> BAnQ (Kattan N., Le devoir, 23 oct. 1993) : https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2765877
> Olivier Germain-Thomas, écrivain-voyageur passionné par le sacré : https://www.rcf.fr/culture-et-societe/visages?episode=323290

> Au-delà d’un angoissant récit d’aventure, par une description concrète et précise, Olivier Germain-Thomas réussit à susciter en nous une inquiète interrogation.
—Le devoir

> AU COEUR DE L'ENFANCE, par Olivier Germain Thomas - Ed. Flammarion. — Ce roman est en fait l'histoire d'un homme, un adulte, qui parle à une petite fille et, accessoirement, fréquente sa mère.
L'action se passe dans le centre de la France, en cette région préhistorique des Causses qui fascina tant Henry Miller.
Qui dit cela, dit trous, dit grottes, dit boyaux, dit vestiges. Et l'aventure dépasse vite le lieu de la maison bourgeoise, du parc, des fouilles qui ont lieu un peu plus loin et que mène un vieil original, pour nous plonger dans une galère initiatique du style : la petite fille tombe dans un trou, l'homme la suit et nous voilà plongés dans les ténèbres à ramper sous terre ne sachant ni comment mourir ni comment survivre.
Et là, c'est très fort, d'une puissance d'évocation rare, haletante, qui nous fait toucher du coeur ce que peut être l'infini d'une crise radicale. Surprenant.
A lire !
—Nouvelles Clés, (29), Mai/Juin 1993, (p. 78)

> LES ÉNIGMES DE LA VIE ET DE LA MORT, par Naim KATTAN. — Olivier Germain-Thomas est un explorateur de l’énigme de l'être. Parcourant l'espace, s’arrêtant devant le mystère des civilisations, il est parti à la découverte de l'autre pour mieux revenir à lui même et à l'essentiel. Auteur de deux livres sur l'Inde: La tentation des Indes et Retour à Hénarès, ses deux derniers romans ont pour théâtre le Brésil et Venise. Cependant, l'espace n’est point, pour lui, un simple spectacle. Au Brésil, s'éloignant des plages exotiques, il a cherché à pénétrer une spiritualité africaine — transformée en macumba — toujours vivante — et conservant sa force, sa violence et son impact. A Venise, il a découvert une ville souterraine et le grouillement d’une société occulte qui agit à l’abri d'une humanité fantomatique fût-elle la seule visible.
Dans son dernier roman. Au coeur de l'enfance, l'espace est, à nouveau, en retrait. Ici, la démarche est on ne peut plus précise. Le monde extérieur est littéralement invisible. Une histoire brève et simple. Nous retrouvons Eric personnage du précédant roman d'Olivier Gennain-Thomas, Princesse non identifiée. Il se relève de la captivité de son amour vénitien. Il est en France, chez lui. Lors d’une visite à la campagne, il tombe de bicyclette. Une petite fille, Lisette, est sur les lieux. Elle rit de sa mésaventure et soigne sa blessure. Elle vit seule avec sa mère et celle-ci accueille le passager et, la nuit, ils sont ensemble au lit. Pour Eric, cette rencontre est sans pesanteur et demeure sans signification.
Quelques jours plus tard, il part à bicyclette avec Lisette à proximité d'une grotte préhistorique. Ils passent par des chemins de traverse et, par un trou qu’ils ne voient pas ils font une chute dans une partie inexplorée de la grotte. Ils sont dans l'opacité et ont froid et faim. Bientôt la mort guettera. Qui rassure l'autre ? Qui console l'autre de l'adulte ou de l’enfant ? La petite fillç découvre les mots et les choses et Eric ne cesse de les inventer à son usage. « Rien n'est fixe, tout bouge. Même en ce moment cette grotte se transforme. Nous aussi. La question est une simple question de temps. Chez nous ça va vite ; pour une grotte, il faut peut-être 30 vies, 50, 100… » Ainsi le temps est relatif et l’espace bouge, se transforme.
Que reste-t-il ? « Creuser, creuser dans son propre cerveau pour éveiller les parties les plus sombres, si loin derrière les évidences ». Eric voit la mort s’approcher. Comment sauver la petite fille ? Il est malade, s’étant, dans la chute, cassé un bras et la fièvre l'accable. Il pourrait donc mourir le premier. Faudrait-il tuer l'enfant pour lui épargner peur et souffrance ? Il serait pourtant prêt à lui donner sa vie…
Dans le noir, Eric rampe et finit, sans savoir comment, par creuser une ouverture. Ils sont sauvés. Quelques jours plus tard, il regarde Lisette : - Sous la nuque vit la mémoire la plus ancienne de l’espèce, un dépôt oublié toujours prêt a ressurgir ». Ainsi, au fond de l’abîme, la lumière se fait en lui par cette simple révélation. Toute énigme contient sa propre solution.
Au-delà d'un angoissant récit d'aventure, par une description concrète et précise, Olivier Germain-Thomas réussit à susciter en nous une inquiète interrogation, une quête de l'essentiel.
Pour l’auteur, la tentation était grande de nous livrer une fable et de réduire l'aventure à une métaphore. En épousant le réel, Olivier Germain-Thomas réussit à nous communiquer une vision de l'homme ample et riche. L’histoire échappe aux faits et ses prolongements sont imprévisibles et infinis. Une fillette a beau emprunter les mots de son âge et un homme a beau poser des gestes d’adulte, ils échappent l'un et l’autre à leurs corps ou plutôt à l'image qu'ils donnent. Le réel est magique dans la mesure où il est ouverture sur un au-delà.
*Olivier Germain Thomas, Au coeur de l'enfance, Editions Flammarion, Paris
—Le devoir, 23 Octobre 1993, (p. 7)