Challenge - j'arrive en retard

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Challenge - j'arrive en retard

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1Ibarrategui
Bearbeitet: Sept. 18, 2009, 6:17 am

1. Savonarole, Glaive de Dieu de Marie Viallon
Peu convaincant. Elle maîtrise pourtant très bien l'histoire religieuse, et s'avère être une lectrice et interprète avertie des sermons du moine dominicain. Par contre, on sent que l'histoire politique italienne l'ennuie un peu : elle recopie Renouard et quelques historiens marxistes ou marxisants (en tout cas vieillis, ça se sent) pour la mise en contexte et se contente ensuite de quelques citations de Machiavel et de Guichardin (dont une qui revient plusieurs fois). Pour une spécialiste de civilisation et de l'Eglise, il est dommage d'avoir mêlé le bon (les analyses de texte des sermons de Frère Jérôme), le moyen (la contextualisation, écrite y a près de quarante ans) et le mauvais (le système politique florentin, illustré de manière peu pédagogique et rendu encore plus compliqué par une surcharge d'italianismes nuisant à la qualité du texte).

2. La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne
Une histoire fascinante où se nouent la culpabilité et le désir dans les paysages sauvages de la Nouvelle-Angleterre. L'ensemble dépasse largement l'histoire de la femme adultère et du pasteur expiant.

3. George Orwell, by Bernard Crick
Une véritable enquête qui reste dans les limites de ce que peut trouver un biographe. Pas d'introspection sans fondement, une belle connaissance de l'oeuvre, de l'homme et de ses écrits. La biographie littéraire est en général très difficile à écrire, car il faut trouver l'équilibre entre la vie et les oeuvres. Celle-ci est une des meilleures.

4. Exercices de style de Raymond Queneau
Très amusante suite du même court récit, à chaque fois raconté avec un autre style.

5. Le clan des Médicis de Jacques Heers
Etrange. On dirait une compilation de plusieurs travaux, sans trop de liant. Parfois il verse dans l'histoire économique, souvent dans l'histoire sociale, et puis d'un coup, le style passe de Lucien Febvre à Machiavel ou Guichardin. Je sais bien que c'est fonction des sources, mais un minimum d'harmonisation du style et de structuration de l'ensemble n'aurait pas fait de mal. La bibliographie est un peu vieillissante et l'histoire culturelle/des mentalités n'existe pas.
Au fond néanmoins, les rouages de l'ascension médicéenne sont bien expliqués. L'aspect économique est convaincant. Cette famille, ce clan d'usuriers qui peu à peu profite des purges et des éliminations dans l'oligarchie pour se tailler un empire... intéressant. La singularité florentine appert souvent : des tyrans qui n'en sont pas vraiment, des condottiere inefficaces qui font de la guerre un simple spectacle, la course aux honneurs d'une oligarchie marchande sans être maritime (comme Gênes, Pise ou Venise),...

6.Peter Camenzind de Hermann Hesse
Un roman guère convaincant : trop lyrique, une psychologie assez irréelle, une intrigue de jeune homme cherchant sa voie - comme toujours avec Hesse, mais racontée avec maladresse. Reste de ce livre quelques pages de grande qualité.

7. L'ornière de Hermann Hesse
Il ne faut pas s'arrêter à une première impression : Camenzind ne m'a pas convaincu, l'ornière beaucoup plus. Ce roman constitue un tableau maîtrisé d'une détresse adolescente (avec une grande économie de moyens, rendant les descriptions plus vivaces et les sentiments plus intenses).

8. Rosshalde de Hermann Hesse
Ce livre représente un artiste peintre mondialement connu l'été d'un choix décisif pour l'avenir de son existence. Une grande clarté d'expression et une solution finale assez sordide. Très bon.

9. Knulp de Hermann Hesse
Très court roman, composé de trois scènes de la vie d'un marginal, vu par le narrateur, par les autres puis par lui-même. Roman psychologique moderne qui détourne les codes du roman d'apprentissage pour accéder au plus près de la réalité humaine. Je sens l'évolution de Hesse au fil des romans : Knulp, plus réaliste que Camenzind, plus restreint aussi, est une réflexion dans la droite ligne de ses écrits antérieurs. Mais qui développe et enrichit ses thématiques.

10. Le savant et le politique de Max Weber
Une série de conférences qui se sont finalement révélées plus accessible, moins théoriques que je ne le pensais (et qui m'ont finalement pas appris tant que ça sur la pensée de Weber). Une introduction intéressante et facile à l'oeuvre du sociologue

11. L'imagination sociologique de Charles Wright Mills
Une excellente réflexion, vieille d'un demi-siècle, sur les aléas de la recherche sociologique et ses diafoirus. Un portrait sans concession du théoricien jargonnant et du bureaucrate de la sociologie. Encore d'actualité aujourd'hui.

12. La révolte des élites de Christopher Lasch
Lasch est réellement un des plus perspicaces esprits de notre temps. Disparu en 1994, il est l'auteur d'une oeuvre dont la pertinence est toujours vivifiante. Par des biais inattendus (l'attaque de la méritocratie comme insuffisamment démocratique, la fin de l'art de la dispute/discussion, la réévaluation de la religion, les universités, la psychothérapie), Lasch dévoile un pan inexploré de notre temps et établit des connexions surprenantes et néanmoins convaincantes. Je ne suis pas en accord avec tous ses arguments, mais ceux-ci interpellent. Notamment parce qu'ils ciblent toujours des donnés auxquels le lecteur n'a pas forcément songé.
Plus de trente ans nous furent nécessaires pour découvrir Weber. Il en a encore fallu dix-quinze pour Lasch.

13. Le retour de Martin Guerre de Natalie Zemon Davis
Sa manière de raconter l'histoire, par le vraisemblable, la détermination de ce qui aurait pu être au vu des moeurs du temps, en fait à la fois une enquête sur un cas extraordinaire et une étude sociale des conditions de vie du paysan du XVIe au Pays basque et aux marches pyrénéennes. Un classique de l'analyse historique

14. Le nazisme en Amérique du Sud de Sergio Correa da Costa
Il s'agit d'une chronique (c'est le sous-titre) et ça en a bien le caractère, hétérogène et sans colonne vertébrale. Correa da Costa fournit un livre à peu près bien informé, quoique déséquilibré et parfois loin d'être convaincant. D'abord, le sujet : nazisme et Amérique du Sud traite principalement du Brésil et de l'Argentine (la Bolivie, le Chili, le Pérou, la Colombie sont expédiés, voire ignorés).
Sans chronologie en annexe, il est parfois difficile de se repérer dans l'histoire sud-américaine. Surtout quand l'auteur, suivant son approche thématique opère de fréquents mouvements sur l'axe du temps. Il se répète parfois, aborde un sujet ou un acteur pour ne l'expliquer qu'une cinquantaine de pages plus tard, et pire, semble se limiter à une bibliographie très sommaire (et de seconde main) sur certains sujets.

15. La bibliothèque, la nuit d'Alberto Manguel
Essai sur les bibliothèques, privées ou publiques, et sur les contraintes et les caractéristiques qui en font un objet culturel particulier. A mi chemin entre le dictionnaire amoureux et l'histoire thématique, un essai agréable et bien écrit.

16. L'aleph de Jorge Luis Borges
Je trouve toujours incroyable la densité de la prose de Borges. Sa nouvelle fantastique L'immortel aurait été délayée en 3 tomes par n'importe quel auteur de SF américain... Recueil de nouvelles.

17. Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert
Deux imbéciles s'essaient à toutes les sciences. La moquerie de FLaubert envers le scientisme de son époque est dévastatrice. Dommage qu'elle soit quelque peu gâchée par la trop grande technicité de son vocabulaire. A moins d'être expert, dans certains domaines, on peine à voir ce qu'ils font mal (même si l'on saisit parfaitement le résultat nécessairement catastrophique de leurs efforts). Le roman est inachevé et manque en partie son but, à savoir le recensement des bêtises de son temps.

18. Le voyage du Condottiere d'André Suarès
Le plus beau livre du siècle. Un récit de voyage en Italie qui est d'une puissance et d'un style... Chaque phrase est une musique, chaque ligne est un voyage. Pas d'histoire, pas de récit, uniquement un parcours qu'il convient de savourer, de lire et de relire sans fin.

19. La 3e révolution américaine de Jacques Mistral
Aimable constat économique et politique de la catastrophe des années Bush Jr. Pas de prospective en dehors du titre qui annonce une révolution que rien ne confirme dans le livre. Un bon article économique légèrement approfondi mais guère plus.

20. Dans la bibliothèque privée d'Hitler de Timothy Ryback
L'auteur a plongé dans les arcanes des restes de la biblio de l'oncle Adolf pour en tirer quelques livres spécifiques. Chacun illustre, à sa manière, une période et une tendance d'Hitler : la bio de Schlieffen lue (y a des annotations d'adolf) en 40 pendant la campagne de France, celle de Frédéric le Grand, lue pendant la chute, mais aussi des livres d'occultisme, les romans de peau-rouges de Karl May, le guide de Berlin de Max Osborn, Peer Gynt ou les livres de vulgarisation philosophico-scientifique du racisme et du darwinisme. Quelques surprises (l'absence presque totale de Nietzche et de Schopenhauer) et des anecdotes amusantes (l'autobio de Gandhi, qu'on lui a offerte, livre qu'il n'a jamais coupé et encore moins lu - quelle surprise-). Pas grand chose de neuf cependant pour le connaisseur. Juste des confirmations.

2Ibarrategui
Sept. 18, 2009, 6:38 am

21. Le siège de l'aigle de Carlos Fuentes
Excellent roman épistolaire à fortes dimensions politiques. En 2020, la lutte pour la succession présidentielle fait rage entre le directeur de cabinet du Président et le Ministre de l'intérieur. Un jeune arriviste, une femme vénale, des hommes d'Etat, des militaires, échangent des lettres et messages et, au fil de ceux-ci, font avancer l'intrigue. Extrêmement cynique et désabusé, à lire pour découvrir Fuentes.

22. Koba de Martin Amis
Ni roman, ni livre d'histoire, un résumé de Figes et Conquest, qui ne vaut que pour la personnalité du père de Martin Amis (stalinien des lettres puis conservateur) avec qui le fils entame un dialogue. On préférera Sebag Montefiore, plus long, plus sérieux et plus fouillé.

23. Ramon de Dominique Fernandez
Très bon bouquin, mais c'est terrible comme Dominique Fernandez échoue finalement à résoudre le mystère de l'adhésion fasciste de son père. Il tourne pendant 800 pages, analyse les tenants et les aboutissants, décrypte le couple de ses parents, les relations de son père avec la France et le Mexique, l'engagement au PPF, l'alcoolisme, la fascination intellectuelle pour la brute, l'homme d'action, etc... L'ensemble est de très bonne facture, mais au final Ramon Fernandez lui-même est le grand absent du livre : ses motivations nous restent à demi éclaircies et on ne peut que constater l'échec de cette biographie. Cependant, l'entreprise valait la peine d'être menée, et elle l'est avec brio malgré tout.

24. Va au Golgotha d'Alexandre Zinoviev
C'est brouillon, bizarrement mené, oscillant entre le comique et le philosophique. Je trouve la critique de la société soviétique un peu vieillie, pas très bien menée. Franchement une déception vu le thème (l'ivrogne soviétique qui se rend compte qu'il est Dieu). On sent que Zinoviev, philosophe, est plus à l'aise avec les idées et la philosophie qu'avec les personnages et la littérature. Bref, je ne conseille pas.

25. Les entretiens de Nuremberg de Leon Goldensohn
livre reprenant les notes du psychiatre Leon Goldensohn qui interrogea les accusés et les principaux témoins du (premier) Procès de Nuremberg. Fascinant. Ils composent tous en partie une image d'eux-mêmes et tentent par la même occasion d'évaluer leur culpabilité. Cela dresse un portrait intéressant de chacun. Frick est glaçant, Dönitz seulement un marin et rien de plus, jamais, Fritzsche se présente comme l'innocent idéaliste manipulé, Frank est particulièrement brouillon mais paraît se poser des questions sur la responsabilité collective, Funk pleurniche sur lui-même et sur sa psychologie d'artiste, le fait qu'il n'avait rien à faire là, etc...
Les contributions des témoins (souvent des exécutants sur le terrain) le sont quasiment plus que celles des accusés (parfois des seconds couteaux). Rudolf Höss (commandant d'Auschwitz) et glaçant, comme Oswald Pohl ou Otto Ohlendorf. Le pire, je pense, est Daluege, dont on ne peut plus rien tirer d'humain. La galerie des exécutants du front de l'est (ça reste des chefs quand même) est particulièrement éprouvante. Un témoignage indispensable à lire et à relire. Ce n'est même pas l'aspect historique qui prime (surtout si on a quelques bases), mais l'aspect humain et leur attitude face à la culpabilité, individuelle et collective. Un épais mais fascinant bouquin.

26. Je déballe ma bibliothèque de Walter Benjamin
Livre qui parle des collections diverses et variées du philosophe : amateur de culture populaire, il explique les origines de cette passion par des textes denses et courts suivis d'une iconographie, malheureusement parfois illisible. Un appendice comprend le carnet de lectures de Benjamin et une liste de 1200 livres lus au fil des années 1916-1940. ça permet de voir l'évolution de ses lectures et ses centres d'intérêt. Après son exil en 33, il cesse quasiment de lire de la philo, de l'esthétique ou plus généralement de la non fiction, pourtant majoritaire durant les années 1916-1930. Et il ne lit alors quasiment plus que de la littérature. Une fuite du réel? Peut-être, mais le réel le rattrapera en 1940, quand poursuivi par la Gestapo, ayant perdu sa bibliothèque, il se suicidera à la frontière espagnole...

27. Demian de Hermann Hesse
Un roman symboliste et psychanalytique, dont l'action est entièrement tournée vers les crises intimes du narrateur. L'arrière-plan sociétal, dans la continuation de ses oeuvres précédentes, devient ici complètement évanescent. Seule l'irruption de la guerre, exaltante épreuve de l'appartenance à la communauté, parvient brièvement à relier le narrateur au monde. Un récit de crises existentielles plutôt bien écrit, mais qui manque à mon sens de consistance humaine : trop de symboles, trop d'analyse, trop de rêves. Hesse, pétri d'analyses jungiennes, centre son roman sur les crises personnelles du narrateur, oubliant de relier l'expérience intime à l'expérience sociale. Je suis en désaccord de fond avec l'optique de l'individu naviguant dans les replis de son âme à la recherche de l'idéale fusion du bien et du mal dans un être nécessairement supérieur. Comme si l'expérience intime pouvait être entièrement déliée de son contexte, de la structuration qu'impose l'expérience sociale. En tout cas, paradoxalement, les thèmes hessiens de ce roman sont, au-delà d'enjeux dramatiques étiques, en lien avec le mot d'ordre fondamental de l'individualisme. Sa solution mystique et intérieure me paraît par contre peu convaincante, et finalement bien dans l'esprit de la littérature allemande et de ses états d'âme.
L'entreprise n'est pas un échec cependant. Hesse, romancier de l'intime et du rapport de l'individu anticonformiste au monde conformiste parvient de temps à autre à rétablir les connexions entre le monde et le narrateur, à les insérer dans un parcours de vie, qui, à défaut d'être totalement crédible, peut par certains aspects, parler à une frange du lectorat. Personnellement, le roman, sauf par de brefs éclairs, ne m'a guère parlé, mais je crois discerner les raisons de son succès dans l'Allemagne de l'immédiat après-guerre (et je vois aussi pourquoi Alfred Döblin vomissait l'oeuvre de Hesse).

28.La crise des sociétés impériales de Christophe Charle
Ouvrage d'histoire sociale, à dimension comparatiste. Très touffu, se plaçant dans une perspective économique et sociale assez intéressante. L'aspect comparatiste permet de bien voir les différences fondamentales entre les sociétés allemande, française et britannique en 1900. Puis Charle parvient à bien mettre en regard les évolutions et les convergences entre les sociétés. Par contre, je trouve la notion de société impériale un peu rapidement évoquée et sommairement définie, les relations avec l'Empire sont évacuées assez rapidement (voire non abordées : l'Allemagne notamment). La dimension des classes sociales est abordée, mais sous un aspect parfois rébarbatif de catalogue et de collage. Il manque aux chapitres une colonne vertébrale (justement ces notions assez peu expliquées de crise et de société impériale) : il aborde successivement chaque pays, et dans chaque pays, chaque classe, sans pour autant relier aussi fortement qu'espéré les dynamiques des unes et des autres. Les dynamiques internes de chaque classe sont par contre bien reconstituées.
Coller une description allemande, une description française, une description allemande et faire un petit chapitre synthétique de 20 pages ensuite (souvent consacré à la comparaison France/RU ou France/Allemagne) me paraît d'ailleurs relever d'un comparatisme non totalement assumé.
Le sujet, il faut le reconnaître, était tellement vaste et touffu que Charle a dû faire des choix, et on le sent quand on feuillette l'immense bibliographie qui a servi de matériau au livre.
La machine tourne bien, l'ensemble est détaillé, mais la mécanique intellectuelle peine parfois à définir réellement les différents aspects connexes de cette crise commune des sociétés impériales.
Au-delà de ces aspects critiques, l'ensemble est une très belle synthèse d'histoire sociale, cherchant à relier les dynamiques de classe aux dynamiques politiques et internationales. Les chapitres sur l'évolution des sociétés pendant la guerre 14-18 sont passionnants, et la thèse que sous-tend la périodisation (1900-1940) me semble légitime.

29. Le phénomène Soljénitsyne de Georges Nivat
Le livre n'est pas une biographie de Soljénitsyne : les repères chronologiques sont évacués dans un chapitre liminaire. Nivat s'intéresse principalement à l'oeuvre de l'écrivain russe, par une approché thématique bien maîtrisée. Les aspects proprement littéraires (travail sur la langue russe, construction des romans, organisation théorique de ceux-ci) prennent le pas sur les aspects historiques de l'oeuvre. Si Soljénitsyne s'est mis en scène dans la plupart de ses romans, son oeuvre n'en demeure pas moins une somme historique courant entre 1914 et les années 60. Nivat parvient à bien coller à son sujet en évitant de déborder sur de longues considérations soviétologiques. Le lecteur historien ou politiste regrettera que Nivat ne s'attache pas plus à l'explication de la réception de l'oeuvre du russe tout au long des années 60 et 70, et des débats qu'elle souleva. Ce choix s'est néanmoins fait au bénéfice d'une analyse poussée des ressorts littéraires de l'oeuvre. Le résultat est appréciable : Soljénitsyne, en bon scientifique, organisait méthodiquement son travail littéraire et le commentaire de ses oeuvres, souvent très poussé en matière politico-éthique, paraît souvent limité dans son aspect proprement artistique. Nivat comble cette lacune et apporte des arguments en faveur de la place élevée de Soljénitsyne dans le panthéon des écrivains du 20e siècle.

30. Histoire de la littérature allemande de Hans Hartje
un gentil petit manuel retraçant, souvent naïvement d'ailleurs, l'histoire littéraire de l'Allemagne (et de l'Autriche). Contrairement à ce que la couverture et un bref aperçu du bouquin pouvaient laisser croire, il ne s'agit pas d'un résumé concis de l'histoire de la littérature germanophone, mais bien d'un ensemble de considérations diverses sur l'histoire de l'Allemagne, sur les écrivains, ce qu'ils ont fait et, parfois, pensé, ponctuées par de nombreuses exclamatives. Quelques notices biographiques mal construites, souvent à moitié consacrées à des considérations totalement annexes, permettent de resituer vaguement Mann, Schiller ou Schlegel. A feuilleter un après-midi pour savoir pour quelles raisons X ou Y est resté connu. Trop léger et trop superficiel.

31. L'homme qui voulait changer le monde de Hermann Hesse
petit recueil de nouvelles d'Hermann Hesse. Contrairement à ses romans, souvent attachés au modèle du bildungsroman, mettant en scène sur un ton grave et parfois tragique des préoccupations existentielles, les nouvelles prennent une forme assez libre et ironique.

32. Laval de Fred Kupferman
Une très bonne biographie du président du conseil et collaborateur Laval. Kupferman, historien et fils de déporté, parvient à établir juste assez de distance et d'empathie pour équilibrer le portrait qu'il dresse. Plutôt bien écrite, sa biographie se consacre à la fois à l'"oeuvre" du dirigeant Laval (1931, 1935, 1940, 1942-44) et à son contexte :il revient sur les différents aspects de la politique des années publiques de Laval jusqu'à la collaboration, dont il récapitule les grandes tendances. En général, la connexion entre le contexte historique et l'action du personnage - le point nodal d'une biographie - est cohérente, fluide et bien pensée

33. Les enfants de Socrate de Françoise Wacquet
une réflexion d'histoire culturelle sur la nature des liens entre les maîtres et les disciples, en l'espèce limitée à l'Université. Je ne suis qu'à moitié convaincu. La nature des liens (filiation, domination, émancipation, hommage, etc...) est relativement bien illustrée. Mais la délimitation de son champ de recherche me paraît hasardeuse (l'Italie et la France depuis 1680), ses exemples, nombreux, ont tendance à se répéter et il manque une conclusion générale. Sur le fond, les relations maîtres/disciples sont expliquées correctement, mais ça manque de profondeur : quand j'ai refermé le livre, je me suis franchement demandé ce que j'avais appris dans ce livre.

34. Le siècle des intellectuels de Michel Winock
C'est le grand classique dans le domaine. J'avais essayé de le commencer en 2003, mais j'avais cédé inexplicablement à la mort de Zola. Inexplicablement parce que je l'ai trouvé, en 2009, passionnant. Winock brosse le tableau des engagements des intellectuels depuis le conflit séminal que représenta l'Affaire Dreyfus jusqu'aux décès de Sartre et d'Aron, et avec eux, d'une figure type de l'intellectuel engagé. Le livre, de plus de 800 pages, repose heureusement sur des chapitres assez courts, thématico-chronologiques, très lisibles. Difficile de passer outre quand on s'intéresse à la vie intellectuelle française depuis 1900. Evidemment, ce ne sont pas des analyses des oeuvres ou des courants littéraires (au-delà du célébrissime ouvrage de Benda sur La trahison des clercs), mais plutôt un panorama de l'engagement des écrivains (principalement) dans les grandes causes du XXe : Dreyfus, la première guerre mondiale, le 6 février 34, la guerre d'Ethiopie, la guerre d'Espagne, la seconde guerre mondiale, les débuts de la guerre froide, l'Algérie, les années 60, le maoïsme des années 70. D'ailleurs, et je pense que c'est délibéré, l'espace 6 février 34 -> accords d'Evian (soit moins de 30 ans) prend près de la moitié du livre. Ensuite les engagements intellectuels se délitent peu à peu, jusqu'à l'émergence de figures d'expertise sectorielle à rebours des penseurs ou romanciers généralistes investissant des causes qu'ils considèrent comme justes. Winock paraît schématique au tout début, lors de l'Affaire Dreyfus, mais il s'agit là, il faut bien le reconnaître, d'un conflit assez lisible, dans lequel la vérité et le mensonge sont clairement définis. Les engagements suivants seront bien moins lisibles et le lecteur suivra, au fil du siècle, le récit des engagements intellectuels, parfois confus ou imbéciles, souvent pleins de bonne foi et d'ardeur. Je ne regrette qu'une chose, l'impression de bâclage que laissent les chapitres finaux, à partir du maoïsme des années 70. Foucault, Barthes ou, plus tard Bourdieu, méritaient plus que les maigres paragraphes qui leur sont consacrés. L'ensemble mérite son statut de classique quand même.

35. la lanterne verte de Jerome Charyn
Le livre s'ouvre en 1935 en URSS, alors que les premiers signes de la Terreur stalinienne commencent à se manifester. A Moscou, un acteur amateur d'une compagnie théâtrale minable interprète le Roi Lear de Shakespeare d'une manière si magistrale qu'il devient en peu de temps un phénomène de société, reconnu et aimé de tous. L'ironie de la situation c'est que la pièce traite d'un tyran vieillissant, veuf, qui a une fille unique. Ce qu'est exactement Joseph Staline à ce moment là. La compagnie et son protecteur, un écrivain géorgien, tchékiste et arriviste, sont alors pris dans le tourbillon terrifiant des années 35-42. On aperçoit, au fil du roman, Eisenstein, le réalisateur, Maxime Gorki, le Grand Ecrivain Soviétique, Genrikh Yagoda, Nikolaï Iejov et Beria, les trois chefs successifs du NKVD, mais aussi Molotov, le "premier ministre" et bien sûr le tyran lui-même, Staline. La collection d'images est réaliste : je reconnais les traces de mes propres lectures dans certaines descriptions de Charyn. Son Staline, que Soljénitsyne avait déjà dépeint dans le premier cercle, est une réussite : imprévisible, dangereux, inquiétant, même et surtout lorsqu'il est détendu. La lanterne verte, c'est d'ailleurs cette sinistre lampe de chevet qui brille au Kremlin tard le soir, dans le bureau du tyran, et qui annonce les purges sans fin. C'est aussi le titre de la nouvelle écrite par le romancier tchékiste, qui enclenche la tragédie à mi-roman. L'histoire, en elle-même, me semble un peu faible : elle sert d'alibi à la mise en scène des personnages célèbres, l'intrigue est irréaliste, théâtrale. Le détour par la Loubianka, l'immeuble du NKVD et par le goulag sont des passages intéressants mais dont l'atrocité réelle est largement laissée de côté au profit d'une vision euphémiste et ironique. Le scénario global cède au spectaculaire, non comme accumulation de péripéties invraisemblables, mais comme approche uniquement concentrée sur la société du spectacle (acteurs, écrivains, cinéastes). Peut-être était-ce la condition nécessaire à l'ascension rapide et à la chute des personnages, à leur proximité au pouvoir, mais cela passe totalement à côté des aspects proprement politiques et des réalités sociales. C'est, à mon sens, ce qui affaiblit notablement le propos. Ceci dit, c'est un bon roman contemporain, assez faible stylistiquement, mais plein d'ironie, d'astuce et de références. Une mise en image spectacularisée et plutôt légère des purges staliniennes. J'aurais préféré quelque chose de plus grave.

36. L'édition littéraire aujourd'hui d'Olivier Bessard-Blanquy
ne chronique, plutôt bien écrite, des trente dernières années de l'édition française. Elle s'ouvre avec la création d'Apostrophes et se clôt avec Houellebecq. On voit l'émergence, sur trente ans, de l'édition française contemporaine, à savoir quelques gros éditeurs généralistes qui, pour rentrer dans leur frais, publient de plus en plus de "fast books", au succès éphémère, pour un public de lecteurs moins cultivé qu'auparavant (1975 en tête des ventes Gary devant Soljénitsyne, 2005 Lévy devant Musso). Et la création de petites structures, au succès relatif, qui investissent le champ de la littérature d'avant-garde ou plus pointue (La dilettante, etc...). Les intermezzo, petits chapitres sur des sujets divers, sont très bien pensés (les phénomènes Pivot, Sulitzer, le déclin de la lecture, le succès d'Actes Sud, le rôle des libraires, etc...) et constituent le morceau de choix de l'ouvrage. Le reste est intéressant, quoique parfois fastidieux, quand, pour appuyer son propos, l'auteur énumère les transferts d'éditeurs entre les différentes maisons.

37. Firmin de Sam Savage
un petit conte moderne, publié à Actes Sud : un rat naît dans une cave de Boston dans les années 60. Il s'avère que cette cave appartient à une librairie et que le rat, en se nourissant de papier, se retrouve un jour à savoir lire... Du coup, il cesse de dévorer le papier pour dévorer les livres. Il apprend énormément, mais ne peut malheureusement, malgré ses efforts, pas communiquer avec les hommes. L'histoire est une remémoration par ce petit rat cultivé de sa vie de lecteur isolé au milieu d'animaux qui ne le comprennent pas et de "grands esprits humains" qui ne peuvent savoir ce qu'il pense. Au delà de l'aspect un peu enfantin du conte, l'approche est plutôt fine : le lecteur qui dévore des bouquins mais qui est condamné à ne jamais vraiment pouvoir les partager, dans un monde qui ne reconnaît pas l'enrichissement personnel, la culture et le partage comme des valeurs centrales. Qui refuse de faire autre chose que de consommer et de forniquer. La vie inutile du rat qui sait lire mais qui ne peut rien faire de ce qu'il apprend : on repose la question de la connaissance comme fin ou comme moyen? La plume de l'écrivain, Sam Savage (c'est son premier roman et il a ... 68 ans), est légère, son style est agréable, y a quelques bons mots et, en 200 pages, il parvient à composer une histoire qui semble superficielle et banale, mais qui dissimule en fait une jolie analyse.

38. Pour l'amour de Staline de Jean-marie Goulemot
réédition approfondie du clairon de Staline, publié à la fin des années 70. Goulemot retrace trois moments centraux du PCF de l'immédiat après-guerre: le 70e anniversaire de Staline, le 50e anniversaire de Maurice Thorez et la mort de Staline (soit 1949, 1950 et 1953). Le délire absurde et l'hystérie commémoratrice des communistes français de l'époque sont retranscrits avec beaucoup de sérieux et de précisions. Lorsque Staline approchait de 70 ans, le monde communiste a vécu, durant plusieurs semaines, dans une ambiance de culte de la personnalité complètement ahurissante à nos yeux. Chaque cellule du PCF était encouragée à offrir des présents à Staline, cela va de la lettre du déporté à des objets manufacturés par les ouvriers, des mèches de cheveux aux photographies de fusillés, des documents historiques aux spécialités culinaires. Et cette formidable démesure en faveur du tyran donnera lieu à l'envoi de trains bondés de victuailles et de cadeaux à destination du Kremlin, après qu'une exposition en ait révélé l'ampleur au grand public. Le PCF relancera l'opération en faveur de Maurice Thorez, sur des tonalités légèrement divergentes. L'hystérie dépassera tout ce qui était humainement envisageable à la mort de Staline. Il faut relire les odes d'Aragon et d'Eluard à Staline, les insultes lancées par Daix, Casanova ou Wurmser à ceux qui ne pleuraient pas Staline pour prendre la mesure de l'abjection dans laquelle s'est vautrée "l'intelligentsia" communiste française avant Budapest. Et l'étude de Goulemot va justement reprendre les archives des quotidiens et hebdomadaires communistes pour retracer cette avilissement d'une partie de l'intelligence française (qui s'est rarement repentie). Avilissement qui tient de la complicité de crime contre l'humanité et qui explique pourquoi on évite, très à gauche, d'exhumer ces vieilles et sordides affaires. Goulemot associe à la republication de son étude d'intéressantes considérations sur l'approche temporelle du PCF (sa pratique orwellienne du temps tronçonné, où le sujet du jour prend une place démesurée avant d'être totalement abandonné, oublié, submergé par d'autres sujets de mobilisation, et, éventuellement, voit son existence niée) et sur sa pratique de la commémoration. Intéressant, avec un petit dictionnaire biographique de l'intelligentsia communiste pré-budapest.

39. L'histoire oubliée des guerres d'Italie de Jacques Heers
Heers ne s'est pas foulé outre mesure, vu ses connaissances en la matière, mais c'est une synthèse qui n'existait pas à ma connaissance, et il a le mérite de l'avoir rédigée. Le livre démarre avec la croisade de CHarles d'Anjou et s'achève avec la fin des entreprises italiennes de François Ier.
A l'histoire strictement chronologique de la présence française à Naples et en Sicile, Heers ajoute une intéressante synthèse sur les évolutions de la pratique guerrière entre le milieu du XIIIe et le milieu du XVIe siècle. C'est bien écrit, dynamique et instructif. Utile pour le néophyte et l'amateur de moyen-âge junior. Peut-être pas nécessaire pour les fins connaisseurs de la dynastie angevine ou du royaume de Naples.
Edité par une petite structure catholique très à droite (Via Romana édite Diesbach, des prêtres et Jean Madiran), le bouquin de Heers est dans les canons de la synthèse historique classique, pas de mauvaise surprises, sinon deux ou trois saillies contre les mensonges de l'école républicaine. (ah son terrible complot pour cacher la vérité sur Charles d'Anjou... )

40. President Kissinger by Maurice Girodias
Uchronie basée sur l'accession de Kissinger à la Présidence des USA en 76. Le livre n'est pas très réaliste et qu'il doit plutôt être lu comme une charge, parfois bien vue, parfois lourdaude, contre la politique menée à l'époque de Nixon.L'interdiction du livre aux USA (où il n'a jamais été publié) paraît cependant disproportionnée par rapport à son contenu. Des relations heurtées avec certains scientologues influents suite à un opuscule précédent expliquent plus sûrement cette condamnation que les éventuelles sulfureuses aventures de ce pseudo-kissinger.

3Ibarrategui
Sept. 18, 2009, 7:04 am

41. L'ivrogne et la marchande de fleurs de Nicolas Werth
Excellente synthèse sur l'application réelle des purges de 36-38 en URSS. Une plongée bien construite et très documentée dans les arcanes du pouvoir stalinien. L'ivrogne et la marchande de fleurs en plongeant tête baissée dans les archives, en insérant des extraits de procès verbaux, paraît un peu aride quand on le feuillette. C'est une fausse impression : l'ouvrage est authentiquement passionnant. Il va voir comment la Terreur de 36-38 a été lancée, pour quels objectifs concrets, comment elle s'est emballée sur le terrain (les minutes des enquêtes en Ouzbékistan sont ahurissantes) puis comment le pouvoir a su les arrêter quand elles commencèrent à mettre en danger le politburo lui-même face au NKVD qui menaçait alors de devenir un Etat dans l'Etat.

42. Les procès de Moscou de Nicolas Werth
Moins puissant que le précédent, ce livre retrace la face émergée de l'iceberg des répressions politiques soviétiques. Les procès de Moscou vaut surtout parce qu'il montre à quel point ces procès ont pu être l'écran qui dissimula les purges de terrain (800 000 morts, 1,5 million de déportés au goulag). Il montre aussi comment se suivent et se complètent les trois procès : celui de 36, qui n'atteint pas ses objectifs politiques ; celui de 37 qui démontre aux cadres du Parti qu'ils sont en danger s'ils échouent ; celui de 38 qui relie l'accusation à une trahison longue (depuis 1918) et protège ainsi les nouveaux insérés dans le système politico-bureaucratique en leur envoyant le message "les traîtres sont surtout des vieux bolcheviks".

43. Histoire de l'Italie du Risorgimento à nos jours de Sergio Romano
qui s'arrête en 1977, malgré deux actualisations/ajouts de paragraphes en 82 et 94. Le bouquin n'est pas convaincant concernant l'après-guerre, Romano n'a pas retouché ces chapitres lors des rééditions. On voit les strates d'écriture dans les derniers chapitres. Pour la période 1861-1945, Romano fournit de bonnes notices biographiques, une bonne chronologie en annexe, mais c'est vraiment de l'histoire vieillie : pas de symboles, pas d'histoire culturelle, pas d'histoire des représentations, pas d'histoire des phénomènes sociaux, pas même d'histoire urbaine. La bourgeoisie veut. La bourgeoisie pense. La bourgeoisie fait. Schématique, mal ficelé : la collection points seuil devrait refondre complètement cet ouvrage, plutôt à destination d'un public étudiant.

44. Kaputt de Curzio Malaparte
Une remémoration réaliste et poétique de la guerre, construite avec intelligence et finesse. L'un des meilleurs romans italiens du siècle.

45. L'assasinat de Kirov d'Anna Kirilina
La mort de Kirov en 1934 est l'évènement déclencheur de la terreur Stalinienne. L'ancienne directrice du musée Kirov à St-Petersbourg revient sur ce meurtre et reconstruit les motivations de Nikolaïev, l'assassin. Les versions de Conquest et d'autres en sont obsolètes. Bon petit livre pour spécialistes.

46. La démesure russe de Georges Sokoloff
Une synthèse de l'histoire russe sans grand intérêt pour le spécialiste mais qui pourra constituer une bonne introduction pour le néophyte. 1000 ans en 350 pages, obligatoirement ça va parfois très (trop) vite.

47. Sur les falaises de marbre d'Ernst Jünger
Une métaphore politique, au lyrisme marmoréen, de l'Allemagne des années 30. Dans un pays imaginaire, un intellectuel tente de résister à la montée d'un danger et finit par devoir s'exiler. Une fine réflexion, merveilleusement bien écrite, sur l'exil intérieur pendant le nazisme. Son côté métaphorique lui permet une bien meilleure survie littéraire. Un grand livre

48. De l'extinction des espèces de Dave Raup
Un classique de la réflexion en matière d'extinctions massives. Une plume aérée et pédagogue donne un ensemble de clés très lisibles au non-spécialiste. Peut-être plus au top de ce qui ce fait en matière de théorie de l'évution, mais la plupart des argumentations restent pertinentes.

49. Au commencement était l'homme de Pascal Picq
Une belle synthèse sur l'évolution pré humaine et humaine. Gâchée malheureusement par les petites piques envoyées aux détracteurs variés de l'auteur. Certains arguments passent un peu loin des connaissances du lecteur moyen.

50. Urfaust de Goethe
La première version, inachevée de la première partie de la tragédie. Ellipses nombreuses, mais, à nos yeux de lecteurs contemporains, pleines de sens.

51.Faust, première partie de Goethe
La version la plus célèbre du drame faustien : Méphistophélès vient parier l'âme de Faust et l'amour d'icelui avec Marguerite marquera l'histoire de la littérature allemande, voire mondiale.

52. Faust, seconde partie de Goethe
Nettement plus longue et plus riche que les deux versions ci-dessus, la dernière partie de Faust plonge dans la mythologie, la politique, l'histoire... Une tragédie impossible à mettre en scène, mais dont la lecture s'avère inépuisable.

53. Beethoven by Andre Tubeuf
Une réflexion audacieuse et complexe sur la musique de Beethoven. Non experts en Beethoven, s'abstenir. Un très beau style et une langue normalienne parfaite cependant.

54. L'uchronie d'Eric Henriet
50 questions sur les uchronies, 50 réponses par le spécialiste français du sujet. Pas mal.

55. Le protestantisme de Laurent Gagnebin
Une très bonne synthèse sur le protestantisme, dont on ne regrettera que la partialité toute relative à propos de certains thèmes. Pour le néophyte qui veut savoir ce qu'est au juste, le protestantisme

56. Moravagine de Blaise Cendrars
Un roman étrange, au ton très "années 20". Un psychiatre fait évader un assassin de l'asile et ils se promènent ensuite à travers le monde : une métaphore bien écrite de la double identité de l'écrivain.

57. Une guerre totale, Paraguay 1864-70 de Luc Capdevila
Un retour magistral sur une des guerres les plus meurtrières de l'histoire. Au-delà de l'aspect proprement historique, à lire pour les correspondances édifiantes des consuls de France, morceau d'anthologie historique.

58. L'esprit de Genève de Robert de Traz
Une petite synthèse dépassée sur ce que représente Genève dans l'imaginaire collectif. La partie sur la SDN est bien trop longue pour l'intérêt qu'elle a de nos jours. Quelques bonnes remarques sur la ville néanmoins.

59. Le deuil sied à Electre d'Eugene O'Neill
A la fatalité des grecs, O'Neill préfère la fatalité psychologique et psychiatrique. Une grande pièce moderne qui reprend le thème éternel des Atreides, du retour d'Agamemnon, des crimes de Clytemnestre et de la vengeance d'Electre. Le tout transposé à la fin de la Civil War en nouvelle-Angleterre.

60. La grande armée de la liberté de Walter Bruyère-OSteels
Retour sur le devenir des officiers d'Empire de 1815 à 1835. Alors le sujet est intéressant - voir à quel point les anciens officiers de Napoléon se sont impliqués dans les combats libéraux d'Am Sud, d'Espagne, d'Italie ou de Grèce, mais la composition est déplorable. Les chapitres sont mal organisés, les notes de bas de page, fort nombreuses, se répètent de temps en temps, le livre n'a visiblement pas été relu.
De plus, le corpus prosopographique est un peu léger pour être vraiment représentatif. Le style n'est pas très bon...Par contre, au fond, l'idée est bonne et la recherche historique intéressante. Je dirais qu'il s'agit d'une excellente recherche dans les archives, d'une bonne thèse et d'un bouquin d'histoire moyen. L'éditeur (Tallandier) n'a pas vraiment fait son boulot.

4Ibarrategui
Sept. 18, 2009, 7:15 am

61. Nouvelles sous ecstasy de Frédéric Beigbeder
Livre que ma librairie m'a offert, probablement pour s'en débarasser. Quelques idées amusantes, dignes d'un publicitaire, peuvent faire sourire, quand au reste... de la fausse provoc branchouillarde, des angoisses de pauvre type superficiel, des nouvelles pseudo sexuelles et aussi excitantes qu'une épilation de septuagénaire avant une opération à l'hôpital... Heureusement que c'était court.

62. Mes dix conseils d'écriture d'Ellmore Leonard
Dix conseils donnés par un maître du roman noir US. Là encore un bouquin offert. Ne vaut que pour les illustrations qui accompagnenent un propos vaguement amusant mais d'une briéveté déplaisante.

63. Cosmétique de l'ennemi d'Amélie Nothomb
J'avais lu du Nothomb étant jeune, là aussi un livre offert par ma librairie. Amusant dialogue (comme d'hab avec Nothomb)... par contre à 120 pages écrit gros, je comprends mieux qu'elle en publie un par an. Y avait quelques saillies amusantes jusqu'au milieu du livre, après ça devient prévisible.

64. La moustache d'Emmanuel Carrère
livre curieux, qui tend vers l'uchronie et qui, quand on achève la lecture, fait immanquablement penser aux livres de P.K.Dick. Ce monde qui se désagrège autour du personnage principal, qui voit partir sa mémoire en lambeaux, c'est dickien. Et d'ailleurs on ne connaît pas la vérité à la fin. Cependant, Carrère ayant fait ses premières armes sur des travaux universitaires concernant l'uchronie, je penche pour une sorte de basculement dickien entre deux réalités parallèles. Le style au début est un peu hésitant, mais l'accélération de l'action le rend plus efficace. ça se lit vite et je trouve ça plutôt meilleur que la production traditionnelle française.

65. Choix fatidiques de Ian Kershaw
Retour sur la seconde guerre mondiale, et une série de choix pris par les différents ETats. Une vision déterministe de l'histoire et un propos un peu trop long. Pour le reste, c'est relativement efficace.

66. On a volé le maréchal de Jean-Yves Le Naour
Sur la rocambolesque "évasion" du cercueil du Maréchal Pétain en 1973. Le Naour retrace à cette occasion l'historique de mouvement pétainiste après 1945. Amusant et instructif.

67. Homo Faber de Max Frisch
Un très grand roman : le style plat et technique semble vouloir se couler dans une époque prévisible et organisée. Le hasard vient briser cet agencement et restaurer l'humanité du monde.

68. Katyn d'Alexandra Viateau
Une synthèse du crime de Katyn et de ses conséquences historiques : bien amené, mais mal ficelé, on sent beaucoup trop la collection d'articles variés ajoutés à la va-vite pour composer un livre. Certains chapitres semblent dater des années 70, d'autres d'hier. Plutôt moyen

69. L'homme premier d'Henry de Lumley
Pour tous ceux qui n'arrivent pas à retracer l'évolution humaine avant l'histoire, une très jolie synthèse, bien illustrée, bien écrite. Sans guère d'intérêt pour l'amateur.

70. Vie du lettré de William Marx
Une analyse érudite et bien écrite des rapports entre les lettrés et la vie, quotidienne, amoureuse et professionnelle. Court mais agréable

71. Nous autres d'Evgueny Zamiatine
Excellente dystopie qui inspira Orwell. Une prose futuriste, mécanisée et métallique enrichit le propos politique.

72. André Suarès, l'insurgé de Robert Parienté
Biographie un peu trop terre-à-terre d'une des plus beaux écrivains français qui aient vécu.

Euh... voilà, j'en suis là à la mi-septembre... les 100 devraient être atteints d'ici la fin de l'année ^^

5Cecilturtle
Sept. 18, 2009, 9:31 pm

Voilà une bibliothèque qui me plaît beaucoup! Penchant pour Hesse, la psychologie, la sociologie et la critique littéraire, je sens que je vais diversifier mes lectures et me régaler! Bienvenu, Ibarrategui!

6Ibarrategui
Sept. 19, 2009, 1:21 pm

Merci Cecilturtle, j'avoue que je n'ai découvert ce challenge que tardivement (d'où l'interminable liste...) pour cette année 2009. Heureusement, j'avais déjà une partie des commentaires sous la main!

7domguyane
Okt. 12, 2009, 6:23 pm

Je me sens un peu minable, avec mes romans ... peut-être devrais-je m'élever un peu, en tout cas merci pour le grain à moudre.
Nous avons au moins Hermann Hesse et "le cousin Blaise du Jura" en commun.

8Ibarrategui
Okt. 14, 2009, 6:40 am

73. Vérités et mensonges en littérature de Stephen Vizinczey
Des essais solidement charpentés sur quelques figures exemplaires - ou non - de la littérature : Stendhal, Kleist, Goethe. Parfois un peu hétérogène (il reprend certains de ses articles de presse).

74. Rhinocéros d'Eugène Ionesco
Excellente pièce. Une grave maladie se répand sur une ville et change les habitants en rhinocéros, un quidam résiste. Métaphore sur les dictatures et plus largement sur le conformisme social.

75. Napoléon Apocryphe de Louis-Napoléon Geoffroy-Château
Historiquement la première uchronie littéraire, puisqu'elle date de 1841. Geoffroy-Château retrace la conquête du monde par un Napoléon qui ne s'attarde pas à Moscou en 1812. Un style parfois maladroit est largement compensé par le côté visionnaire de l'entreprise. Derrière la conquête du monde par Bonaparte se profile étrangement les tyrannies du siècle à venir.

76. Mariana Pineda de Federico Garcia Lorca
Une pièce poétique et fine qu'il faudrait lire en espagnol, malgré les efforts du traducteur. Ecrit dans les années 20, ce texte retrace un complot antimonarchiste du 19e siècle. Il s'achève tragiquement par l'exécution de Mariana Pineda, jeune femme qui, par amour d'un des chefs de l'insurrection manquée, refusa de donner les noms des comploteurs à l'envoyé du roi.

77.Les guerres préhistoriquesde Lawrence Keeley
Un essai d'archéologie et d'anthropologie qui démontre, avec beaucoup d'intelligence, le côté violent et guerrier des sociétés préhistoriques. Une réflexion plus large, informée et comparatiste essaie de mettre en relation les guerres des civilisations avancées et celles des civilisations primitives.

78. L'Amérique que nous voulons de Paul Krugman
Le Prix Nobel d'économie s'attaque à la révolution conservatrice et tente d'esquisser un programme démocrate et progressiste qui réduise les inégalités dans la société américaine. Partisan mais convaincant.

79. Le grand homme de Philippe Soupault
L'une des têtes du surréalisme s'attaque aux grands industriels. Sa prose, rapide et sans fioritures, s'adapte parfaitement à la modernité de son sujet, le grand patron. Soupault est moins convaincant sur les autres personnages mais sa peinture d'un monde matérialiste sans projets spirituels est très bien exécutée.

80. Le chaînon Ida de Colin Tudge
En mai 2009, une équipe de paléontologistes a dévoilé un fossile de singe, parfaitement conservé, et vieux de 44 millions d'années. Colin Tudge retrace cette merveilleuse découverte (c'est le plus beau fossile de primate de l'histoire), et évoque le monde dans lequel a vécu ce petit singe. Instructif et didactique. Je suis moins convaincu par l'argument central des découvreurs (l'idée du "chaînon manquant", qu'on livre à toutes les sauces) et qui semble surtout là pour attirer encore plus de public (et ainsi rentabiliser l'acquisition, très chère). Néanmoins cela ne retire rien à l'exceptionnalité de la conservation du fossile.

81. Garibaldi, citoyen du monde d'Alfonso Scirocco
Très belle biographie du héros du Risorgimento. Scirocco retrace, sans donner trop de crédit au mythe, la vie aventureuse du Guévara du 19e siècle : corsaire au Brésil, général en Uruguay, défenseur de Milan puis de la République Romaine, commandant des Mille (qui prirent un royaume, les Deux-Siciles, en 5 mois, en nette infériorité numérique) lors de l'expédition contre les Bourbons, vaincu par la realpolitik de son temps à l'Aspromonte, et, à 60 ans passés, encore sur le terrain pour défendre la jeune IIIe République contre les Prussiens.
La biographie aurait pu être aisément complétée d'une réflexion sur le myhte Garibaldi, mais elle aurait probablement alourdi le volume.

82. L'exécution des Ceaucescu de Radu Portocala
Un journaliste roumain revient sur l'étrange révolution de décembre 1989 en Roumanie. Sans preuves tirées d'archive, sa théorie du complot soviétique ne semble pas totalement convaincante. Mais les questions qu'elle pose ne sont pas toutes idiotes, bien au contraire. Et le livre mériterait de ce fait une contre-enquête approfondie.

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Voilà le bilan des lectures mi-septembre / mi-octobre.

La route des 100 semble dégagée!^^

9Ibarrategui
Dez. 7, 2009, 5:37 am

ça fait un moment que je n'avais pas fait le point.

83. Histoire politique de la littérature de Stéphane Giocanti
Sous prétexte de revenir sur les liens entre la politique et la littérature, Giocanti, spécialiste de Maurras, assassine les complices du communisme (Sartre, Aragon, Eluard, qui ont dit pas mal d'âneries c'est vrai) et essaie de restaurer la mémoire de Bernanos ou de Maurras. Quelques anecdotes déjà lues ailleurs encadre un propos assez peu intéressant.

84. Michel Kohlhaas de Kleist
Grand classique de la littérature allemande, cette histoire de vengeance oppose l'honnête marchand de chevaux Michel Kohlhaas à l'administration féodale d'un domaine. Partant comme un conte, l'histoire prend une tournure tout à fait spéciale lorsque que Kohlhaas décide de venger ses chevaux mal soignés. Roman très fort, qui parle de liberté et de justice.

85. Six personnages en quête d'auteur de Luigi Pirandello
L'un des classiques fondateurs du théâtre du XXe siècle. Six personnages surgissent pendant la répétition d'une pièce et essaient de faire jouer leur drame. Mise en abyme très subtile de l'acte théâtral, cette pièce rétablit les distances entre personnages, drame, acteurs et public. La tragédie des personnages ne pourra évidemment jamais être montée.

86. Chacun à sa manière de Luigi Pirandello
Encore une leçon sur le théâtre du grand maître sicilien. En mélangeant une pièce et sa première représentation, Pirandello montre les effets de contamination du réel par la fiction. Quasi impossible à monter, cette pièce abstraite établit quelques lois du théâtre tout en jouant sur sa nature ludique.

87. Ce soir on improvise de Luigi Pirandello
Dernière pièce de la trilogie du théâtre dans le théâtre, Ce soir on improvise montre une représentation happening imaginée par un metteur en scène inventif (on sait que le XXe siècle sera celui des metteurs en scène plus que celui des auteurs). L'improvisation qu'il imagine tourne court lorsque les acteurs, privés d'indications scéniques, se mettent à faire n'importe quoi. Joyeuse et astucieuse, la pièce constitue, en négatif, un plaidoyer en faveur du théâtre.

88. Contes nocturnes d'ETA.Hoffmann
Huit contes romantiques du maître allemand en la matière. Tous ne sont pas fantastiques, loin de là, certains se coulant dans des schémas plus psychologiques, voire psychiatriques. On appréciera les aspects visionnaires dans le domaine de l'inconscient, l'ambiance si particulière de cette Allemagne romantique, la dernière nouvelle, également, qui parodie toutes les autres. Hoffmann avait ouvert toutes les voies du fantastique du 19e siècle.

89. Le roi se meurt d'Eugène Ionesco
Grande pièce du franco-roumain : le roi d'un royaume en déréliction s'apprête à mourir. Derrière l'humour absurde et parfois grinçant de dialogues savoureux se profile une vision extrêmement noire et pessimiste de la condition humaine. L'une des meilleures pièces d'Ionesco.

90. Histoire de la Prusse de Jean-Paul Bled
Une synthèse assez informée de l'histoire du Brandebourg, petite marche d'Empire, établie sur un sol pauvre, et qui devint la Prusse, c'est à dire la puissance militaire majeure de l'histoire européenne durant près d'un siècle. Le spécialiste n'apprendra rien, mais le profane pourra mieux comprendre les bases de l'histoire allemande. Bled s'étend particulièrement dans ses domaines de prédilection, Frédéric II et Bismarck.

91. Wallenstein de Friedrich Schiller
Tragédie historique de très grande ampleur, Wallenstein revient sur les ambiguïtés d'un héros historique. Pièce inépuisable, de très haute volée, Wallenstein repose sur l'affrontement d'un grand général de la Guerre de 30 ans, tenté de trahir l'Empereur pour s'emparer d'un pouvoir royal et son lieutenant, fidèle à l'Empire et à la foi catholique. Derrière le schématisme de ces positions de départ, se déploie une pièce en forme de rupture : rupture avec le héros qui court par hybris vers sa tragédie - Wallenstein y va presque en reculons, sans trop savoir ni comment ni pourquoi -, rupture avec la tragédie des princes - ici l'avis de la troupe oriente l'histoire -, rupture enfin avec le temps d'ancien régime - derrière ce Wallenstein, écrit entre 1786 et 1798, perce le pressentiment de l'imminence historique de Bonaparte.

92. Hermann Goering de François Kersaudy
Il n'existait qu'un seul travail sur Goering en français, celui de David Irving, révisionniste notoire. Avec cette biographie de qualité, écrite par un spécialiste de l'Angleterre churchilienne, le lecteur français pourra enfin évaluer la responsabilité précise du dauphin d'Hitler dans le drame du siècle. très bonne biographie, avec un seul défaut, la trop grande place donnée aux sources hagiographiques en ouverture de volume.

93. Les falsificateurs d'Antoine Bello
Amusant roman politique. Bello imagine qu'une organisation secrète, le Consortium de Falsification du Réel, modifie en profondeur la réalité politique, économique, sociale, en imposant des documents et des travaux falsifiés, qui réorientent l'opinion publique. Sur un motif très astucieux, Bello déploie l'ascension d'un jeune agent islandais au sein de la structure. Les deux premières parties sont haletantes, puis l'histoire s'enlise un peu et perd la crédibilité patiemment construite sur 400 pages. Néanmoins, un roman de détente plutôt bien fait.

94. Les éclaireurs d'Antoine Bello
La suite directe des Falsificateurs replace son héros islandais au coeur des grands enjeux du temps (11 septembre, guerre en Irak). Bello révèle, après quelques péripéties, la vraie nature du CFR et conclut l'ascension de l'islandais par un joli pied de nez. Si l'idée de départ des deux tomes est bonne, on peut regretter un didactisme pesant dans ce second livre. Le style est plutôt défaillant, mais rien de choquant pour le lecteur habitué aux romans de genre et de gare.

95. De la liberté de John Stuart Mill
Un essai fondateur du libéralisme politique. Mill, un siècle avant Popper, a l'intuition du fonctionnement profond de la quête de vérité scientifique (une proposition présumée vraie est une proposition que l'on a pas encore réussi à réfuter) et montre l'intérêt d'une société sans censure, où la tyrannie de l'élite et celle de la masse sont toutes deux contenues et subjuguées. Parfois vieilli, dans ses exemples, sa clarté et sa lisibilité en font encore un classique de science politique.

96. Long voyage du jour à la nuit d'Eugene O'Neill
Terrible pièce, autobiographique, du dramaturge américain. En une journée, la descente aux enfers d'une mère de famille morphinomane qui replonge dans la drogue contraint son mari, acteur de théâtre, et ses enfants à baisser leurs masques. La puissance tragique de la pièce est amplifiée quand on devine son caractère éminemment personnel pour O'Neill.

97. Ces gens du Moyen Âge de Robert Fossier
Essai historique brouillon, qui cherche à combattre les idées reçues sur la vaste période médiévale. Approchant la réalité quotidienne de la masse par thèmes (travail, outils, habitat, vêtements, sexualité, éducation,...), puis celle de la société (ordres, stabilité, foi, art), ce travail aurait pu être une excellente clarification de nos préjugés. Le ton déplaisant, ratiocinant et réactionnaire empêche l'ouvrage d'atteindre son but.

98. La cantatrice chauve et la leçon d'Eugène Ionesco
Deux pièces fondamentales du théâtre d'Ionesco. L'absurdité, très proche du nonsense anglais, de la cantatrice chauve, est poussée à son plus haut degré dans une pièce qui ne dit rien, ne montre rien, n'exprime rien. Rien sinon le cri de résistance du théâtre ludique face à son pompeux adversaire de l'époque, le théâtre engagé (voir Nekrassov de Sartre). La leçon, sur des tonalités absurdes, montre la lente dégradation d'une relation professeur-elève vers le sadisme, la cruauté, et le meurtre. Habile dénonciation des effets d'un intellectualisme aussi abstrus qu'obscur sur la société, la leçon mérite le détour.

99. Souvenirs de la guerre récente de Carlos Liscano
Une variation sur le thème déjà évoqué par Gracq et Buzzatti du soldat enfermé dans sa forteresse, attendant quelque chose qui ne vient jamais. Et qui du coup, gâche sa vie et s'atrophie jusqu'à ne plus savoir quoi faire d'autre. Le ton très épuré du roman rend le récit plus efficace, mais empêche d'adhérer en profondeur à un personnage déjà transformé par son parcours militaire.

(on arrive bientôt aux 100!)

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