandt
il parcourut du regard la chambre nue. Voilà tout ce qu’il possédait au monde, avec le loyer en retard, sa femme et les gosses à nourrir. Il quittait tout cela pour aller, dans la nuit, chercher la pâture pour la femelle et les petits, non pas comme un travailleur moderne se rendant à sa besogne mécanique, mais à la façon antique et primitive, à la mode royale et animale, en se battant pour la conquérir.
Une belle nouvelle, sombre et désabusée, que London écrit en 1909, la même année que le sombre Martin Eden. Dans un milieu que London connaît bien, celui de la boxe, il décrit le combat d’un homme qui fut une gloire du ring mais a maintenant quelques années de plus, ainsi que femme et enfants à nourrir.
Avec ce combat qui l’oppose à un jeune champion, il se souvient de comment lui-même a conquis la gloire au détriment des joueurs de la génération précédente, et il revisite ses sentiments d’alors maintenant qu’il passe de l’autre côté de la barrière.
Je ne dirai pas ce que représente cette tranche de bifteck qui semble n’avoir aucun lien direct avec le thème de la nouvelle, mais je ne peux m’empêcher de dire à quel point cette lecture m’a plu. J’ai souvent trouvé qu’il y avait à boire et à manger dans l’œuvre de London, mais plus je le redécouvre à travers des œuvres pourtant mineures au fil de mes lectures audio, plus j’apprends à apprécier son style, sa façon de surprendre le lecteur, et j’aime la vision de la vie qu’il donne, avec notamment un fatalisme qui continue de m’étonner de la part de cet homme si vivant et si touche-à-tout, comme si son activité incessante et son désir inextinguible de toujours repousser ses propres limites étaient en fait une fuite en avant, une tentative de masquer une grande peur du vide, de la vacuité de la vie.
Cette tranche de bifteck, c’est la réalisation que les générations se succèdent, que l’on a soit la jeunesse soit l’expérience, mais que jamais on n’aura les deux. Et que toujours, inexorablement, ce sera la même qui gagnera, qu’il n’y a rien à faire, sinon accepter l’inéluctable. Tout cela écrit par un écrivain de 33 ans, qui mourra sept ans plus tard. Une belle nouvelle, qui laisse un triste goût de sang dans la bouche. Une belle découverte, dans une œuvre riche en petites pépites.

4raton-liseur
Apr. 7, 2014, 11:40 am

4. Le coup de pistolet, extrait de Récits de feu Ivan Pétrovitch Bielkine - Alexandre Pouchkine ; traduction de Prosper Mérimée, lecture de Vincent de l’Epine
Je faisais un quatre-quarts et je crois que je n’ai jamais aussi bien travaillé ma pâte, tant j’étais suspendue à l’écoute de cette nouvelle.
Cette nouvelle de Pouchkine est d’une construction classique pour son époque, utilisant le subterfuge d’une personne racontant un souvenir et, par un étrange concours de circonstance, découvrant grâce à une rencontre tardive, les dessous d’une histoire qui l’avait intrigué.
Le narrateur, un jeune officier, admire un homme qui partage leurs soirées de jeunesse, mais tombe de haut le jour où celui-ci, insulté directement, se refuse à demander réparation. Serait-il un lâche ?
Je n’ai pu écouter cette nouvelle sans une arrière-pensée pour la mort de Pouchkine lui-même, tué lors d’un duel quelques années après la parution de cette nouvelle. C’est une conception de l’honneur qui y est exposée, en même temps qu’une réflexion sur ce que veut dire « tenir à la vie ».
Le quatre-quarts était délicieux, moelleux d’avoir été tant travaillé, peut-être aurais-je dû y mettre des cerises (au mépris de toute tradition), car il faut un certain panache pour picorer des cerises à quelques pieds de distance de la bouche du pistolet qui pourrait arrêter tout cela d’un seul coup.

5raton-liseur
Apr. 7, 2014, 11:57 am

5. Les pommes cuites, extrait de Contes rapides - François Coppée ; lecture de René Depasse
J’ai découvert et apprécié François Coppée pour son regard bienveillant sur ses personnages, quelque soit l’extraction sociale de ceux-ci. Tout ne se finit pas toujours bien dans ses nouvelles, mais elles sont toujours d’une grande tendresse, du moins jusqu’à la lecture de cette nouvelle, extraite du recueil Contes rapides que je n’avais pas encore eu l’occasion de découvrir.
Cette nouvelle au titre trompeur se passe dans le milieu du théâtre de boulevard, que François Coppée ne semble pas voir d’un très bon œil. Il montre la vénalité et le matérialisme des starlettes d’un jour, et leur manque de cœur.
J’ai, je crois, été déçue par cette nouvelle, où je n’ai pas pu aimer les personnages, et dont le propos et la trame sont assez convenus. Je lirai quand même à l’occasion les autres nouvelles de ce recueil, en espérant y retrouver la tendresse de mes précédentes lectures.

6raton-liseur
Apr. 7, 2014, 2:52 pm

6. Une Jeune Fille étrange - Vladimir Korolenko ; traduction de E. Garnault, lecture de René Depasse
Vladimir Korolenko a laissé peu de trace dans la littérature, principalement des nouvelles dont quelques-unes sont traduites en Français. Sa carrière littéraire est fortement marquée par son engagement politique et par l’exil auquel il a été condamné en 1879 pour activités révolutionnaires. Il n’est pas possible de lire Une Jeune Fille étrange sans penser à cela, puisque ce récit nous conte le voyage d’une jeune bien malade mais fière jusqu’au lieu de sa relégation et que Vladimir Korolenko le présente comme un récit que lui aurait fait le gendarme chargé de le conduire en exil.
Il m’a été difficile de comprendre ce que l’auteur voulait dire dans cette nouvelle, quel était son message. J’en retiens une description finalement assez neutre, où l’on compatit certes mais où l’on reste finalement très extérieur au drame personnel qui se joue. Une belle plume pour les descriptions, mais un texte qui m’a paru trop factuel et trop classique pour avoir une réelle portée.

7raton-liseur
Apr. 7, 2014, 2:54 pm

7. Le Vampire - Jan Neruda ; traduction de P. Patrys, lecture de René Depasse
J’ai écouté cette nouvelle par simple curiosité, voulant savoir qui avait inspiré son pseudonyme au grand Pablo Neruda. Je ne sais si cette nouvelle, la seule disponible sur les sites de lecture audio ou électronique gratuite que je fréquente, est représentative de l’œuvre de cet écrivain tchèque, alors je réserverai mon jugement.
Il s’agit d’une nouvelle gothique de facture très classique, sans aucune fioriture. N’affectionnant guère le genre fantastique ou gothique, mon appréciation de cette nouvelle est certes biaisée, mais je dois avouer que je n’ai rien vu dans cette nouvelle qui emporte mon adhésion.
Une nouvelle et un auteur à découvrir pour ceux que ce genre intéresse, avec un petit exotisme en plus, puisque l’action se passe dans la lumière méditerranéenne d’une île de la mer de Marmara.

8raton-liseur
Apr. 9, 2014, 3:52 pm

8. La Salle n°6 - Anton Tchekhov ; traduction de Léon Golschmann et Ernest Jaubert, lecture de René Depasse
Voici une longue nouvelle de Tchekhov, que l’on pourrait résumer en trois temps. D’abord la description d’une salle d’hôpital, la salle n°6 et de ses pensionnaires, des aliénés en blouse bleue et en bonnet, et aux pathologies plutôt légères, certains ne comprenant d’ailleurs pas leur présence dans ces lieux. Ensuite, la description de la vie rangée et ennuyeuse de médecin responsable de cet hôpital, un médecin, Raguine, qui après une période d’activités intenses, se désintéresse de sa charge, convaincu de l’inutilité de celle-ci face à l’immensité de la tâche. Ses journées se passent invariablement selon le même schéma, à savoir un tour d’inspection qui justifie son salaire, puis l’étude de ses chers livres et une discussion à sens unique avec son seul ami, le directeur de la poste. Ces deux descriptions sont celles de deux mondes qui semblent ne pas devoir se rencontrer, et pourtant, c’est l’objet de la troisième partie. Par hasard, Raguine entre un jour dans cette salle n°6, et, contre toute attente, sympathise avec un des pensionnaires, Gromov, qui raisonne différemment de lui et qui est le premier à opposer un argumentaire solide aux convictions de Raguine.
C’est alors petit à petit tout le monde de Raguine qui bascule. D’abord ce sont ses convictions philosophiques faites de fatalisme, de renoncement et de déni de la douleur qui sont mises à mal. Puis c’est le regard que la société de cette petite ville rurale porte sur son médecin qui change. Son commerce avec les pensionnaires de la salle numéro 6 le fait passer de fait de l’autre côté du miroir, et qui peut mener une conversation sensée avec un fou ne peut qu’être fou lui-même. Son ami tentera bien de le sauver de ses horribles penchants, mais la chute semble inéluctable.

C’est un sombre drame que Tchekhov, lui-même médecin, expose ici. Les thèmes s’y mélangent et il n’est pas évident de mettre en évidence le propos principal de l’auteur, mais il faut y voir me semble-t-il une critique de ce que être la médecine dans les campagnes russes à l’époque où Pasteur fait pourtant ses découvertes fondamentales et bien sûr une critique de la façon dont sont traités les malades mentaux, à la fois l’absence totale de soin et les conditions de vie déshumanisantes qu’on leur impose.
C’est sombre, comme souvent chez Tchekhov me semble-t-il. C’est sans espoir, très russe serais-je tentée de dire si je savais ce que cela veut dire. C’est une nouvelle peut-être un peu longue, qui se disperse un peu trop à mon goût, mais cette lecture demeure intéressante et, parce que très loin de mon univers et de mes thèmes de lecture habituels, dépaysante et un rien déstabilisante car je ne suis pas sûre que le temps et la distance qui me séparent de Tchekhov rendent son constat moins vrai.

9raton-liseur
Apr. 16, 2014, 3:59 pm

9. Construire un feu - Jack London ; traduction de Paul Gruyer et Louis Postif, lecture de Alain Degandt
L’ancien lui avait, très sérieusement, exposé que nul homme, au Klondike, ne devait s’aventurer à voyager seul, au-delà de cinquante degrés sous zéro. C’était une loi absolue.
Et cependant, lui, il était ici. Un accident était survenu et, tout seul qu’il fût, il s’était tiré d’affaire. Ces vieux – pas tous, mais certains d’entre eux – ont des âmes de femmes. L’essentiel est de garder ses idées nettes. Alors tout va bien. Un homme, digne de ce nom, doit pouvoir voyager seul.
Tout de même, il était surprenant que ses doigts eussent si vite recommencé à s’engourdir. C’est à peine s’il pouvait saisir une brindille. Ils semblaient ne plus faire partie de son corps. Lorsqu’ils prenaient quelque chose, ses yeux devaient contrôler s’ils la tenaient ou non.
Mais, qu’importait, au fond ! Le feu aussi était là, claquant et craquant, et chacune de ses flammes, qui dansaient dans l’air gelé, était de la vie.
Une très belle nouvelle de Jack London, qui se caractérise par son économie de mots, son économie d’effets de manche. Une écriture qui va à l’essentiel, où les personnages n’ont pas de nom, ni cet homme ni ce chien, qui resteront un homme et un chien, aussi important dans l’histoire que la neige, le froid, les allumettes.
Un homme s’aventure seul dans les immensités du Grand Nord pour voir si les forêts pourraient fournir les rondins nécessaires à l’exploitation de la mine. On lui a dit que par une telle température il ne faut pas partir seul, mais il n’a pas écouté et est fier de s’en sortir par lui-même. C’est son premier hiver dans la région, mais il ne s’en laisse pas compter pour autant. Mais par soixante degrés au-dessous de zéro, n’importe quelle étourderie peut prendre des proportions inquiétantes.
C’est une histoire comme Jack London aime à les raconter, celle d’un homme dans la nature, un homme confronté à cette nature et à lui-même. Le mythe de l’homme redevable uniquement de lui-même et seulement à lui-même. L’idée qu’il faut aussi assumer ses actes et leurs conséquences, quelles qu’elles soient, avec un fatalisme qui ne se dément à aucun moment. C’est cette dignité à toute épreuve qui fait l’homme, et c’est une bien belle vision de ce qu’il peut être, même si l’issue peut être cruelle.

10raton-liseur
Apr. 16, 2014, 4:52 pm

10. La Loi de la vie - Jack London ; traduction de Louis Postif, lecture de Karine
Il pencha sa tête résignée jusqu’à ce que, ayant entendu la dernière plainte de la neige foulée, il sût que son fils était hors d’appel. Alors sa main s’allongea vivement pour tâtonner le bois. Il ne restait plus que cela entre lui et l’éternité qui s’entrouvrait pour l’engloutir. La mesure de sa vie avait fini par se réduire à une poignée de fagots. Un à un, ils iraient alimenter le feu, et de même, pas à pas, la mort s’approcherait de lui. Quand la dernière branche aurait rendu sa chaleur, le gel commencerait à reprendre ses forces. D’abord ses pieds, puis ses mains, seraient saisis par la paralysie, qui gagnerait lentement des extrémités au tronc. Sa tête tomberait en avant sur ses genoux, et il serait en repos. Cela est simple. Tout homme doit mourir.
Un titre engageant pour une nouvelle qui cache bien son jeu puisqu’il y est en réalité question de l’agonie et de la mort d’un vieil Indien, abandonné par sa tribu, comme c’est la règle, maintenant qu’il est un poids mort et que la survie de tous est en jeu. Koskoosh, ce vieil Indien aveugle, se remémore alors quelques évènements de sa vie. Il passe aussi par toutes les phases, oscillant entre espoir irraisonné et acceptation de l’inéluctable, entre raisonnement et refus.
Ecrite dans le style sobre de Jack London, cette nouvelle ne porte cette fois pas trace de l’ironie qu’il affectionne tant. Au contraire, pointe sous les phrases simples un grand respect de l’auteur pour ce que son personnage représente, à la fois homme dans ses espoirs et sa dignité et simple maillon dans le cycle de la vie. Une ambivalence qui est tout le déchirement de cet homme, Koskoosh, qui comprend l’inutilité de sa vie si ce n’est pour être au service de son espèce. Comme souvent chez Jack London, c’est un immense fatalisme qui se dégage de cette nouvelle, mais le plus cruel des réalismes n’empêche pas cette dignité dont il aime parer ses héros, car c’est ce qui grandit l’homme, même et peut-être surtout au plus noir des instants de sa vie.

11raton-liseur
Apr. 17, 2014, 3:02 pm

11. La fin de l’homme rouge : ou le temps du désenchantement (extraits et adaptation) - Svetlana Alexievitch ; traduction de Sophie Benech, adaptation de Jean-Pierre Thibaudat
Ma connaissance de l’histoire russe s’arrête à Lénine et Staline et ma connaissance de la littérature russe à Tolstoï et Tchekhov… J’étais donc curieuse de découvrir cinq témoignages extraits de ce livre sur les ondes de France Culture et de me frotter ainsi à la Russie aujourd’hui.
Ces cinq extraits sont tous des témoignages de femmes, mais c’est la leur seul point commun, car les points de vue et les histoires sont bien différents. De la femme d’affaire qui s’est faite à la force du poing à la serveuse sans avenir qui représentent deux faces des jeunes générations, on sent que la vie n’est pas devenue plus facile pour tous. Par contre, les générations plus anciennes, celles qui peuvent comparer sont toutes dans la nostalgie. Certaines dans la nostalgie du « c’était mieux avant », la plupart dans la nostalgie d’une vie qui n’a été faite que de souffrances et de désillusions.
Probablement pas de la grande littérature, mais un témoignage efficace d’un monde en transition dans lequel quelques-uns gagnent et beaucoup perdent. Des vies qui collent parfois aux stéréotypes russes de la vodka et du communisme, mais des témoignages qui vont souvent au-delà, parce qu’ils oscillent imperceptibles entre l’unicité de chaque destin et les grands bouleversements de l’histoire.

12raton-liseur
Apr. 18, 2014, 11:39 am

12. Ar Môr - Anatole Le Braz ; lecture d’Ar Men
Dès l’aube suivante, les Kymris décidèrent de lui élever un cairn funèbre à l’endroit où sa femme disait l’avoir vu disparaître. Les premiers qui escaladèrent à ce dessein la pente des collines occidentales demeurèrent frappés d’admiration : un ciel d’eau mouvante étincelait à l’infini devant eux, mirant l’autre ciel et décuplant sa beauté. Au lieu d’un monument de mort, ce fut un autel qu’ils bâtirent.
Anatole Le Braz, c’est pour moi avant tout le grand collecteur de légendes bretonnes. Mais c’est aussi l’auteur de nombreuses œuvres de fiction, que je découvre au petit bonheur la chance, et avec un plaisir qui me fait penser qu’il est temps d’être plus assidue dans ma lecture.
Cette nouvelle, avec son titre si évocateur (Ar Mor signifie « La Mer » en Breton), ne pouvait que m’intriguer et je me suis plongée dedans sans savoir quoi en attendre. La première phrase met tout de suite dans l’ambiance : « Ce soir-là, quand les chariots de la tribu s’arrêtèrent pour leur halte accoutumée de la nuit, l’odeur singulière qui, depuis plusieurs jours déjà, accueillait la marche des Kymris migrateurs, dans leur exode vers les terres du couchant, se fit tout à coup si forte et si pénétrante que les buffles eux-mêmes, au lieu de se répandre dans les herbages, sitôt dételés, restèrent, les naseaux tendus, à humer l’air avec une sorte d’inquiétude. »
C’est en effet une histoire de la préhistoire que nous raconte Le Braz. Une préhistoire qui m’a parue fantasmée, mais qui est ancrée dans les connaissances de l’époque puisque « Kymris » est le nom donné par certains à une partie de la population gauloise. Je ne sais si Le Braz adhérait à cette théorie qui a fait long feu, mais il s’en empare avec son talent de conteur et nous fait suivre la grande migration de ce peuple vers le soleil, peut-être à la suite de son chef légendaire Hu-ar-Braz.
Et l’important n’est pas dans la vérité historique, elle est dans la quête de ce peuple nomade, dans ce mot, ces « deux vocables inconnus [qui] s’emplirent d’un bruit si large qu’il retentit, au cœur terrifié des chefs, comme la voix d’un autre monde, comme l’appel de l’infini. » Il est dans l’idée que Le Braz nous donne de sa Bretagne, de sa spécificité qu’il fait ainsi remonter au temps d’avant le temps. Tout est déjà dans cet Ar Môr, le mélange de mort et de beauté que viennent chercher les peintres de la fin du XIXème siècle, le mélange de souffrance et de fascination que l’on retrouve dans les histoires de Terre Neuva. En plaçant sa nouvelle dans des temps préhistoriques, Le Braz érige la Bretagne au rang de l’immuable éternité, cette région qui ne fut et ne sera donc jamais comme les autres.
Une belle histoire, qui se lit d’abord pour elle-même, mais qui dit aussi beaucoup sur la construction de l’identité bretonne depuis un peu plus d’un siècle, que l’on soit d’accord ou non avec la thèse de Le Braz. Une belle découverte pour ceux qui se sentent bretons, et pour ceux qui aiment l’Ar Môr.

13raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 18, 2014, 11:52 am

13. Nouvelle sélection (quatre contes) - Mark Twain ; traduction de Alphonse Allais, François de Gail et Gabriel de Lautrec, lecture de René Depasse
Quatre nouvelles assez disparates : L’Histoire du petit Stephen Girard, Un veinard !, Sur les bébés et enfin Le Serviteur noir de Washington. Pour les apprécier, il faut un esprit caustique à l’humour grinçant. Ces nouvelles ne nous emmènent presque jamais là où l’on pensait qu’elles iraient et il faut donc accepter de se faire surprendre.
J’aime l’ironie, mais je n’ai que peu apprécié ces nouvelles, comme le travail de Mark Twain en général me semble-t-il, car je trouve qu’il force trop souvent le trait et que son humour, même s’il est grinçant (je me répète), ne semble pas dépasser le stade de la blague de potache ou du bon jeu de mot.

14raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 4, 2015, 9:34 pm

14. Nouvelles et poèmes de Raymond Carver, extraits de divers recueils - Raymond Carver ; divers traducteurs, divers lecteurs
Six nouvelles (et quelques poèmes que je passerai sous silence) pour découvrir la plume de Raymond Carver, un des nouvellistes les plus réputés de la littérature américaine du XXème siècle. D’après les quelques informations que j’ai pu glaner sur cet auteur, ces nouvelles semblent représentatives, évoquant les classes moyennes et populaires des Etats-Unis, les petits évènements et les drames ordinaires de leurs vies. Le réfrigérateur qui tombe en panne dans un couple dont le mari est au chômage depuis peu, la serveuse d’un client obèse dans un restaurant.
Dans une écriture sans fioriture mais qui ne tombe pas dans la facilité, Carver colle au plus près du personnage dont il fait le centre de sa nouvelle, et il en dissèque avec application les mouvements et les réactions. Mais il laisse toujours ses histoires non résolues, ses personnages au milieu d’une action, ne concluant jamais, ce que je trouve personnellement déstabilisant et pour tout dire frustrant.
Cette rencontre avec cet auteur me fait penser à ma lecture d’Alice Munro il y a quelques mois, car les centres d’intérêt des nouvelles et la façon de traiter les sujets sont les mêmes. Mon ressenti est aussi le même car, si je comprends l’intérêt que certains peuvent y trouver, ce n’est pas le style de nouvelles que pour ma part j’apprécie. Ce n’est pas l’écriture que Munro que l’on trouve ici, elle est beaucoup plus simple, moins dans la description des ambiances, plus proche des personnages, mais je ne peux m’empêcher de penser que qui aime l’un devrait aimer l’autre et inversement. La succession des lectures fait parfois faire de drôles de rapprochements...

15raton-liseur
Apr. 28, 2014, 12:41 pm

15. Mateo Falcone - Prosper Mérimée ; lecture de René Depasse
Je renoue avec les nouvelles de Prosper Mérimée, des classiques qui ne m’avaient pas impressionnée lorsque je les ai lus au lycée. Cette nouvelle est intéressante, sans plus, et il m’est difficile de développer. Plume classique, descriptions engageantes. Mais une histoire qui m’a parue convenue, un brin caricaturale, voire condescendante, pour ces Corses fiers au delà de toute mesure, ces Corses vivant dans les maquis, et j’en passe. Je dis rarement cela, mais voilà un texte qui me semble avoir mal vieilli, et je ne change donc pas l’opinion que je m’étais faite de cet auteur il y a quelques décennies, tant pis.

16raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 7, 2015, 7:36 pm

16. Le procès (adaptation)- Franz Kafka ; traduction et adaptation de David Zane Mairowitz, lecture de Stéphane Valensi et autres
Le verdict ne tombe pas d’un seul coup ; c’est le procès qui se transforme avec le temps en verdict.
(Episode 9, “La Cathédrale”).
« Quelqu’un avait dû calomnier Joseph K., car, sans rien avoir fait de mal, il fût arrêté un matin. » (incipit). Je crois avoir lu Le Procès en fin de collège, mais après l’écoute de cette adaptation radiophonique, je n’en suis plus si sûre tant cela ne me rappelle rien. J’en avais de toute façon l’idée d’un roman absurde et abscons sans grand intérêt. Je revois aujourd’hui mon jugement.
Difficile de trouver un sens à cette histoire, cet homme arrêté mais pas mis en prison, pris dans les rets d’un procès pour une faute qui ne lui est pas notifiée, seul face à une organisation bien huilée qui ne dit pas ses règles. L’atmosphère de ce roman, renforcée ici par une musique grinçante, est oppressante, et je dois avouer que Joseph K. est ici aussi antipathique que possible, avec son ton plutôt amorphe, ses considérations de classe incessantes et son mépris généralisé. Mais cela va bien dans le sens de l’œuvre, et cette atmosphère si lourde, flirtant parfois avec le masochisme, m’a collé à la peau pendant toute l’écoute.

Que dire d’ailleurs de ce Joseph K. si antipathique. Comment je pas voir les nombreux parallèles entre lui et l’auteur, du plus évident, l’initiale du nom, aux petits détails ça et là, tels que sa profession ou ses migraines constantes. Joseph K. comme double de l’écrivain, comme figure universelle de l’homme empêtré dans sa vie.
Empêtré, un mot qui me semble bien définir l’absurdité dans laquelle Joseph K. se retrouve. Je ne lis pas ce roman littéralement et je n’arrive pas à y voir une simple critique de l’administration ou de l’appareil judiciaire. La parabole serait alors trop outrée, sa portée serait trop limitée. Au second degré on peut y voir un homme face à l’absurdité de tout système, le totalitarisme bien sûr (mais c’est il me semble faire grand cas de la capacité visionnaire de Kafka, qui écrit ce livre en 1914, à un moment où il me semble que prédire la montée du nazisme ou les dérives du communisme à la russe relève plus du don de double vue que de la capacité d’anticipation, mais je veux bien reconnaître mes lacunes en terme d’histoire de l’Europe centrale pendant cette période et plus généralement), le capitalisme peut-être aussi (une entreprise où l’on est jugé sans pour autant qu’une faute soit identifiée), la société tout simplement. On pourrait voir là une force de cette parabole, qui donne à lire une société où chacun s’érige en juge informel des autres, où l’on est arrêté toute notre vie, toujours sous le regard d’une justice dont nous ne connaissons pas les rouages mais qui n’en est pas moins réelle.

Pour ma part, ce sont les deux chapitres clef de la visite au peintre Titorelli, qui lui explique quelles sont les issues possibles de son procès, et de la rencontre de l’abbé dans la cathédrale, qui lui raconte la parabole de la Loi (avec une majuscule, telle la loi divine) et ses interprétations possibles (son exégèse oserais-je presque écrire), qui me font pencher pour une autre interprétation. Il me semble que le procès est avant tout le questionnement existentiel d’un homme. Les questions peuvent être multiples, cela peut être l’existence de Dieu, ou bien le sens de la vie de façon plus générale.
Plusieurs phrases me font pencher pour cette interprétation. Cette idée que ce n’est pas la justice qui vient à la culpabilité, mais bien la culpabilité qui vient à elle, c’est l’homme qui s’interroge sur sa vie qui se met lui-même dans la position de l’accusé, et non la vie qui l’accuse. Cette idée aussi que l’acquittement réel n’existe que dans des légendes du passé, car l’acquittement apparent et la prorogation sont bien l’état d’esprit de celui qui a commencé à s’interroger sur sa vie : soit il arrive à une conclusion mais, à moins d’être un saint qui a reçu une révélation comme dans ces fameuses légendes du passé, ces conclusions sont bien peu solides et toujours remises sur l’ouvrage (une nouvelle arrestation, et un nouvel acquittement à conquérir) ; soit il atermoie, un peu comme un agnostique qui reprend la nonchalance initiale de Joseph K ., refuse de prendre son procès au sérieux, refuse de trancher une question pour laquelle il pressent qu’il n’y a pas de réponse satisfaisante.
Le tribunal ne te demande rien. Il t'accueille quand tu viens, et te laisse partir quand tu t'en vas.

– On dit qu’il y en a eu, fit le peintre. Mais il est très difficile de le savoir : les sentences du tribunal ne sont jamais publiées ; les juges eux-mêmes n’ont pas le droit de les voir, aussi n’a-t-on conservé que des légendes sur la justice du passé. Elles parlent bien de véritables acquittements, et même dans la plupart des cas, et rien n’empêche de les croire, mais rien non plus ne peut prouver leur véracité. (…) Oui : l’acquittement apparent et l’atermoiement illimité. C’est d’eux seuls qu’il peut être question, dit le peintre.
Et dans ce cas, la fin est glaçante, car il n’y a pas d’issue dans ce monde où l’homme n’est coupable que par le simple fait d’exister, coupable aux yeux de ce qui le dépasse, coupable sans jamais pouvoir se justifier. Pourtant sa mort n’anéantira pas tout, car, assassinat, sentence exécutée ou suicide, Jospeh K. meurt « “comme un chien !” C’était comme si sa honte allait lui survivre. » (excipit). Survivance possible donc, au-delà de son existence ? Mais faut-il s’en réjouir si c’est l’humiliation qui reste ? Faut-il alors voir en Kafka le précurseur de l’absurde qu’un Camus développera plus tard ? Mais dans ce cas, Kafka demeure dans les labyrinthiques méandres de l’administration de l’âme humaine, quand Camus lui opposera le lumineux de son Sisyphe heureux.
J’ai aimé cette noirceur et ce pessimisme, même si par moment j’ai été très mal à l’aise. J’ai aimé l’ironie qui devient par moment acerbe, comme seule planche de salut pour tenter de surnager dans cette implacable métaphore d’une réalité qui a fait de « kafkaïen » un adjectif d’usage courant.

Le Procès est donc un livre ouvert aux interprétations ; j’ai la mienne, Monsieur Raton, qui m’a accompagné dans cette lecture auditive, semble pencher pour ce que j’ai présenté comme le deuxième niveau de lecture possible. Je suppose que cette multiplicité des compréhensions est la marque des grands textes. Etrange de constater que ce roman, qui est considéré comme le chef-d’œuvre de Kafka, a été publié à titre posthume, inachevé, comme demeure inachevé le procès de chacun, comme est demeuré inachevé celui de Kafka lui-même.

17raton-liseur
Jun. 13, 2014, 2:53 pm

17. Le Maître de Ballantrae, un conte d’hiver (adaptation) – Robert Louis Stevenson ; traduction de Alain Jumeau et Théo Varlet, adaptation de Marie-Louise Bischofberger, lecture de Pierre Vernier et autres
J’ai toujours eu du mal à imaginer que Stevenson avait pu écrire à la fois L’île au trésor et Dr Jekyll et Mr Hyde, deux romans dans des registres tellement différents. Le Maître de Ballantrae, étrangement, semble réconcilier ces deux facettes d’un même écrivain. Il y est question d’une étude de personnages, en particulier le personnage éponyme, aventurier hâbleur, cruel beau parleur, et son frère, digne et conscient de ses devoirs, mesuré et droit. Un aîné flamboyant et un cadet terne, un seul titre, un seul domaine, et une seule cousine à épouser. Après avoir joué à pile ou face, au détriment de toute sagesse, qui rejoindrait la rébellion jacobite et qui demeurerait fidèle au roi en place (il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier…), l’aîné est porté disparu et le titre revient au cadet. Mais l’histoire connaîtra de nombreux rebondissements et le manoir de Durrisdeer sera le théâtre d’un affrontement à la violence contenue mais sans équivoque. Stevenson réussira dans la dernière partie du roman à nous emmener à l’aventure sur les terres hivernales d’Albany, sur les rives de l’Hudson.

Etrange combinaison dans ce livre qui me paraît un peu fait de bric et de broc, et dont certains enchaînements me paraissent peu crédibles, mais permettent l’avancée de l’histoire dans le sens que veut lui donner Stevenson. Tant que le vieux père n’est pas mort, qu’est-ce qu’Henry dispute réellement à James ? Pas le titre, ou alors seulement celui de dauphin ; pas la gestion du domaine, qui n’intéresse pas l’aîné pour deux sous. D’accord, il a épousé la femme destinée à l’absent, mais ce même absent n’a jamais eu d’inclinaison pour cette chère cousine qu’on lui avait imposée. Bref, je ne comprends guère quels sont les griefs qui déclenchent une telle haine fraternelle, une haine qui ne peut s’éteindre que dans la tragédie, les dés en semblent jetés dès le début du roman.
Et je ne parle pas des scènes finales qui sont d’un rocambolesque dignes des romans feuilletons qui ont fait les choux gras des journaux du XIXème siècle (Tiens, c’est l’époque à laquelle Stevenson écrit. Suis-je en train de dire qu’il écrit comme on le faisait à son époque ? Peut-être, mais dans ce cas c’est bien daté…). Invraisemblable, pas crédible pour deux sous, cela a gâché mon plaisir.
Et avec ça, aucun personnage qui soit vraiment attachant, qui soit comme un point d’ancrage pour le lecteur dans cette histoire. Le maître de Ballantrae, James, est d’un sadisme qui le rend odieux (je ne peux comprendre l’admiration de Miss Alison pour ce sinistre personnage que sa flamboyance ne rend pas plus sympathique à mes yeux.) ; son cadet, Henry, est terne et campé sur ses principes, un personnage mal-aimé mais qui ne cherche pas à se faire aimer non plus. Et le narrateur, Mackellar, régisseur du domaine, est trop servile et influençable pour susciter quelque sympathie. Une belle brochette de personnages plus antipathiques les uns que les autres pour compléter cette histoire peu crédible…

Alors certes, Stevenson donne à lire une étude de caractère qui pourrait ne pas être dénuée d’intérêt. Les deux frères m’ont fait penser aux deux faces schizophrènes de Jekyll et Hyde, mais cette fois dédoublées dans deux personnages (dont les prénoms forment le nom d’un des amis de Stevenson, Henry James, drôle d’hommage à un ami, mais aussi peut-être une façon de montrer qu’ils sont les deux aspects d’une même personnalité). Les personnages évoluent aussi, il est bien vrai, et là où les frères semblaient si bien campés chacun dans leur camp, on voit la haine gagner celui qui se retranchait derrière les principes, et l’on voit peu à peu cette haine prendre le dessus sur toute autre forme de raisonnement, finissant par être le moteur de toute action, au-delà de toute raison ou toute rationalité.
Mais non, malgré tout, cette œuvre ne m’aura pas convaincue. Je l’ai lue il y a quelques années, je viens de l’écouter. Mais rien n’y fait, je n’arrive pas à l’apprécier. Je m’aperçois que j’aime probablement des facettes de Stevenson moins connues, des œuvres qui ne sont pas sur le devant de la scène mais qui me parlent ou me touchent plus que celles considérées comme ses chefs-d’œuvre. Will du moulin, lu il y a peu m’avait beaucoup plu, il faut que je continue à creuser mon sillon dans les œuvres mineures de cet auteur, c’est là que semblent être les pépites.

18raton-liseur
Sept. 9, 2014, 10:19 am

18. Le Guépard (extraits) - Guiseppe Tomasi di Lampedusa ; traduction de Jean-Paul Manganaro, lecture de Nicolas Raccah
Il faut que tout change pour que rien ne change.
Bien sûr, j’ai entendu parler du film. Mais je n’en connais que l’affiche, Claudia Cardinal et Alain Delon en superbes costumes de bal. Je ne savais donc absolument pas à quoi m’attendre en commençant ce livre. Si, peut-être m’attendais-je à un Jane Austen italien, intrigues matrimoniales et luttes d’influence sous le soleil sicilien. J’étais loin du compte. Certes, il y a bien un mariage, mais ce n’est pas une classe que l’auteur décrit, c’est un changement d’époque. Pour cela, le point de vue adopté est très intéressant. Ce ne sont pas ces fameux jeunes gens à marier qui sont le centre de l’histoire, ils ne sont qu’une péripétie, un prétexte, une allégorie peut-être, dans ce livre plus riche en descriptions qu’en actions. Non, le personnage principal est le prince don Fabrizio Salina, cinquante ans au début du roman, qui s’achemine à la fois vers le crépuscule de sa vie et vers celui de son époque.
Le lecteur suit cette figure unique du roman (car tous les autres personnages ne font que graviter autour de lui) dans sa vie d’aristocrate sûr de sa supériorité et dominant à la perfection les codes de son milieu. Ce guépard, symbole de la famille Salina auquel il s’identifie sans modestie, se sait le dernier de sa race, nul dans sa famille n’est digne de lui succéder, et son neveu et fils spirituel ne sera pas le garant des codes de sa caste. Don Fabrizio voit le monde évoluer et, oscillant entre nostalgie et résignation, il en prend son parti et entreprend d’accompagner ce changement pour y survivre, abandonnant en chemin ce qui ne peut être sauvé, que ce soit la pureté du sang aristocrate ou son raffinement. « Il faut que tout change pour que rien ne change. », voilà la devise qui guide cet homme sûr de sa supériorité mais d’un pragmatisme étonnant.

Si ce livre m’a surprise par son thème, il m’a tout de suite accrochée par l’intérêt de sa description, que j’ai trouvée très fine et qui sonne très juste. C’est aussi son ton ironique qui m’a surprise et que j’ai beaucoup aimé. Lorsque l’on sait que l’auteur, dont c’est l’unique ouvrage, est un descendant de cette classe aristocratique qu’il décrit avec tant de mordant (et que la figure de don Fabrizio doit beaucoup à celle de son grand-père), cela donne au livre et au ton détaché de l’auteur une saveur toute particulière.
J’ai donc découvert avec le hasard de cette lecture, un livre qui m’a emportée, une lecture agréable et un propos bien plus complexe que ce à quoi je m’attendais. Un petit plaisir de lecture inattendu (ce qui participe probablement de mon enthousiasme !), comme j’aime qu’il en existe dans ma vie de raton liseur ; une belle surprise tant pour la description des personnages que pour celle des paysages brûlés d’une Sicile en plein bouleversement.

19raton-liseur
Bearbeitet: Sept. 9, 2014, 10:22 am

19. L’Œuvre des mers (extraits et adaptation) - Eugène Nicole ; adaptation de Victoire Bourgois, lecture de Guy Chapellier et Olivier Claverie
C’est un (très) gros livre et je n’en ai (heureusement) lu que des extraits. Tout est dit dans cette première phrase… Je ne ferai pas mieux que la pompeuse présentation de l’éditeur pour résumer ce livre en quelques lignes : « Foisonnant de personnages aux curieux destins, drôles ou pathétiques, son récit est la perpétuelle “représentation” de ce microcosme sur la scène des îles et de son emblématique théâtre paroissial, “L'Œuvre-des-Mers”. »
Il ne suffit pas d’être né et d’avoir passé son enfance à Saint-Pierre-et-Miquelon pour justifier de son statut d’écrivain. J’ai trouvé le style pompeux, comme si l’auteur se regardait écrire comme d’autres s’écoutent parler. J’ai trouvé le propos souvent creux, s’attachant à des détails insignifiants sans pour autant leur donner un sens. Et je n’ai finalement, malgré les évocations du ciel bas et du port qui gèle, pas été transportée dans un lieu exotique ou du moins inconnu de moi que l’auteur m’aurait dévoilé, dont il m’aurait ouvert les portes à défaut de me donne les clefs.
Alors certes, je comprends qu’Eugène Nicole puisse être mélancolique de sa jeunesse sur ces îles battues par le vent, lui qui vit maintenant à New York, mais je n’ai pas vu la matière à un livre qui vaille d’être partagé avec les lecteurs. En écrivant ces lignes, je lis sur Wikipédia qu’Eugène Nicole est un spécialiste de Proust. Bien que je n’aie jamais lu Proust, je comprends mieux peut-être le ton de l’auteur et son style. J’imagine d’où viennent ses longues descriptions et son attachement aux détails sans importance pour d’autres que pour lui. Mais il me semble que ce livre est plus un travail de mémoire individuel, un livre écrit sur des cahiers d’écolier qui n’aurait dû être destiné qu’à l’auteur lui-même et ses enfants ou ses neveux s’il en a. Pour ma part, je suis restée une spectatrice extérieure à ces scènes familiales, comme devant une pièce de théâtre mise en scène de façon trop artificielle.

20raton-liseur
Sept. 10, 2014, 9:15 am

20. Les Gardiennes - Ernest Pérochon ; lecture de Christian Dousset
Qui connaît Ernest Pérochon ? Peu d’entre nous si j’en crois le nombre de lecteurs attachés à son nom sur ce site… J’ai découvert cet auteur par hasard, grâce à ce titre, mis en ligne sur l’excellent site Des Livres à Lire et à Entendre, qui propose des livres audio libres de droit et gratuits. Nêne est probablement le livre le plus connu de Pérochon, puisqu’il lui a valu le Prix Goncourt en 1920 (mais entre inconnu et totalement inconnu, je chipote). C’est pourtant avec Les Gardiennes que je découvre cet auteur. Livre dont la thématique est dans l’air du temps en cette période de commémoration du début de la Première Guerre Mondiale.
En effet, Les Gardiennes, ce sont ces femmes qui, après le départ de leurs maris, de leurs fils, de leurs frères vers les tranchées se retrouvent à la tête de leurs fermes (on ne disait pas encore « exploitation agricole ») et ont dû faire face, prendre directement des décisions qu’elles ne faisaient (au mieux) que souffler à leurs maris, et veiller sur le bien familial. Certaines ont baissé les bras et n’ont pas renouvelé leur bail, certaines se sont tuées à la tâche, beaucoup ont fait face avec l’énergie et les ressources dont elles disposaient.
Ce sont ces femmes qu’Ernest Pérochon nous décrit, leurs difficultés, leurs forces et leurs moments de faiblesse. La grande Hortense est la figure même de ces gardiennes, qui, bien qu’ayant passé la main à ses gendres et fils il y a plusieurs années, se remet à l’ouvrage pour conserver ce patrimoine agricole si durement acquis et mis en valeur.
Alors certes, il y a une amourette pour faire pleurer dans les chaumières, mais Pérochon ne se sent pas obligé ni de nous gratifier de scènes érotiques ridicules ni de nous donner une fin à l’écœurante saveur de guimauve, comme une certaine littérature régionaliste trop facile se sent obligée de le faire. L’amourette est donc là, entre un soldat en permission et Francine, jeune fille de l’assistance publique (un thème qui semble récurrent chez Pérochon, car il semble être abordé dans Nêne aussi). Mais, même si cette histoire prend de l’importance dans la seconde partie du livre, le propos et l’intérêt que j’y ai trouvé n’est pas là.
Ce que j’ai surtout apprécié, c’est la description de ce pays de bocages et de marais dont Pérochon, originaire de Courlay dans les Deux-Sèvres, s’est fait le chantre (mais on pourrait être n’importe où en France un peu loin du front), de la mutation que le système agraire subit du fait du départ des hommes. Comment les femmes prennent des responsabilités (mais l’impact de la Première Guerre Mondiale dans la redéfinition des rôles masculins et féminins m’était déjà connu, plutôt dans l’industrie peut-être), et comment les méthodes de travail elles-mêmes se modifient, avec notamment la mécanisation de tout un tas de gestes techniques, l’apparition des moissonneuses, le début de la fin de la traction attelée.
Sans jamais tomber dans la démonstration, Pérochon évoque ces changements simplement, met à jour sans paraître y toucher les enchaînements et les conditions qui les rendent nécessaires. Une page de notre histoire agricole racontée avec simplicité, sans termes techniques mais avec une grande précision. En définitive, un livre très intéressant sur ces bouleversements qui annoncent la révolution agraire de la moitié du XXème siècle, et les bouleversements sociétaux dont elle est concomitante.

21raton-liseur
Bearbeitet: Dez. 5, 2014, 1:24 pm

21. Un Long Dimanche de fiançailles (adaptation) - Sébastien Japrisot ; adaptation de Katell Guillou, lecture de Rebecca Stella
Pour moi, Japrisot, ce sont des livres sanglants, noirs ou les deux à la fois. Je trouvais bizarre qu’il soit aussi l’auteur de ce livre au titre si doux. Maintenant je comprends. La construction de ce livre comme un enquête m’a parue un peu artificielle, j’ai trouvé qu’il en rajoutait un peu dans le larmoyant, avec la fille paralysée mais tellement volontaire, avec cette fin vraiment improbable mais tellement émouvante.
C’est assez intéressant de voir comment les ficelles d’un genre, ici le polar, sont utilisées pour un propos tout autre, celui du roman historique ou de l’amourette, je ne sais toujours pas dans quelle catégorie pourrait se classer ce roman. Cependant, il faut bien avouer que les ficelles sont ici du fil blanc et que l’histoire est relativement prévisible.
Je me disais que ce roman avait le mérite d’aborder un aspect de la première guerre mondiale qui a longtemps été passé sous silence et que cela pouvait contrebalancer les faiblesses de l’intrigue et du style, mais je viens de m’apercevoir que ce livre date de 1991, bien plus tard que ce que je pensais, et il n’a donc pas l’excuse d’être si novateur.
C’est donc une déception que cette lecture, pour ce livre qui a pourtant souvent été porté au pinacle, et qui finalement n’est pas plus qu’un gentil roman sans grande surprise, et qui aborde avec un peu trop de guimauve le difficile thème du refus d’obéissance. Je préfère les Sentiers de la Gloire, m’en voudrez-vous ?

22raton-liseur
Dez. 5, 2014, 1:32 pm

22. La Maladie de Sachs (adaptation) - Martin Winckler ; adaptation de Pauline Thimonnier, lecture de Vincent Schmitt
C’est une adaptation que j’ai écoutée, et ce après avoir lu le livre il y a de cela plusieurs années. Un livre qui m’a beaucoup plu, un héros du quotidien, Bruno Sachs, auquel je m’étais attachée et une lecture dont je me souviens encore aujourd´hui.
Dans cette adaptation qui dure pourtant bien six ou sept heures pour un livre qui compte plus de 600 pages en format de poche, le parti pris a été de se concentrer presqu’uniquement sur la pratique du médecin de campagne, entre cabinet et visites à domicile. C’est certes une grande partie du livre, mais cela donne l’image d’un personnage irritant dans sa perfection, qui a tout compris à la médecine et à la psychologie de ses patients, qui sait toujours poser le geste adéquat, trouver la parole juste, faire la part entre la maladie avérée et le psychosomatique. Un saint des temps modernes en un mot.
Ce n’est pourtant pas le souvenir que j’ai du docteur Sachs, beaucoup plus humain dans la lecture que j’en ai faite il y a longtemps. Un homme qui, malgré ses efforts sait les limites de ce qu’il fait, un homme qui se laisse happer par son métier au point de s’oublier lui-même, qui donne tout là où d’autres ne veulent pas (soigner ceux qui paient mal, pratiquer des avortements parce qu’on manque de médecins pour cela) et qui se perd lui-même, qui n’existe plus. Telle est la Maladie de Sachs, Et ce désespoir qui vient de cette dissolution de soi dans la douleur de l’autre ira loin pour Sachs, jusqu’à ce qu’une petite lueur émerge et que peut-être ce docteur devienne un homme, qu’il ne se définisse plus par sa profession mais par ce qu’il est.
Cette lecture audio évite tout cela, et en perdant cela, elle rend le livre sec et sans intérêt, on ne comprend même plus le titre, et l’on croit que Monsieur Winckler se met au-dessus du lot, pédant dans son écriture pour montrer la seule voie possible à ses confrères. C’est la première fois que je vois une adaptation aussi partielle et qui fasse aussi peu justice à l’œuvre dont elle s’inspire. Je suis déçue par cette adaptation, mais reste convaincue qu’il s’agit d’un très bon livre.

23raton-liseur
Feb. 18, 2015, 10:17 pm

23. Lettres du Japon (extraits) - Rudyard Kipling ; traduction de Louis Fabulet et Arthur Austin-Jackson, lecture de Laurent Stocker et Christian Gonon
Livre lu en marge du défi de lecture « Récits de voyages ». Voir note de lecture ici.

24raton-liseur
Bearbeitet: Feb. 18, 2015, 10:23 pm

24. Regards croisés sur la guerre, extraits de Ceux de 14 de Maurice Genevoix et de Les Carnets de guerre de Ernst Jünger - traduction de Julien Hervier, lecture d’inconnu
Avec le mois d’août commencent les cérémonies de commémoration de la première guerre mondiale, celle dont on dit que les soldats sont partis la fleur au fusil, celle qui devait être la der des ders, celle qui a marqué le début de la guerre moderne, les tranchées, les gaz… France Culture a eu la bonne idée, pour cette commémoration de proposer une mise en parallèle de deux témoignages. L’un d’un futur pacifiste, l’autre d’un va-t-en-guerre ; l’un d’un Français, l’autre d’un Allemand. Qu’importe lequel a écrit quoi, ce parallèle décrit la guerre dans son horreur et dans sa vacuité, un témoignage cru mais utile pour se souvenir à partir de témoignages directs de ce que Prévert disait plus mignonnement, « quelle connerie, la guerre ». Oui, décidément, une bonne façon de rentrer dans cette période de commémoration sans minimiser le courage de ces hommes mais sans non plus oublier qu’il aurait vraiment fallu que ce soit la der des ders.

25raton-liseur
Feb. 18, 2015, 10:22 pm

25. La Gloire - Anton Tchekhov ; traduction anonyme, lecture de René Depasse
Tchekhov dans sa veine mondaine et sarcastique. Voici une nouvelle écrite à la fin du XIXème siècle, et qui nous permet de ne pas désespérer de notre époque : la médiocrité des gloires factices n’est pas le fait de notre temps, c’était déjà le cas pour les beautés passagères de l’époque de Tchekhov, bien plus célèbres que les constructeurs de pont. Ce n’est donc pas sur notre époque qu’il faut désespérer, c’est sur le genre humain en entier. Finalement je ne sais pas si je suis si rassurée que cela ! Heureusement que la plume de Tchekhov est là pour mettre un peu de baume au cœur de la lectrice que je suis.

26raton-liseur
Feb. 18, 2015, 10:23 pm

26. La Folie de John Harned - Jack London ; traduction de Louis Postif, lecture de Alain Degandt
Choc des cultures, un Américain est invité par une noble famille de Quito à assister à un combat de tauromachie. Dans la plus pure tradition espagnole, tous les membres de cette famille traditionnelle apprécient le spectacle et acclament la bravoure du toréador. L’Américain, John Harned, ne voit dans ce spectacle que le combat inégal d’un taureau affaibli et ignorant contre cinq hommes qui seuls connaissent la finalité du combat. Raconté par un membre de la bonne société équatorienne, le point de vue sur ce regrettable incident est bien sûr partial, mais il me paraît plus plausible de voir dans les idées exprimées par John Harned les pensées que Jack London pouvait nourrir pour la tauromachie, les deux américains partageant le même mélange de fascination et de répulsion pour la boxe. Une nouvelle assez anecdotique de Jack London, à mon avis, mais qui se laisse lire sans déplaisir.

27raton-liseur
Feb. 18, 2015, 10:26 pm

27. Voiles de mort - Didier Daeninckx ; adaptation de François Angelier, lecture de Loïc Corbery
Un petit polar du Monde, publié par le journal pendant l’été 2013 et adapté par France Culture dans son émission « Drôles de drames » du samedi soir. Ma première rencontre avec cet auteur et avec cette émission et, mieux vaut le préciser, je n’ai guère d’affinité avec le genre du polar, mais reste ouverte à de nouvelles expériences…
J’étais donc curieuse de lire pour la première fois ce grand nom du roman noir français, et j’ai effectivement pris un certain plaisir à lire cette nouvelle. En effet, elle mêle d’une habile façon les poussifs du genre qui m’en tiennent souvent éloignée (le héros un peu raté qui a fui des débiteurs entreprenants, l’alcool, la fille belle et sexuelle mais manipulatrice…) et quelques petites nouveautés, comme le cadre d’une île qui paradisiaque, et bien sûr l’argument écolo.
Alors certes, la nouvelle m’a semblé facile, prévisible, et puis assez fausse scientifiquement il me semble (de mémoire, le fameux 7ème continent, ce vortex d’ordures au milieu de l’Océan Pacifique n’est pas si solide que l’on peut partir en randonnée dessus ou y trouver des épaves de bateaux encore entières). Mais comme je n’en attendais pas forcément grand-chose sinon une petite heure de détente sans prise de tête, je n’ai pas boudé mon plaisir, même si elle ne m’a pas spécialement donné envie de continuer ma découverte de cet auteur.

28raton-liseur
Feb. 18, 2015, 10:27 pm

28. Monsieur Meurtre - Jean Vautrin ; adaptation de François Angelier, lecture de Hervé Furic
Décidément, ces petits polars du Monde mis en onde par France culture me permettent de découvrir des grands noms du polar, ce que je n’aurais jamais fait s’il s’était agi de lire un de leurs livres.
Le nom de Jean Vautrin ne m’est pas inconnu, mais je ne l’associais pas au polar. Pourtant c’est une nouvelle des plus classiques qu’il a écrite ici, avec beaucoup des poncifs qui me font d’habitude fuir ce genre littéraire. Il y a de la violence, de la prostitution, des relations familiales plus que compliquées, des maladies mentales…
Avec cette histoire d’un homme qui sort de prison après avoir purgé sa peine pour le meurtre de sa mère et qui revient dans sa maison d’enfance, lieu du drame, réceptacle de mauvais souvenirs, et où vit une sœur qui n’a su non plus panser les plaies de son passé, on a tous les ingrédients pour un drame bien glauque et bien trash. Et c’est effectivement ce qui nous est servi, jusqu’à l’indigestion.
C’est court, mais très désagréable, (pas dérangeant cela pourrait être une qualité, juste désagréable), cela pèse sur l’estomac. Juste ne histoire sordide et gratuite, rien à en garder.

29raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 4, 2015, 9:40 pm

29. Double assassinat dans la rue Morgue (adaptation) - Edgar Allan Poe ; adaptation de Pierre Senges, lecture de Laurent Zimmermann
Une petite relecture sympathique, d’un Edgar Poe qui s’essaie à la déduction et crée, mine de rien, le genre du roman policier, qui fera de nombreuses émules par la suite. Avant Poirot , Holmes et les autres, Auguste Dupin, un français bien de chez nous, résout un crime sordide qui met en émoi le petit peuple de Paris et en échec ses Condés. Et pour ne rien gâcher, Edgar Poe nous donne une solution aussi tordue et inattendue que logique, de quoi accrocher le lecteur donc !
Connaissant le fin mot de l’histoire, j’ai pu plus me concentrer sur l’atmosphère de cette nouvelle, et notamment sur la personnalité de Dupin, des éléments que je n’avais pas du tout retenu de ma première lecture. Et c’est amusée que j’ai été de retrouver des caractères que Conan Doyle n’hésitera pas à donner à son héros une quarantaine d’années plus tard. Cet homme qui ne vit que la nuit, qui est imbattable aux échecs, quelle filiation nette !
Un bon document littéraire donc pour les adeptes du genre, une remontée aux sources qui montre que dès le début la barre est placée bien haut !

30raton-liseur
Bearbeitet: Feb. 22, 2015, 10:06 pm

30. Richard III - William Shakespeare ; traduction de Jean-Michel Déprats, lecture de la troupe de la Comédie Française
Ma conscience a mille langues, et chaque langue raconte une histoire, et chaque histoire me condamne comme scélérat. Le parjure, le parjure, au plus haut degré, le meurtre, le meurtre cruel, au plus atroce degré, tous les crimes, poussés au suprême degré, se pressent à la barre criant tous : Coupable ! coupable !
(Acte V, Scène 3).
J’aborde avec cette pièce les tragédies historiques de Shakespeare. On est loin des trois unités de lieu, de temps et d’action prônées par le théâtre classique puisque la pièce balaie les trois courtes années du règne de ce roi, qui sera le dernier perdant de la guerre des Deux Roses et le dernier représentant de la dynastie des Plantagenêts à régner sur l’Angleterre entre 1483 et 1485. Shakespeare écrit donc cette pièce à peu près un siècle après les évènements, alors qu’est sur le trône la dernière représentante de la dynastie des Tudors, qui avait mis fin au règne de Richard III. Il n’est donc pas exclu que Shakespeare soit influencé par l’historiographie de son temps, qui aime à faire de ce roi un personnage noir (à juste titre si l’on prend pour argent comptant tous les crimes dont il est accusé), mais l’important n’est pas dans la vérité historique de cette pièce.
C’est une pièce qui surtout montre l’archétype du mal, ou de la soif de pouvoir, ou des deux, l’un allant rarement sans l’autre. Richard III ne recule devant rien pour atteindre la couronne. Ni les meurtres de ceux qui sont avant lui dans l’ordre de succession au trône, ni la trahison ou le parjure. Qu’importe les moyens, tout justifie la fin. Mais si je parle d’archétype du mal, c’est parce que le plus marquant dans le personnage de Richard III est probablement le fait qu’il assume sa soif de pouvoir et la noirceur tant de ses actes que de lui-même. Il se sait mauvais, ne se le cache pas et vit en conséquence. Personnage fascinant sur lequel aucune morale ne peut avoir prise. Et si l’histoire ne semble au spectateur qu’un éternel recommencement, Richard III chutant de la même façon qu’il a fait chuter son prédécesseur, cela ne rend le propos de Shakespeare que plus sombre, excluant les petits que nous sommes de ces sphères bien trop entières pour que les caractères mitigés que nous sommes puissent y avoir leur place et, surtout, montrant que Richard III n’est finalement pas le seul à être aussi noir. Il a les honneurs de cette pièce et passera donc à la postérité comme l’image même du tyran, mais celui qui était avant et celui qui vint après lui ne furent pas mieux. Comprenne qui voudra.

31raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 4, 2015, 9:42 pm

31. Roméo et Juliette - Luigi Da Porto ; traduction de Jacques Soldanelle, lecture de Déborah Marique et Slimane Yefsah
Sous ce titre connu se cache un des ancêtres de la pièce de Shakespeare. Car Roméo et Juliette n’est pas une création, ce n’est qu’une transposition au théâtre d’une intrigue qui a déjà connu plusieurs avatars avant que Shakespeare s’en empare.
Cette version, qui ne semble pas être la première, date des environs de 1530 et sa lecture est intéressante dans ce qu’elle met en relief les libertés que Shakespeare, quelques soixante ans plus tard, prendra avec l’original (ou l’un des originaux). La nouvelle de Da Porta a la même trame, les mêmes subterfuges sont utilisés pour tenter de faire triompher l’amour des deux ennemis, et Da Porta se concentre d’ailleurs à peu près uniquement sur cet aspect, les personnages qui ne sont pas Roméo ou Juliette étant à peine évoqués. J’ai trouvé le quiproquo fatal et final plus émouvant, les personnages moins grandiloquents mais plus vrais, un traitement de cette histoire d’amour, qui peut vite paraître mièvre, plus sobre et donc plus adapté à la lecture (le lyrisme de la pièce de théâtre ne passant bien, me semble-t-il, que sur les planches. A la lecture il est indigeste).
Une lecture intéressante, donc, qui dépouille le drame pour le rendre encore plus tragique, et qui permet de s’approcher des sources de cette tradition littéraire. Un complément intéressant à la pièce de Shakespeare.

32raton-liseur
Mrz. 10, 2015, 11:43 pm

32. Fin de partie - Samuel Beckett ; lecture de inconnu
Livre lu dans le cadre du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

33raton-liseur
Mrz. 10, 2015, 11:44 pm

33. Résistance de la réalité : Voyage vers le passé - Stefan Zweig ; traduction de Baptiste Touverey, lecture de inconnu
Une œuvre de Stefan Zweig publiée dans sa version complète bien après la mort de l’auteur. Les premières ébauches ne font pas partie des écrits tardifs de Zweig, pourtant ce court roman a tout d’un testament littéraire.
Les interrogations de Zweig sur l’impossibilité de réconcilier l’amour idéalisé et le prosaïque amour temporel, la corruption du temps qui passe sur toutes les choses et tous les êtres, même les sentiments les plus hauts, les plus purs et les plus nobles. Et bien sûr, la vision d’une Europe qui s’enfonce dans l’obscurantisme. Le dandy de Vienne, l’intellectuel cosmopolite de la Mitteleuropa est à chaque instant dans les pas de ce personnage qui s’exile en espérant mieux revenir et qui comprend que le retour n’est pas possible. C’est la résignation qui a le dernier mot dans cette histoire, Zweig lui préfèrera le suicide, sachant peut-être qu’il n’était pas de taille à lutter contre la fin d’un monde ni de taille à accepter celui qui se profilait.
Un livre intéressant, que, encore une fois, j’ai lu comme un testament littéraire, qui m’a fait sentir toute la désespérance que Zweig a dû éprouver à la fin de sa vie (quitte à ce que ma lecture soit un anachronisme que les puristes pourront corriger). Une histoire trop classique, tant dans le style que dans la trame, si elle est lue pour elle-même (du moins à l’aune de mes goûts de lecture usuels), mais intéressante lorsqu’elle entre en résonnance avec l’époque qu’elle représente.

34raton-liseur
Mrz. 10, 2015, 11:45 pm

34. La femme et le paysage - Stefan Zweig ; traduction de inconnu, lecture de inconnu
Zweig qui s’essaie à du roman gothique, c’est un peu surprenant, pour moi qui ne le connaît que par ses œuvres les plus célèbres. Et je dois avouer que le classicisme de la plume de Zweig ne m’a pas convaincue dans cet exercice. Un temps de canicule, un orage, une femme mystérieuse et une rencontre nocturne. On pourrait se croire dans le Dracula de Francis Ford Coppola pour le mélange d’étrange et de sensualité, mais Zweig n’est pas cet auteur-là, et il reste trop timoré pour donner l’ampleur nécessaire à un tel sujet. Une nouvelle exotique donc, qui ne cadre pas avec l’image sage que je me fait de Zweig, mais une sortie des sentiers battus qui ne me semble pas très réussie, en tout cas un plaisir de lecture pour le moins mitigé.

35raton-liseur
Mrz. 11, 2015, 8:37 pm

35. Une vieille dette - Stefan Zweig ; traduction de inconnu, lecture de inconnu
Une histoire sur le temps qui passe et les désillusions qu’il amène avec lui. Le style classique invite à en faire une parabole universelle de la triste réalité d’un monde qui disparaît, mais je crois que j’aurais préféré un peu d’émotion dans cette nouvelle au final trop froide pour qu’elle soit plus qu’un intermède entre deux lectures plus conséquentes.

36raton-liseur
Mrz. 13, 2015, 11:20 pm

36. Spectres, mes compagnons - Charlotte Delbo ; lecture de Emmanuelle Riva
Spectres mes compagnons est une longue lettre qui ne fut jamais envoyée. Lettre destinée à Louis Jouvet, mais restée inachevée parce que celui-ci mourut avant de pouvoir la recevoir. Lettre écrite par Charlotte Delbo, qui fut son assistante pendant cinq ans environ, avant qu’elle ne le quitte pour rentrer en France et rentrer dans la résistance en 1941. Elle sera arrêtée en même temps que son mari. Lui sera fusillé et elle déportée, le 24 janvier 1943, dans le seul convoi de déportées politiques françaises à Auschwitz. Elle fera partie des 49 survivantes de ce convoi.
Dans cette lettre, écrite avant la mort de Louis Jouvet en 1951, elle revient sur un thème qu’ils avaient déjà abordé mille fois. Qu’est-ce qui l’avait fait tenir ? Comment a-t-elle survécu à cet épisode traumatisant ? Et elle dit à Louis Jouvet ce qu’elle lui doit. Leurs conversations qu’elle s’est repassée en boucle, l’amour et la compréhension du théâtre qu’il lui a transmise et comment l’Alceste de Molière et d’autres grandes figures du théâtre l’ont accompagnée. Comment elle les a mieux compris, mieux aimé.
C’est une lettre assez courte et, bien que je ne fréquente que très peu (pour ne pas dire pas du tout, hélas) les salles de théâtre, ce texte est très accessible et très touchant. Pas de sensiblerie, pas de plainte, une évocation très légère de l’horreur des camps, une incroyable dignité. J’ai découvert le personnage de Charlotte Delbo il y a peu, lors d’une émission de radio (une rediffusion de l’émission de du 25 janvier 2013, Nous autres, de Zoé Varier), la première émission de radio qui m’ait fait pleuré. La seule. Mais je m’en souviens et j’en garde précieusement l’enregistrement. Cette femme est magnifique. Son rire, sa philosophie de vie, juste merveilleuse. Juste de ces personnes dont on aimerait avoir pu être l’amie, que l’on pourrait prendre en exemple. Je lirai ses livres, dont le plus connu, Aucun de nous ne reviendra, le premier d’une trilogie consacrée à Auschwitz qu’elle s’était promis d’écrire alors qu’elle était internée, qu’elle a écrit dès son retour à Paris, mais qu’elle ne publiera qu’en 1965. Je la lirai, parce qu’elle est une force. Je l’écouterai encore parce qu’elle est poésie et rire. Cette lettre à Louis Jouvet montre son côté intellectuel et cérébral, mais je veux la connaître mieux et pouvoir me souvenir qu’elle a vécu. Que la poésie et le théâtre l’ont aidée à rester debout, mais qu’elle a aussi appris qu’un verre de champagne ou un rayon de soleil sont une joie à côté de laquelle on ne peut passer. Merveilleuse femme, merveilleuse plume qu’il faudrait connaître et faire connaître, telle un tout petit tout petit caillou qui dans l’eau fait des ondes de plus en plus larges, toujours aussi rondes et impossibles à arrêter. Merci Madame Delbo d’avoir été celle que vous avez été.

37raton-liseur
Mrz. 15, 2015, 11:45 pm

37. Le tour d’écrou (adaptation) - Henry James ; traduction et adaptation de Jean Pavans, lecture de Marina Moncade
« Veni, vidi, vici » comme dirait l’autre. J’ai vu, j’ai lu, je suis vaincue. Une longue nouvelle ou un court roman qui a fait date, ma première rencontre avec Henry James, dans un genre que certes je n’affectionne pas particulièrement. Je crois que je peux voir l’intérêt que cette œuvre peut représenter pour les chercheurs ou pour ceux qui s’intéressent aux grandes étapes de la littérature. En tant que simple lectrice, je n’ai rien vu d’extraordinaire à cette nouvelle, certes bien ficelée et qui, si l’action pourrait sembler prévisible, laisse place à une grande liberté d’interprétation (c’est, si je comprends bien, cette liberté même qui fait le succès de la nouvelle auprès des critiques et des historiens de la littérature).
Si c’est donc probablement une nouvelle de qualité dans le style du roman gothique et de fantôme, si elle illustre parfaitement la recherche d’Henry James pour « the strange and sinister embroidered on the very type of the normal and easy », mon impression de lectrice novice est que cette nouvelle est à réserver aux amateurs du genre, elle ne dépasse pas les frontières de la littérature de l’étrange et du sinistre. C’est ce côté trop typé qui m’a déçue, j’espérais plus de cet écrivain si célèbre, et c’est ce côté trop typé qui me fait penser que, si c’est peut-être un bon livre pour les amateurs, ce n’est pas un chef-d’œuvre à recommander universellement.

38raton-liseur
Bearbeitet: Mrz. 16, 2015, 12:38 am

38. Une journée de travail - Truman Capote ; traduction de inconnu, lecture de Jean-Pierre Cassel
Une drôle de nouvelle d’un journaliste qui suit une femme de ménage dans sa journée de travail, comme le titre l’indique. Une femme de ménage qui a une vie privée mouvementée et qui prend son métier avec philosophie, n’hésitant pas à se fumer un petit joint au passage pour rendre les choses plus légères. Et tout cela se finit à l’église. Une tranche de vie, une nouvelle-reportage. Rien de passionnant, une nouvelle qui ne me restera pas en mémoire, mais une plume efficace, cela on ne peut le nier.

39raton-liseur
Mrz. 16, 2015, 12:39 am

39. Bonjour l’inconnu - Truman Capote ; traduction de inconnu, lecture de Jean-Pierre Cassel
Etrange nouvelle d’une vie qui dérape. Un message dans une bouteille, une réponse un peu par hasard, et une histoire qui s’emballe. La société qui juge, la vie qui bascule. La nouvelle de ce qui pourrait être un fait divers difficilement crédible, et pourtant tout à fait réaliste. Une histoire qui fait frémir, en se disant qu’on espère ne jamais être ainsi au mauvais endroit au mauvais moment.

40raton-liseur
Mrz. 31, 2015, 10:41 pm

40. Un homme qu’on n’oublie pas - Stefan Zweig ; traduction de inconnu, lecture de inconnu
Une nouvelle assez représentative de ce qu’est le Zweig romanesque pour moi. Une vision décalée de la réalité, un peu d’utopie, et une écriture toujours très classique et polie.
C’est agréable à lire et l’on se prend à rêver de ce que pourrait être un système social basé sur une idée si naïve et si simple. Un militantisme politique à peine déguisé, qui pourrait plaire aux tenants actuels d’une autre économie.

41raton-liseur
Mrz. 31, 2015, 10:51 pm

41. Le redoublant - Stefan Zweig ; traduction de inconnu, lecture de inconnu
Le poids de la société, le besoin de la réussite et l’impossibilité de se réaliser hors des sentiers battus. Zweig aime regarder l’adolescence, un de ses romans les plus célèbres (et que je n’ai pas lu), La Confusion des sentiments, l’atteste.
Ici c’est la peur de ne pas pouvoir se conformer aux attentes de la société, c’est le sentiment que tout est joué avant que la partie ne commence vraiment qui hantent cet adolescent qui a dû redoubler son année de lycée. Un texte court et poignant, pas de démonstration ni de leçon, chacun pourra poursuivre sa réflexion selon ses désirs et selon qu’il s’identifie à l’élève, au professeur, ou au parent.

42raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 3, 2015, 8:06 pm

42. L’Homme qui voulut être Roi - Rudyard Kipling ; traduction de Louis Fabulet et Robert d’Humières, lecture de Saperlipopette
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

43raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 3, 2015, 7:58 pm

43. Markheim - Robert Louis Stevenson ; traduction de Théo Varlet, lecture de René Depasse
Me connaître ! Qui le peut ? Ma vie n’est qu’un travestissement et une dérision de moi-même. J’ai vécu pour mentir à ma nature. Tous les hommes en sont là ; tous les hommes sont meilleurs que ce déguisement qui les étouffe. Vous les voyez tous emportés par l’existence, comme celui que des bravi ont saisi et bâillonné dans un manteau. S’ils avaient leur direction propre, — si vous pouviez voir leurs visages, ils seraient complètement différents, ils s’auréoleraient en héros et en saints ! Je suis pire que beaucoup ; mon moi est plus caché ; ce qui m’excuse est connu de moi seul et de Dieu. Mais, si j’en avais l’occasion, je me dévoilerais.
J’avais entrevu le talent de Stevenson pour les nouvelles en lisant il y a quelques temps Will du moulin, et je m’étais promis d’explorer cette facette de cet auteur, qui me semblait moins connue mais peut-être plus intéressante. Avec Markheim, c’est encore une fois un très belle surprise, bien que dans un genre très différent.
Le héros éponyme de la nouvelle vient de tuer et compte bien profiter des bénéfices de son crime. C’est sans compter quelques complications et, surtout, l’apparition du Diable qui lui propose son marché habituel : pouvoir jouir de son butin dans cette vie, à condition de le rejoindre dans la prochaine. S’ensuit un débat philosophique du personnage avec lui-même, aidé souvent de la présence diabolique. Les actes et leurs ressorts, les causes et les apparences. Se pardonner à soi-même ou du moins excuser la pire des attitudes, voilà le premier réflexe de notre homme. Mais en une petite heure que dure cette nouvelle, les pensées évoluent et prennent un tour différent, et la fin restera incertaine jusqu’à la dernière phrase.
Une très belle étude de caractère pour celui qui écrira l’année suivante Dr Jekyll et Mr Hyde, qui m’a tenue en haleine pendant toute la lecture et qui me réconcilie définitivement avec Stevenson, dont je ne suis pas loin de commencer à penser que c’est un grand maître de la nouvelle.

44raton-liseur
Apr. 4, 2015, 9:25 pm

44. Le Roman d’une femme de pêcheur - Selma Lagerlöf ; traduction d’André Bellesort, lecture de René Depasse
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

45raton-liseur
Apr. 4, 2015, 9:27 pm

45. Sigrid la Superbe - Selma Lagerlöf ; traduction anonyme, lecture de Lamnot
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

46raton-liseur
Apr. 4, 2015, 9:28 pm

46. Une Légende de Jérusalem - Selma Lagerlof ; traduction de Fritiof Palmér, lecture de Lamnot
Livre lu en marge du défi de lecture « Nobel de littérature ». Voir note de lecture ici.

47raton-liseur
Apr. 4, 2015, 9:29 pm

47. Nostromo - Joseph Conrad ; traduction de Philippe Neel, lecture de André Rannou
Conrad est un bourlingueur, ses livres aussi. Son célébrissime Au cœur des ténèbres se passe sur les rives d’un fleuve africain, Typhon raconte un épisode marin sur les flots asiatiques, et Nostromo, bien que ce soit le nom d’un personnage italien, se passe au Costaguana, petite république emblématique des dictatures sud-américaines.
Ce long roman ne laisse rien de côté et dissèque les différents rouages de l’économie extractive sur laquelle se sont construit la plupart des pays d’Amérique du Sud. La mine d’argent comme point central de l’économie, les castes qui classent définitivement les individus, les coups d’Etat incessants, les libertés qui ne bénéficient qu’à une petite minorité éclairée… Tout y est, savamment imbriqué, décrit avec précision, une démonstration par l’exemple.
Dans ce roman, l’histoire de Nostromo, « notre homme », surnom un brin condescendant du capataz des cargadores, le contremaître des dockers du port de San Tomé. Homme de confiance, irréprochable car vaniteux, mais rattrapé par la soif de l’argent et par un amour impossible, n’est finalement qu’un prétexte. Prétexte pour décrire cette société si fataliste, prétexte pour mettre en scène des personnages dont pas un ne pourra être heureux ou du moins se réaliser.
Difficile de rentrer dans ce roman, dont l’écriture est touffue et dont l’intrigue non linéaire nécessite une grande attention. C’est en plus avec un livre audio que j’ai découvert cette œuvre, et je ne suis pas sûre que les romans fleuves de Conrad se prêtent bien à cet exercice. Ce n’est donc pas ma lecture préférée de Conrad, du moins sur le moment : je voulais un bon roman d’aventure et j’ai eu un traité d’économie politique, mais pris pour ce qu’il est, avec le recul, c’est une œuvre passionnante, qui décrit de façon vivante et très réaliste la complexité de toute un continent. Mieux qu’un cours de géographie, il décrit une réalité hélas toujours d’actualité aujourd’hui et le pessimisme qui accompagne le destin de tous les personnages sans exception ne donne pas de grands espoirs pour voir les choses bouger. Un livre qui est un témoignage accablant et passionnant si on regarde au-delà du premier plan et si l’on peut s’accoutumer au style un peu lourd de ce long texte.

48raton-liseur
Apr. 4, 2015, 9:31 pm

48. Lady Ludlow - Elizabeth Gaskell ; traduction de Henriette Loreau, lecture de Florent
J’ai entendu parler d’Elizabeth Gaskell en fréquentant trop assidument les avis de lecture sur ce site et sur d’autres, et je ne connais son œuvre que par des lectures audio. L’écriture d’Elizabeth Gaskell est agréable à entendre, et, ne pouvant m’empêcher de m’attendre à du Jane Austen, je suis toujours un peu surprise par les thèmes et la composition de ses livres.
Lady Ludlow, une longue nouvelle ou plutôt un court roman qui est souvent inclus dans un ouvrage plus conséquent appelé Autour du sofa, a cette construction classique pour l’époque (je me souviens du Coup de pistolet de Pouchkine ou du Maître de Ballantrae de Stevenson, deux livres lus dans les derniers mois) d’un personnage, ici Margaret Dawson, racontant une histoire dont il a été le témoin. Cette maintenant vieille femme a en effet été hébergée pendant quelques années de sa jeunesse chez la grande Lady Ludlow, d’un haut lignage anglais, fière de son rang et consciente des devoirs que cela implique. En cette période consécutive à la Révolution Française, Lady Ludlow est plus que jamais convaincue de l’importance de l’ordre social et s’oppose fermement (mais avec toutes les convenances d’usage) aux idées progressives du pasteur de son domaine qui voudrait apprendre à lire et à compter à ses jeunes ouailles, ce que la vieille dame voit comme une décadence impardonnable.
Le récit est assez décousu, suivant les réminiscences du personnage narrateur, avec un jeu d’histoires qui s’emboîtent un peu comme des poupées gigognes, et le récit s’interrompt avec le départ de la narratrice, sans que les intrigues soient tout à fait menées à leur terme. Cela n’empêche pas le récit d’être intéressant et d’amener le lecteur dans ces sphères et dans ce temps qui me sont bien étrangers.
Bien sûr, il est facile de sourire des positions de cette chère Lady engoncée dans sa supériorité de classe et ses préjugés de classe. Lire est un danger pour les gens du commun, qui n’ont pas la force morale et la dignité suffisante pour savoir faire bon usage de ce savoir et pouvoir éviter les tentations et les pièges auxquels une telle connaissance expose. Haha… Mais au fond, Elizabeth Gaskell, avec son style assez impersonnel, sa façon d’exposer les faits par la voix d’une narratrice nostalgique et attachée au personnage principal, nous rend sympathique cette femme un peu trop rigide, qui préfère attraper une angine plutôt que de déroger aux convenances en acceptant de partager son fauteuil dans sa calèche, cette femme qui se coupe des autres parce qu’elle croit fermement que sa position sociale l’exige. Et puis, aussi, Lady Ludlow finit bien par voir que le monde évolue, qu’elle le veuille ou non et, sur la fin de sa vie, alors que son nom pourrait bien s’éteindre, elle se doit de faire évoluer ses positions, et aussi peu cela soit-il, c’est un très grand courage de la part de cette femme qui ne vit et ne respire que par les conventions sociales que son éducation lui a inculquées.
Voilà donc en définitive un joli portrait, un peu agaçant mais surtout très émouvant, d’une aristocrate anglaise du début du XIXème siècle. Un portrait servi par une jolie plume, que je découvre seulement maintenant et dont je commence à apprécier la richesse de l’écriture et la profondeur de ses personnages.

49raton-liseur
Apr. 5, 2015, 10:55 pm

49. La Croix - Stefan Zweig ; traduction de inconnu, lecture de inconnu
Une guerre ancienne et oubliée, une guerre napoléonienne si je me souviens bien. Mais une guerre dans toute son horreur, comme les autres. L’assaut, la retraite, le courage, la peur et la mort.
C’est une histoire bien ironique, un courage bien mal récompensé que nous donne à lire Zweig. Cette nouvelle semble dater de 1906, bien avant les guerres que l’on dira mondiales et que Zweig ne pourra comprendre ou accepter, et pourtant, l’absurdité de la guerre semble déjà le miner. C’est une histoire qui par sa cruauté peut presque prêter à sourire, mais sous la plume de Zweig, c’est une charge violente (pour un auteur qui n’a jamais un mot plus haut que l’autre…) contre les bêtises sans causes de la guerre. Une lecture que j’ai faite avec intérêt.

50raton-liseur
Apr. 5, 2015, 10:57 pm

50. Cinq petits cochons (adaptation) - Agatha Christie
Voilà une lecture plaisante, une lecture détente. Lorsqu’on ouvre un Agatha Christie on sait à quoi s’attendre : un cadavre, un détective dont les traits de caractère sont connus et immuables, des passions violentes dans un univers bourgeois et feutré, et si l’on est dans le bon état d’esprit, cette prévisibilité est tout à fait reposante.
Cette histoire a tous les ingrédients du genre. Elle est bien sûr un peu exceptionnelle puisqu’on demande à Hercule Poirot d’entrer en scène seize ans après les faits, et alors que le coupable a déjà été condamné par la justice et est mort en prison. Mais il n’est jamais trop tard pour connaître la vérité vraie et, comme toujours, Hercule Poirot fera la démonstration de son esprit de déduction, sans se départir de ses manières toutes belges.
Un bon opus, pour une petite soirée de lecture détente.

51raton-liseur
Apr. 5, 2015, 10:59 pm

51. La Dame au petit chien - Anton Tchekhov ; traduction de inconnu, lecture de Geneviève Casile
La Dame au petit chien est très certainement la nouvelle la plus célèbre de Tchekhov. Très triviale par son titre, un peu énigmatique aussi. Et ces deux adjectifs s’appliquent bien à cette nouvelle. Une histoire banale d’un homme volage et revenu de tout qui s’éprend d’une femme mariée alors qu’ils sont tout deux en séjour dans la station balnéaire de Yalta.
Je comprends l’intérêt de cette nouvelle pour les chercheurs en littérature ou pour les écrivains en herbe, car elle montre toute la maîtrise de Tchekhov et, avec une histoire aux péripéties vues et revues, il est capable de faire une nouvelle qui surprend, en particulier grâce à son cadrage très personnel. C’est donc une lecture intéressante, amusante, mais cette nouvelle n’est sans doute pas ma préférée. La plume de Tchekhov ne me plaît jamais plus que quand il décrit les difficiles conditions sociales des campagnes russes.

52raton-liseur
Apr. 6, 2015, 10:50 pm

52. La Longue fuite - Francis Scott Fitzgerald ; traduction de inconnu, lecture de Jean Martin
Une nouvelle sombre de Francis Scott Fitzgerald, dans laquelle une femme temporairement internée dans un asile y attendra pour toujours son mari en route pour venir la chercher. Rien du clinquant des années folles ici, rien de la vie facile, seulement une grande souffrance cachée derrière des mots simples et une histoire certes peu crédible mais d’une immense tristesse.
L’auteur a fréquenté ce genre d’établissement, j’imagine qu’il a dû lui-même venir y chercher sa femme à quelques reprises. Cette nouvelle est-elle le reflet de ses angoisses ? Je ne saurais le dire, mais j’ai découvert avec cette nouvelle un Francis Scott Fitzgerald écorché par la vie, une facette de cet auteur que je ne soupçonnais pas et qui, même si elle n’est pas gaie, me paraît intéressante à creuser.

53raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 6, 2015, 11:01 pm

53. Le Miroir se brisa (adaptation) - Agatha Christie ; traduction de Michel Averlant, adaptation de Xavier Mauméjan, lecture de Nathalie Kanoui
Je suis fière d’annoncer que pour la première fois dans ma vie, j’ai résolu une énigme d’Agatha Christie avec qu’elle ne nous dévoile le dessous des cartes ! Je suis toute fière de moi (même si je n’ai résolu qu’un meurtre sur les trois mais c’est déjà pas mal).
Ce livre est aussi ma première rencontre avec Miss Marple, et son investigation plus psychologique que déductive rend peut-être la résolution plus facile, puisque ce qui m’a mis la puce à l’oreille, ce n’est pas vraiment un fait anodin qui révèle toute l’énigme comme avec Hercule Poirot (ce qui est toujours très frustrant mais aussi très habile) mais une écoute attentive de la description des personnages et les éléments sur lesquels cette description s’appuyait longuement, trop pour que ce ne soit pas suspect. Il faudra donc que je retente un Miss Marple, mais j’ai trouvé la partie résolution de l’énigme moins satisfaisante qu’avec Hercule Poirot.
Par contre la façon dont le décor est planté est un petit régal de causticité. On est loin des intérieurs bourgeois feutrés dans lesquels évolue Poirot, ici c’est le milieu du cinéma américain qui débarque dans la campagne anglaise, avec tous les clichés d’une part (divorces à répétition, presse à scandale, tiens les choses n’ont pas beaucoup évolué on dirait…) comme de l’autre (le thé de quatre heures, et j’en passe). Très amusant, et c’est cet aspect du livre qui a rendu ma lecture divertissante d’un bout à l’autre, et ce malgré les meurtres finaux un peu sortis du chapeau.
Je suis consciente que ma note de lecture est surtout une comparaison entre Miss Marple que je découvre, donc ma première impression n’est peut-être pas la bonne, et Hercule Poirot. J’imagine que l’on pourrait écrire des thèses sur la comparaison entre les différents personnages récurrents d’Agatha Christie, mais je me garderais bien de le faire, n’ayant qu’une connaissance limitée de son œuvre. Toutefois, à l’issue de ce roman, je comprends pourquoi elle a créé des personnages différents. C’est en effet une plume différente, un contexte différent, et aussi des ressorts différents pour la résolution des énigmes. Cela rend les choses peut-être un peu prévisibles, mais au moins, on sait à quoi s’attendre lorsque l’on lit du Agatha Christie !

54raton-liseur
Apr. 6, 2015, 11:04 pm

54. Les Deux Frères, extrait de Autour du sofa - Elizabeth Gaskell ; traduction de Henriette Loreau, lecture de Florent
Deux frères, de deux lits différents. Pas le même droit à l’amour, pas le même destin. Cette nouvelle est prévisible, mais elle n’en demeure pas moins agréable à lire. Le procédé littéraire d’Elizabeth Gaskell est le même que dans les autres œuvres (toutes mineures) que j’ai lues d’elle, à savoir qu’elle s’appuie sur une personne racontant ses souvenirs, ici un des deux frères qui a été un acteur direct de cette histoire. Le très beau style, tout à la fois d’une grande simplicité et très fluide, est un plaisir à écouter et l’on se laisse emporter, bercer par cette histoire champêtre qui n’oublie pas que la nature n’est pas toujours aussi clémente qu’elle semble, et que le courage peut prendre bien des formes mais n’est jamais récompensé à sa juste valeur. Belle nouvelle pour aborder en douceur l’œuvre classique d’Elizabeth Gaskell.

55raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 6, 2015, 11:09 pm

55. Les sacrifiées - Laurent Gaudé ; lecture collective
Une claque ! Je sais que ce n’est pas un français très châtié, mais c’est exactement ce que j’ai ressenti à l’écoute de cette pièce de théâtre superbement « mise en scène » récemment sur les ondes de France Culture qui consacre un cycle de quatre émissions théâtrales à Laurent Gaudé*.
Pour moi, le théâtre moderne s’arrêtait à Beckett (pour ce qui me plaît) et à Ionesco (pour ce qui me passe au-dessus de la tête). Je viens de découvrir avec cette pièce un théâtre contemporain fort et passionnant. J’ai véritablement été happée par cette pièce, dont j’ai écouté une grande partie les yeux fermés, concentrée uniquement sur les mots et les images qu’ils faisaient naître.
Les sacrifiées, en trois actes, conte l’histoire de l’Algérie au travers de trois femmes, la mère pendant les « évènements d’Algérie », la fille au beau temps de l’immigration économique vers la France dans les années 70 et enfin la petite-.fille pendant les sombres années de la montée du fanatisme et de la peur dans les années 90. Raïssa, Leïla et Saïda, la folle, la pute et l’indécente.
Trois femmes qui s’élèvent contre le destin que l’on veut leur imposer et qui, chacune à leur manière devra affirmer ses choix. Mais nous sommes ici dans une tragédie grecque et la prophétie doit s’accomplir. Elle s’accomplira mais il fera de ces femmes des êtres forts qui ne renieront pas ce qu’elles sont, qui ne se laisseront pas broyer malgré la pesanteur du destin qui leur est échu, quelque soit le prix qu’il leur faudra payer, et il sera élevé, c’est la seule certitude. Nouvelles Antigone qui choisissent leur morale plutôt que de se plier à des diktats qui leur sont extérieures, ces femmes sont dérangeantes tant leur soif de vivre est grande, tant elles assument pleinement et ouvertement la radicalité de leurs choix.
Je parle de tragédie grecque, et je ne me souviens plus où j’ai lu que Laurent Gaudé aime utiliser cette construction pour ses pièces. Je ne sais si c’est toujours le cas, mais ici, le parallèle est évident, tant dans la trame de l’histoire basée sur une prophétie qui se réalise coûte que coûte que dans la mise en scène, où des chœurs donnent le contexte de l’histoire, l’Histoire avec un grand « H » dans laquelle s’inscrit cette histoire avec un petit « h », et résument ce qui se passe entre les différentes scènes qui s’étalent sur plusieurs décennies. Cette construction donne une force intense, à la limite du soutenable, à ce texte, et participe beaucoup, il me semble, à l’impact que peut avoir cette pièce sur le spectateur.
Enfin, pour en revenir au sujet, il est certes question de la guerre d’Algérie et des décennies qui ont suivi, mais ce n’est peut-être qu’un décor. Lourd, certes, mais un décor. L’histoire aurait pu se passer dans bien d’autres contextes, et Laurent Gaudé ne cherche à aucun moment à expliquer l’histoire, à expliquer les victoires puis les échecs de cette jeune nation. Il plante le décor, c’est un constat, une toile de fond. Et ce qui compte ce sont ses personnages. Peu crédibles, mais ce sont des métaphores, des emblèmes des femmes (mais peut-être au-delà de tous les êtres) broyées par la culture, l’économie, la guerre. Les trois sacrifiées de cette pièce parlent pour toutes les sacrifiées, pour les sacrifiées qui n’acceptent pas leur destin tout tracé et qui, malgré les conséquences, se lèvent et restent debout. Une pièce magnifique, une claque et un réveil brutal mais prometteur.

* Je ne peux m’empêcher de donner le lien de cette émission si réussie (http://www.franceculture.fr/emission-fictions-theatre-et-cie-cycle-laurent-gaude-14-les-sacrifiees-2014-11-02) et aussi citer les voix, même si la liste en est longue, car je veux saluer leur superbe interprétation. Fouzia Lyamini et Rayhana interprètent Raïssa, Odja llorca est Leïla et Sonia Amori est la voix de Saïda.
Elles sont accompagnées de Robinson Stevenin (Charles), Mouss Zouheiry (l’aîné de la Djemaa), Antoine Berry-Roger (Langlois), Abel Aboualiten (Messaoud), Laurent Lederer (le lieutenant), Philippe Beautier (Brissac), Ivan Cori (Rafaelli), Souad Amidou (Meriem), Omar Salim (Selim), ainsi que Kader Kada, Omar Yami, Rabah Loucif, Ali Allalou, Florent Oullié, Romain Lemire, Xavier-Valéry Gauthier, François Briault, Franz Debrébant, Mahmoud Saïd, Malik Faraoun, Azzedine Bouayad, Farida Ouchani, Samia Allalou, Hind Iboukassene, Taïdir Ouazine, Linda Chaïb, Fatima Aibout, Amir El Kacem, Moustapha Abourachid, Slimane Yefsah, Pascal Loison et Farhat Kerkeny.

56raton-liseur
Bearbeitet: Apr. 6, 2015, 11:16 pm

56. La plume empoisonnée (adaptation) - Agatha Christie ; traduction de inconnu, adaptation de François Rivière, lecture de Christine Murillo
J’ai découvert Miss Marple la semaine dernière dans Le Miroir se brisa, qui est en fait sa dernière apparition sous la plume d’Agatha Christie, et je la découvre dans cette nouvelle adaptation de France Culture.
C’est peu dire que j’ai été déçue. La causticité que j’ai aimé la dernière fois est toujours là, avec encore une fois deux mondes qui s’entrechoquent, cette fois le Londres moderne et la vie de campagne, mais l’attrait de la nouveauté n’était plus là pour me faire venir un sourire amusé. Et puis cette chère Miss Marple qui fait de la psychologie à la petite semaine et qui nous dévoile les motifs de l’assassin après que celui-ci ait été confondu, cela me paraît peu digne d’Agatha Christie… Non, décidemment, je repars déçue d’autant qu’il faut le dire, elle nous avait déjà fait le coup dans ABC contre Poirot, et en mieux en plus !

57raton-liseur
Apr. 6, 2015, 11:22 pm

57. Chérie Noire - Caryl Férey ; lecture de Elodie Huber
Oui, bon, la mise en abyme de l’écrivain de romans noirs narrateur d’un roman noir est amusante cinq minutes, la personnalité détestable de la narratrice est supportable le temps de cette nouvelle… Mais le problème est bien là, c’est amusant cinq minutes, au-delà je me suis lassée, même si le texte est très court, juste une nouvelle un peu longuette.
Et puis la violence gratuite des premières pages (le poncif des romans noirs), les clichés sur le monde de l’édition, et surtout l’histoire qui part en vrille et n’est plus du tout crédible. Un grand nom actuel du roman noir, mais j’aurais mieux fait de passer mon chemin.

58raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:10 pm

58. La Cavale de Lina - Marc Villard ; lecture de Hélène Lausseur
On a inventé le mot publireportage pour les publicités déguisées comme un reportage objectif sur un hôtel de luxe ou un produit beauté miracle. A-t-on créé un mot pour les polars qui vantent les charmes de nos régions françaises ?
Car c’est à peu près tout ce qui me reste après la lecture de cette nouvelle qui accumule tous les poncifs du genre : le journaleux intègre et veuf, la belle ingénue sauvagement assassinée, la pègre vraiment méchante, et j’en passe. Même la façon dont les personnages sont décrits, en donnant quelques traits de leur physique ou de leur histoire qui devrait les définir mais ne fait que les caricaturer me paraît un marronnier du polar.
Mais j’ai appris que la route entre Avignon et Arles est à trois voies et qu’il est donc difficile d’y réaliser des déplacements, et puis que la recette du rouget à la tapenade fait partie des mets appréciés par les autochtones.
Je ne crois pas que c’était voulu, mais en fait nous nous sommes bien amusé pendant cette lecture audio et si nous l’avons menée jusqu’au bout, c’est certainement pour savoir jusqu’où l’auteur serait capable d’aller pour vanter les charmes de sa région.
Une nouvelle qui mérite le label « produit en PACA », et j’espère que Monsieur Villard a touché une bonne commission de la part du bureau de communication de la région, car il s’est donné bien du mal pour trouver une intrigue qui nous permet de passer en revue en moins d’une heure bon nombre des attraits touristiques de la région, en commençant bien sûr par le festival d’Avignon pendant lequel a lieu notre meurtre-prétexte.
Un drôle d’objet littéraire donc, dont j’ai peu goûté l’aspect littéraire donc, mais qui m’a gentiment amusée, mais je ne suis pas certaine que c’était prévu ainsi !

59raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:11 pm

59. La Fêlure - Francis Scott Fitzgerald ; traduction de inconnu, lecture de Laurent Terzieff
La Fêlure, nouvelle ou plutôt cri du cœur, issue du recueil éponyme a vu le jour alors que Francis Scott Fitzgerald peinait à honorer un contrat avec un journal pour la publication de nouvelles. Malgré l’impossibilité d’écrire dans laquelle sombre Fitzgerald, son éditeur lui demande d’écrire, peu importe quoi, même « je ne peux pas écrire, je ne peux pas écrire, je ne peux pas écrire », qu’au moins il ait quelque chose à présenter au comité de rédaction.
Quand Francis Scott Fitzgerald écrit, « je ne peux pas écrire » devient La Fêlure, une confession déchirante sur l’impuissance de l’écrivain face à la page blanche, sur les désillusions qu’amène le temps qui passe, sur les mirages de l’alcool et de la jeunesse, sur les affres de la dépression.
Un texte riche, d’une grande culture, dont de nombreuses références m’ont hélas échappées, mais qui m’a beaucoup touchée. Je n’ai pas nécessairement beaucoup d’atomes crochus avec les personnages de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique ne m’éblouit pas plus qu’il ne m’émeut. L’exubérance des années folles est trop loin de mon univers de petite fille sage pour que j’y trouve un intérêt, mais ce livre qui dit la chute après avoir cru pouvoir réinventer le monde, qui dit la désillusion qu’est une vie que l’on voulait éclatante est une lecture sombre et poignante qui me donne envie de connaître le Francis Scott Fitzgerald des dernières années, celui de la désillusion, de la dépression, de la tristesse, mais jamais de l’amertume ou du regret.

60raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:13 pm

60. Bonjour tristesse - Françoise Sagan ; lecture de Clémence Poesy
Le roman d’une génération. C’est sûrement vrai. Je ne suis pas de cette génération, et j’ai la nette sensation d’être passée à côté de ce livre. L’éveil d’une jeune fille de bonne famille à la vie. L’amour, la sexualité, la jalousie, la vie facile… A aucun moment je n’ai ressenti d’intérêt pour les personnages, pour cette histoire pitoyablement banale de petite fille gâtée.
J’ai bien un peu le sentiment d’être injuste en faisant ce résumé qui ne parle pas de la chaleur, qui semble jouer le même rôle que dans L’Etranger de Camus, qui ne parle pas non plus des tiraillements d’une jeune fille prise entre l’envie de s’amuser et le confort d’une bonne conduite. Mais je crois que ce livre a fini par m’énerver. Une envie de plaquer deux bonnes claques sur les joues de Cécile, qu’elle arrête un peu de jouer à la pimbêche.
Peut-être n’aurais-je pas dû lire ce livre, Françoise Sagan ne m’a jamais beaucoup attirée, ni le personnage ni l’œuvre, mais je n’ai pu résister à la version audio gratuite qu’en a donné France Culture. J’ai été surprise d’apprécier le début de la lecture, ce sentiment de vertige que donne la vie et que l’on tente de masquer dans les tourbillons de la superficialité, le tiraillement entre une vie profonde mais exigeante et la facilité qui permet d’avancer sans se retourner. J’ai pensé à La Fêlure de Francis Scott Fitzgerald, texte lu tout juste quelques jours avant et qui m’avait donné le même sentiment de cette éternelle insatisfaction, quelques soient les choix que l’on fait entre ces deux exigences. Un vertige, un tiraillement sur lesquels il est difficile de mettre des mots mais qui habitent la jeune Cécile à l’heure des choix qui engageront sa vie. Mais très vite, le roman se transforme en un vaudeville noir, basé certes sur une compréhension des doutes qui habitent les personnages, mais dont je me suis très vite désintéressée, et qui m’a fait oublié ma bonne première impression.
Cette lecture confirme donc que Françoise Sagan n’est pas un auteur fait pour moi, probablement parce qu’elle est très datée et que je ne suis pas de cette génération.

61raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:15 pm

61. Le Noël d’Hercule Poirot - Agatha Christie ; traduction de Françoise Bouillot, lecture de Olivier Claverie
Un gentil Poirot, dont j’ai réussi à deviner la fin, comme cela m’est arrivé quelques fois ces derniers temps. Non que mes déductions soient plus infaillibles, mais je crois que je commence à percer le système d’Agatha Christie, du moins dans les romans où elle est peut-être moins inventive. Enfin, pour être honnête, j’ai trouvé le meurtrier, mais j’ai eu besoin des éclaircissements finaux d’Hercule Poirot pour tout comprendre de son modus operandi.
Cette énigme peut se lire toute l’année, car Noël n’y est qu’un faible prétexte pour une réunion de famille qui, on le sait tout de suite, ne pourra que mal tourner. Un roman qui plaira aux adeptes des meurtres en chambre close (j’ai appris il y a peu que c’était un genre à part entière dans les romans policiers !) et qui m’a rappelé, à cause de cette contrainte dans la construction de l’intrigue, Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux. Lecture détente qui fait marcher les méninges, pardon les petites cellules grises.

62raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:16 pm

62. Que ta volonté soit faite - Marin Ledun ; lecture de Laurent Lederer
Une nouvelle noire qui commence bien, de façon originale dans un internat catho ultra, et puis qui part en vrille et devient l’histoire banale d’une vie qui échappe à son propriétaire, de molles décisions et de petites lâchetés. Tout le monde n’en atterrit pas pour autant dans un roman noir, tout simplement parce qu’il n’y a pas là de quoi en faire un roman. En définitive, j’ai trouvé cette histoire plutôt creuse, un rien ennuyeuse et convenue.

63raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:22 pm

63. Ennemis - Anton Tchekhov ; traduction d’Ernest Jaubert, lecture de René Depasse
Une belle nouvelle de Tchekhov, où deux douleurs s’affrontent. Celle d’un médecin de campagne qui vient de perdre son fils mort d’une diphtérie et celle d’un petit notable dont la femme semble être vient de tomber subitement malade, mais cela se révèlera vite un subterfuge pour pouvoir s’enfuir avec son amant. Deux douleurs, deux façons de l’exprimer, deux murs qui ne peuvent communiquer. Pas de sentence, pas de morale dans cette nouvelle, un amer constat sur la solitude de la souffrance et de notre condition humaine. Du beau Tchekhov.

64raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:24 pm

64. Tombeau pour Palerme, extrait de Les Oliviers du Négus - Laurent Gaudé ; lecture d’ Hervé Pierre
Comment fait-il ? Une fois de plus, je suis restée clouée à ma chaise tout le temps de cette lecture. Impossible de m’en détacher, impossible à mon esprit de vagabonder. Comment fait-il pour pouvoir se mettre avec autant de vraisemblance dans la peau de ses personnages, des personnages qui sont loin d’être Monsieur ou Madame Tout le Monde. D’une guerre à l’autre, d’une détresse à l’autre, Laurent Gaudé écrit toujours avec la même justesse et la même force. Plus j’apprends à connaître son œuvre, plus je suis éblouie par la force de son écriture (et je ne suis pas une adepte des superlatifs, donc si je dis « éblouie », c’est d’un véritable sentiment d’admiration que je parle). Et ce quelque soit le médium qu’utilise Laurent Gaudé, qui semble aussi à l’aise dans la nouvelle que dans le théâtre.
Tombeau pour Palerme parle aussi de guerre, de destins broyés par la guerre. Mais ici, il s’agit de la guerre contre la mafia et du destin de résistants, les juges anti-mafia qui ont payé d’abord de leur liberté puis de leur vie leur combat. Cette nouvelle, dédiée « aux seuls véritables hommes et femmes d’honneur de Sicile » fait parler le juge Paolo Borsellino, qui sera assassiné le 19 juillet 1992, dans les mêmes conditions et seulement deux mois après l’assassinat du Juge Falcone. La nouvelle est un long monologue qui couvre ces deux mois, monologues au cours duquel Borsellino évoque le prix qu’il paye pour mener son combat, ses peurs face à la mort et surtout sa peur d’entraîner d’autres que lui dans cette mort qu’il sait inéluctable et qu’il apprend à accepter, son désir de liberté (marcher dans la rue sans escorte, manger dans un petit resto sans protocole). C’est un long monologue que Laurent Gaudé rend à la fois poignant et d’une immense dignité, magnifiant le courage ordinaire et l’homme debout, toujours.

Je ne sais quel lien Laurent Gaudé entretient avec l’Italie, où il situe plusieurs de ses œuvres, mais à chaque fois il m’emmène dans des endroits que je ne connais pas et auxquels je ne m’intéresse pas de manière naturelle, et à chaque fois je le suis (même si Le Soleil des Scorta n’est pas, au fond, l’œuvre que je préfère). Il me reste à découvrir les autres nouvelles du recueil dont est tiré le Tombeau pour Palerme, Les Oliviers du Négus, et surtout j’ai le bonheur de savoir qu’il me reste encore de nombreuses œuvres de Laurent Gaudé à lire, à écouter et, j’espère, à voir au théâtre.
Une note de lecture enthousiaste, une lecture que je recommande chaudement, un grand auteur.

65raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:27 pm

65. Sofia Douleur - Laurent Gaudé ; lecture d’ Agnès Sourdillon
Je suis un peu embêtée : voilà quelques temps je faisais coup sur coup deux notes de lecture dithyrambiques sur Laurent Gaudé, et me voilà devant cette œuvre devant laquelle je me trouve totalement dépourvue.
D’accord, c’est une allégorie. Il y est question de la place de la femme dans la société, et surtout de la légitimité et de la place de son désir. Ce ne sont pas des interrogations qui m’empêchent de dormir la nuit, mais je ne suis pas par principe hermétique à de telles questions. Mais je crois bien que je n’ai pas compris la moitié de la métaphore, qui sont les Trois Mères, qui est la Grande Molle, et tous les autres. Alors entre des moments très crus comme l’évocation sans far de l’excision et des scènes complètement hermétiques, avec cette fin en boucle qui repart, je suis restée sur le bord de la route, alternativement écœurée et incrédule, jamais intéressée véritablement par ce texte qui est pour moi le premier échec cuisant dans ma lecture de Laurent Gaudé. Un théâtre probablement trop radical pour moi.

66raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:28 pm

66. Médée - Euripide ; traduction de Leconte de Lisle, lecture de Cocotte et Esperiidae
Je ne suis pas une grande connaisseuse du théâtre en général, et du théâtre antique encore moins, cette note de lecture sera donc celle d’une néophyte. Médée est un nom que je connaissais, parce que je savais que Corneille avait écrit une pièce de ce nom. Mais ma connaissance du personnage s’arrêtait là. La pièce d’Euripide est assez évocatrice pour que mon ignorance ne m’ait pas gênée. Tous les meurtres, passés et présents sont là. Médée la fratricide, Médée la régicide, Médée l’infanticide, tous les crimes les plus odieux et les plus réprouvés sont là. Mais aussi Médée l’amoureuse, Médée l’exilée, Médée la répudiée. Et cette pièce, dont il m’est difficile de cerner l’enjeu et le message, exprime très bien la tension entre ces deux facettes d’une même femme. Femme libre aux pouvoirs occultes, Médée est avant tout la femme que l’on ne bafoue pas impunément, la femme qui préfère faire payer, quelque soit le prix que cela lui coûtera à elle. Manipulatrice, mettant une certaine conception de son honneur avant son bonheur et avant même sa droiture, c’est une femme entière et déchirée.
Une femme que je ne suis pas, une femme que je ne peux comprendre. Mais la pièce d’Euripide décrit une psychologie (quel anachronisme dans le mot) fascinante. Il met à nu dans une langue classique très sobre la personnalité et les raisonnements de Médée et m’a captivée. La construction du théâtre antique n’obéit pas aux mêmes canons que le théâtre auquel nous sommes habitués, mais la pièce demeure très actuelle et très facile d’accès. Un portrait étonnant d’une femme libre et meurtrière comme seule la mythologie antique a su en inventer, une pièce lue un peu par hasard mais qui me donne envie de fouiner dans le théâtre grec antique !

67raton-liseur
Apr. 7, 2015, 7:32 pm

Me voilà arrivée, avec plus de trois mois de retard, au bout de ma liste de lectures audio de 2014. Je referme donc cette page de mes lectures et je continue à mettre en ligne mes notes de lecture, mais uniquement dorénavant sur la page des livres. Bon vagabondage livresque à tous les lecteurs qui passeront par ici !

Anmelden um mitzuschreiben.