Dilara's 2023 reading log

- J’ai tout entendu. Je ne veux pas le croire. Que vont-ils faire de mon mari, Anicette ?
- Éléonor, je vous jure solennellement que nous allons tout faire pour le sortir de geôle. Je vais réunir tous nos amis et…
- Tu verras que tu n’en trouveras plus guère ! Tous vont nous abandonner/ Ils n’oseront pas se mettre en travers du chemin du Prévôt. Tu sais bien que cet homme se croit chargé d’une mission divine.
Je vous laisse entre les mains de Béatrix qui prendra soin de vous et de votre fils. Je reviendrai dès que j’en saurai plus.
La première chose à faire était de courir jusqu’à la « Treille Blanche », la maison des champs de Catalan pour prévenir François, Félix et les autres.

Comment t’appelles-tu ?
- Abelone.
Il lui tapota la joue.
- C’est un bon nom ! Un nom de fête. Écoute-moi bien ma petite amie. Tu as bien une autre robe à te mettre que cette espèce de chiffon à parquet ? Une robe noire, pas vrai ? Cette de ta confirmation. Et un tablier blanc propre ? Bon ! Suis-moi.
Dans le salon il avait sans rien dire fait déjà les premiers préparatifs. Il avait déplacé les plantes en pots rangées sur le rebord de la fenêtre et les avait disséminées avec goût tout autour de la pièce. La table ronde qui se trouvait près du canapé fut roulée sous le lustre, et Abelone reçut enfin l’ordre de mettre le couvert.

“I still don’t understand why he doesn’t speak English. I thought he went to school before he joined the army.”
“Yes, he did, but, you see, everyone in Tanzania speaks Kiswahili. It is used in offices, schools, and even among the village people who never went to school. English is only taught in private primary schools as a language of instruction. But in the government ones where the majority go, they use and teach Kiswahili only.”
“But what about their own languages? I mean, the languages of their tribes?”
“They don’t speak them.”
“Then how can they tell what tribe someone belongs to?”
“I’m sure it must be difficult since everyone speaks the same language. Maybe they can tell by their names, you know, just like here; people from different regions have different names.”
“I guess I like it better here, where people are able to speak the language of their tribes.”
We found Bahati sitting outside his shelter, his head bent between his legs, reading a magazine full of colored pictures. When he heard us coming, he looked up and smiled broadly at Jungu, at the same time folding the magazine and pushing it quickly into his pocket. He had a shy, boyish, round face, but his eyes were sharp and roving.
“Mtoto hajambo?”—Is the baby fine? he asked Jungu.

Santo Domingo es esto : in millón de habitantes que te miran
une millón de moribundos que se esfuerzan
bajo el sol.
Que hacen ruido y te miran
te gritan
te esquivan a sabiendas
te persiguen
te violan
te agarran la solapa
te sacuden los hombros
te interrogan
te besan
te preguntan
te comprimen
te arreglan la corbata

Santo Domingo c’est cela : un million d’habitants qui te regardent
un million de moribonds qui s’agitent
sous le soleil.
Qui font du bruit et te regardent
t’interpellent
t’évitent sciemment
te poursuivent
te violent
te saisissent par le revers
te secouent les épaules
te questionnent
t’embrassent
te demandent si
te compriment
retouchent ta cravate

A la place, nous achèterons des billets pour Scarface de Brian de Palma. J’ai pourtant fait observer que la critique est épouvantable : on déplore de la violence gratuite, un langage inutilement grossier, une esthétique tapageuse. Mais c’est Thomas qui a raison, bien sûr. Le film est un chef-d’œuvre, peut-être d’abord une fable féroce sur l’argent qui corrompt. Tandis que défile le générique, il dit : géniale, la scène de la tronçonneuse, hein ? Je le regarde et je lui réponds, avec ironie : j’ai failli me serrer contre toi, à ce moment-là. Il sourit en retour. Je reçois ce sourire comme un cadeau. Il n’y a pas eu tant d’occasions où Thomas m’a souri. Ce n’était pas son genre.

Je sais d’avance que certains d’entre vous ne vont pas apprécier ce livre. (…) Pas de problème, remettez vite ce bouquin sur son étagère et restez vautrés dans les confortables certitudes de vos vies étriquées. Pour les autres, retroussez vos manches et bon courage, je vous promets que les recettes en valent la peine.

En remontant à pied la côte vers la maison, je me demande si mon annonce ramènera quelque chose, ou si j’aurais dû promettre une récompense en bas de page. Quelle serait la récompense appropriée pour un carnet à la fois inestimable et sans valeur. Devrais-je peut-être allouer ma voiture en guise de récompense ? Elle est vieille, certes, et ce n’est qu’une Mitsubishi. Je coterais sans hésiter le carnet plus haut qu’elle. Au bout de quelques centaines de pas, je me retourne et vois que la caissière est sortie sur le trottoir pour lire mon annonce en entier.

daïra
des moissons fertiles

qui, lequel tu es ?

tes rires résonnent
encore
daïra dans ce champ
dans cette ville
dans ce cœur triste

tu n’es autre
qu’un serviteur
un fils
un père qui ne compte pas
un botaniste qui féconde
pour une moisson des clartés

je me souviens de cette main
tendre sur ce visage
brûlant de connaître.

Les gens de l’amour

Depuis toujours l’amour traverse le chemin
Depuis toujours il habite la coïncidence
Comme le voyage habite le chemin.
Le chemin s’accoutume au voyage
Comme s’il était son passé
En lui il grandit et avec lui l’intimité grandit.
Depuis toujours l’amour déserte le chemin
Comme la lune déserte le soir
Comme le jour déserte le jour
Et le lendemain déserte le lendemain.

C’est très facile. Nous sommes ici sur le golfe du Bengale, dans le royaume d’Arakan. Le territoire du royaume est formé d’une longue bande côtière, limitée à l’arrière par une chaîne montagneuse orientée nord-sud. De l’autre côté des montagnes, l’État des Pyu et le royaume de Nanzhao sont en guerre permanente mais Arakan échappe aux effets pernicieux des troubles. Disons avec assurance que depuis la fondation du royaume par le roi Chandra il a cinq cents ans, Arakan n’a jamais été soumis, ni aux Pyu ni à Nanzhao, préservant ainsi son identité culturelle.

Tous les crocodiles du marigot étaient morts. Le cirque Höffner voulait bien nous prêter les siens, mais seulement en échange d’autant de Canaques*…
Des coups de sifflet ont retenti, couvrant le brouhaha qui s’élevait au-dessus du fleuve des visiteurs. Je me suis penché à la fenêtre pour apercevoir une dizaine de policiers qui prenaient position autour du bâtiment tandis que plusieurs autres s’apprêtaient à y entrer de force.

LVI
Il se peut que ce monde ait l’étoffe des songes,
Qu’il inverse nos vies et tisse des mensonges.
Il se peut que l’œil pleure en rêve, alors que veille
La joie, il se pourrait qu’on rie dans le sommeil
Sans savoir de des pleurs se répandent sur soi.
Notre esprit s’impatiente à chaque fois qu’il ploie ;
C’est qu’il hait la patience et n’en fait qu’à sa tête.
Parti de bon matin, tel chasseur gratifié
D’un faucon à l’épaule ou d’un bel épervier
S’en revient seul, assassiné par les alouettes.

CXI
Les musulmans sont dans l’erreur,
Les chrétiens ont fait fausse route,
Les juifs demeurent dans le doute,
Le mazdéisme n’est qu’un leurre.

Les humains sont de deux espèces :
L’homme de raison qui délaisse
Toute forme de confession
Et l’esprit religieux qui laisse
Derrière lui toute raison.

- Tu sais, quand même, il se passe quelque chose de grave, ici. Très grave. Dans les toilettes de dessous. Il faut que tu ailles voir. Moi je n’y vais plus d’un pied, parce que je sais très bien où ils veulent en venir.
- De quoi tu me parles, Michk’, tu veux dire les toilettes du rez-de-chaussée ?
- Oui, près du ref… de la s… stable à manger… tu regarderas, en haut de la porte, il y a un… une sorte de… chose blanche… qui lance un… pshiiiiit, comme ça, à chaque fois qu’on entre dedans. Je vais te le dire : ils nous gazent.
- -Mais non, Michk’, c’est un diffuseur de parfum d’ambiance.
- -L’ambiance n’est pas torrible, crois-moi. Et ce n’est pas le parfum qui va la réchanter. Va voir, quand tu repartiras.

Quand elle vient à Paris, ma grand-mère du côté de ma mère descend au Lutetia ou au Meurice. On va la voir comme on irait à une audience. Elle vient une ou deux fois par an. Elle quitte les Landes pour une exposition de chiens ou ses affaires. Elle et ma mère se parlent en anglais au téléphone. Pour ne pas être comprises des domestiques ou du service des écoutes quelque part. On parle anglais dans ces familles, même sans quitter les châteaux.

Dans le même temps, on les plante trop près des façades, on les soumet à des tailles extraordinairement brutales, on les contraint à se suffire de pauvres sols de gravats encombrés de canalisations, d’anciennes fondations et de câbles souterrains, on les prive d’eau en les entourant d’une couche d’asphalte imperméable, on les asperge de sel en hiver et on les environne en permanence, eux qui ne peuvent s’enfuir, de gaz d’échappement toxiques.
C’est simple : nous ignorons ce dont ils ont besoin et nous profitons de leur silence qui les empêche de protester ; du reste peut-être vaut-il mieux qu’ils ne parlent pas car, j’en suis convaincu, ce qu’ils ont à dire de nous serait désagréable à entendre !
Paradoxe : nous les méconnaissons, nous les brutalisons, mais nous les aimons bien pourtant.

The three sisters checked to make sure they hadn’t missed anything then, when they were absolutely satisfied, Molly grabbed the galvanised bucket and ordered Gracie to get hold of the other side and walk quickly trying not to spill the contents as they made their way to the lavatories. Daisy waited under the large pine tree near the stables. She reached up and broke a small twig that was hanging down low and was examining it closely when the other two joined her.
“Look, Dgudu, like grass indi?” asked Daisy, passing the twig to Molly to feel.
“Youay,” she said, as she gave it to Gracie who crushed the green pine needles into her small hands and sniffed them. She liked the smell and was about to give her opinion when Molly reminded them that they didn’t have time to stand around examining pine needles.
“Come on, run, you two,” she said sharply as she started to run towards the river.
Many young people had stood under the same big pine tree and waited while someone went into the stable or the garage to distract Maitland, the caretaker and stableman. Then they would give the signal that the coast was clear and everyone would dash into the grainary and fill their empty fruit tins with wheat from one of the opened bags at the back of the shed. Some of it was roasted on flat tins over the hot coals, the rest was saved to fill initials that had been dug into the sloping embankment of firm yellow sand along the cliffs. These were left until the first rain came, then all the inmates would rush down to inspect the cliffs. This grass graffiti revealed the new summer romances between the older boys and girls. But these three girls from the East Pilbara had no intention of participating, they had a more important task ahead of them.
On they went, dashing down the sandy slope of the cliffs, dodging the small shrubs on the way and following the narrow path to the flooded river.

Une ronde si débordante qu’ils continuaient à la mener parfois au-delà de la nuit, au-delà de la neige, au risque de laisser leur corps sur place, dans le froid glacial. Un des arrière-grands-oncles, sorti ainsi de son corps, avait, en rêve, fait signe à sa femme et, le lendemain, on l’avait retrouvé gelé dans sa ronde, au cours de sa nuit de chasse.

Rougail ou rougaille :
Puisée dans la cuisine créole, fortement épicée (pimentée), méli-mélo de fruits et/ou de légumes fondus à l'huile d'olive. De la rougaille de mangue ou de papaye verte servie avec un calamar, à la rougaille de morue ou de saucisse, du condiment au plat garni, les combinaisons d'aliments sont multiples.

Comme on m’accusait d’avoir volé de l’argent, je m’enfuis droit devant ; jusqu’à ce que je parvinsse au désert et que ma route errante, me menât à l’ombre d’une tente. Assis près de ses piquets, j’avisai un garçonnet qui jouait au sable, avec ses camarades ; disant des vers qui concordaient à son image, non au génie de son jeune âge. Aussi niant l’idée qu’il en formât lui-même la trame je lui dis : « Fils des Arabes ces vers les rapportes-tu, ou bien sont-ils de ton cru ? »

Parfois, Margarida pleure à cause des fables, elle pleure parce qu’un père a changé ses filles en montagnes, ou elle pleure à cause de ce qu’on nous a fait, la laine et la cendre et les fers incandescents et le banc et les poids accrochés aux pieds et le sang vermeil. Elle pleure d’être morte, comme toutes les choses qui meurent. Et je lui dis ne pleure pas, Margarida. Et après l’orage elle a pleuré un peu, aussi, pour l’homme, parce qu’il était tellement beau à voir dans la clairière, disait-elle. Quel dommage que les hommes s’accrochent aux corps vides et les cachent et les enterrent pour ne pas voir ce qui leur arrivera à eux aussi.

Je ne sais dans quelle mesure tu comprends la peinture, Ioura, mais je pense que tu n’as pas besoin d’être une connaisseuse : l’esprit reconnaît l’esprit, comme il reconnaît son absence. Mon Dieu, Teodor, s’exclama Ioura en cette nuit d’août, au clair de lune, fleurant bon les pétunias de la terrasse et résonnant du bourdonnement des grillons dans les cours environnantes. Qu’y a-t-il ? demandai-je, effrayé.

Deuxième éclogue
…
L’aviateur

Moque-toi. J’ai peur là-haut. Et c’est elle que je veux :
être en bas dans un grand lit et pouvoir fermer les yeux,
ou du moins entre mes dents la chanter, ma bien-aimée,
à mi-voix au fond du mess plein de bruit et de fumée.
Si là-haut je veux descendre, en-bas j’attends de voler…
Dans ce monde pétri pour moi je n’ai de lieu où m’installer.
Mon appareil, je sais bien avec quel excès de l’aime,
mais quand nous sommes là-haut notre souffrance est la même…
Tu le sais. Tu l’écriras ! Qu’il n’en reste aucun mystère :
moi le destructeur, l’apatride établi entre ciel et terre,
hélas, qui le comprendra ? je vivais en homme aussi…
L’écriras-tu ?

27 avril 1941

Or suis venus en contree longtaine
Ou garde n’ay de devenir trop gras
Car pou mangier, dur giste et longue peine,
Ouïr souvent dire : « Tu te rendras
En combattant ou la vie perdras »,
M’en garderont, et le hernois qui poise,
Gesir : « A l’arme ! », et des chevaulx la noise,
Croy que souvent trop plus beau jeu ennuye.

Je suis arrivé dans quelque région lointaine
Où je ne risque pas de devenir gras :
Maigres repas, gîte à la dure, longue peine,
Et ces mots que j’entends souvent : « Tu te rendras
En combattant ou la vie, ici, tu perdras »,
M’en garderont, ainsi que le harnois pesant,
Le couchage par tous les vents et sous la pluie,
Les cris d’alarme et bruits de chevaux s’agitant.
A la fin, même un plus joli jeu vous ennuie.

Il manquait cependant un élément à charge solide : il n’y avait pas d’arme ni de témoin et personne ne l’avait vu ce 12 août en milieu d’après-midi dans les environs de Chénérailles. À présent, l’accusé niait farouchement avec des arguments tous à fait pertinents qui fragilisaient tout de même le mobile du crime. La présence de sang A+ dans sa voiture était bien mince comme seul élément concret de l’accusation et ne pourrait à elle seule convaincre un jury d’assises. L’inspecteur trouvait la conclusion hâtive et, pour lui, la poursuite des investigations s’imposait.

Métamorphose
à Charles Mercier

Assis sur le côté, sur un banc ; ballottés
Les gens passent, peu nombreux.
Non loin la tour levée, cathédrale éventée,
Le vent vole avec les vieux.

Dans l’allée sont les arbres, assez inquiétants
Leurs rameaux nus se dessèchent.
Leurs os de sève toute noire semblent latents
En s’élevant, foudres rêches.

…

D’une part parce que les « besoins sexuels » n’existent pas. On peut désirer, avoir très envie, être excité·e et le ressentir dans son corps. Mais il ne s’agit pas d’un « besoin » vital. Manger, boire, respirer, uriner, sont des besoins vitaux puisque si on arrête, on meurt. Mais si un homme cesse d’avoir des rapports sexuels, il ne va ni mourir ni avoir les testicules qui gonflent. Ce que l’on appelle le « syndrome des couilles bleues » est une légende urbaine, personne ne s’est jamais retrouvé à l’hôpital congestionné par un trop-plein de sperme !